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La chronique des arts et de la curiosité — 1868

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Nr. 45 (8 Novembre 1868)
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N° 45.

DIMANCHE 8 NOVEMBRE.

DES ART

CURIOSITÉ

ABON

Paris. ... ... Un an : 15 fr.

—.Six mois : 8 fr.

Départements. Un an : 18 fr.

_ .... Six mois : ÎO fr.

Un numéro : 20 cent.

Pour l’étranger, le port en sus.

SPÉCIAL DES A

PARAISSANT LE

S ET DES AMATEURS
DIMANCHE

Rédaction, 55, rue Vivienne.

Comptes rendus et annonces des ventes
publiques de tableaux, dessins, estampes,
bronzes, ivoires, médailles, livres rares,
autographes, émaux, porcelaines, armes,
objets de curiosité, etc.

Revue des Arts industriels.

1868.

ABONNEMENTS.

Paris. Un an :

—.Six mois

Départements .... Un an :

— Six mois

Un numéro : 20 cent.
Pour l’étranger , le port en

Administration, 55, rue Vivienne.

Correspondances étrangères. — Nouvelles
des galeries publiques, des ateliers. —
Bibliographie des livres, articles de revues
et esta’mpes, publiés en France et à
l’Étranger.

Expositions de Province et de VEtranger.

LE

NOUVEAU PALAIS DE JUSTICE.

Entre tous les monuments élevés dans
ces dernières années à Paris, nous devons
louer le nouveau Palais de justice bâti
parM- Duc assisté deM. Daumet. Sa belle
façade, encore obstruée par des masures,
parle un langage intelligible à tous. Per-
sonne, en montant les degrés des per-
rons qui conduiront à ce monument, ne
se méprendra sur sa destination. La pré-
dominance de La dimension en largeur
lui donne un caractère solide, ferme et
raisonnable qui convient admirablement
à un Palais où la justice se rend. Les co-
lonnes cannelées, sveltes, sans être mai-
gres, couronnées d’un gracieux chapiteau
emprunté à je ne sais quel temple asia-
tique; les larges baies qui s’ouvrent dans
les entre-coloimements et reposent sur un
mur contre lequel s’adossent des figures
en haut-relief, conservent au monument
sa physiononfe sévère et grave. Elles
y ajoutent une certaine aménité et un
aspect ouvert traduisant à merveille les
sentiments d’une nation humaine dont
la justice éveille plutôt l’idée de pro-
tection que de vengeance et dicte des
sentences publiciues fui n’ont rien à re-
douter du grand éclat de la lumière.

Peut-être pourrait-on censurer les co-
lonnes engagées dans les antes qu’elles
affaiblissent en mettant en porte-à-faux
les consoles de l’entablement, criti-
quer la trop forte saillie des figures en
haut-relief atténue d’autant celle
des colonnes, 6t préférer un entable-
ment à plates'bandes à un entablement
recoupé et divisé dans toute sa hauteur
par des consoles énormes surmontées
d’un masque de femme. Mais ce sont
là des détail? auxquels nous ne voulons
pas nous anêter. Rien ne doit diminuer
notre adminüon pour cette façade où la
convenance s’allie si bien à la beauté, et
où les élémmts de majesté et d’élégance
se marient Afec tant de bonheur, que l’on
pénètre sam crainte et avec respect dans
ce sanctuaire de la justice : double résul-
tat qui fait lonneur à l’homme et à l’ar-
tiste.

Après avoir payé un juste tribut de

louanges'àla façade, entrons dans la salle
des Pas-Perdus par une de ses trois por-
tes, construites d’après les meilleurs
exemples de l’Égypte et de la Grèce. Ici
l’impression est tout autre : l’architec-
ture ne pade plus un langage imposait.
Pour nous diarmer, elle a mis en œuvre
toutes les séductions de son art. La re-
cherche est même poussée si loin, qu’elle
devient presque un défaut. La multipli-
cité des ressauts, des profils délicats et
des courbes est ce qui frappe d’abord
l’esprit plus charmé par les détails que
saisi par l’ensemble. On serait tenté de
croire que T architecte, si convaincu de ce
qu’il devait dire dans la façade, a hésité
dans l’expression qu’il devait donner à
cette salle. La couverture formée par la
pénétration de deux voûtes en berceau
manque de parti pris. Elle présente au
regard une succession de voûtes trans-
versales appuyées sur des arcs-doubleaux
et supportant une coupole atrophiée
dont la calotte rentrante n’accuse pas
suffisamment la grande voûte longitu-
dinale. Fortifiée par deux bandeaux en
saillie qui suivent toutes les inflexions
des voûtes transversales et tracent, dans
la longueur, deux grandes lignes brisées,
cette voûte manque de grandeur. .La
même incertitude se révèle dans la jonc-
tion des pilastres et dè l’architrave qui
ne nous paraît pas indiquée avec la net-
teté voulue. Appuyés contre des pieds-
droits, les pilastres, au lieu d’être arrêtés
par un chapiteau franchement déterminé,
sont entés d’un chapiteau en forme de
console qui les couronne imparfaitement.
Au-dessus du chapiteau, un ressaut de
l’architrave semble continuer le pilastre
et dessine une ligne qui, par un fâcheux
effet d’optique, imprime un mouvement
d’oscillation au pilastre et enlève en
apparence de la force au point d’appui
des arcs-doubleaux retombant sur une
saillie trop considérable de la corniche.
Dans cette complication de pieds-droits,
de pilastres, de consoles, de ressauts et
de saillies, l’œil se perd et laj-aison de-
mande plus de simplicité et de fermeté
dans les profils.

Mais c’est trop insister sur des dé-
fauts si bien rachetés par des qualités
de premier ordre. Étudiée avec un soin
poussé jusqu’à la recherche curieuse

dans les moindres détails, cette salle est
l’œuvre d’un architecte consciencieux et
d’un artiste plein de goût. Aux deux ex-
trémités s’ouvrent deux galeries paral-
lèles qui offrent de beaux promenoirs et
relient le nouveau palais à l’ancien. Au
centre, quelques marches conduisent sur
un palier qu’encadrent deux colonnes
ioniques soutenant un ædicnle orné de
sculptures dues à M. Perraud. De ce pa-
lier, au fond duquel se dresse la figure
de la Loi, dernière œuvre de Duret, par-
tent deux rampes opposées qui s’éclairent
sur la salle des Pas-Perdus par de larges
naies que divisent des colonnes rappelant
celles de la façade. La lumière de ces
baies, combinée avec le jour qui vient
des vestibules, crée des effets pleins de
charme et de vie. Parvenu au faîte de la
rampe, le visiteur devra s’arrêter pour
admirer la décoration à la fois sobre, et
élégante du vestibule qui précède le tri-
bunal, et surtout l’arrangement exquis
de la porte, surmontée de deux excel-
lentes figures sculptées par M. Gumery.
Puis, si, comme je le suppose, l’on a pris
la rampe de droite, on entrera dans la
salle où se trouvent les peintures de
M. Lehmann.

Lg paroi qui, dans un tribunal, fait
face au public, semblerait être une place
désignée tout naturellement pour rece-
voir, au-dessus d’un Christ sculpté en
ronde bosse derrière le fauteuil du pré-
sident, une vaste page historique ou
allégorique rappelant à tous le respect
dû à la justice. Et cependant, la tradi-
tion n’a pas consacré ce motif de déco-
ration. Le Christ peint sur fond d’or par
M. Lehmann, à qui l’on doit aussi les
deux camaïeux représentant à gauche
la Théologie et à droite la Philosophie,
forme ici, comme partout, l’ornemen-
tation de cette paroi. La richesse a été
réservée pour le plafond, composé de
caissons où l’or se relève en bosse au-
dessus des bancs sur lesquels s’assoiront
des malheureux que trop souvent la mi-
sère et l’ignorance ont poussés au crime.
C’est là, encastrées dans les comparti-
ments du plafond qui couvrent le pré-
toire, qu’il faut aller chercher les pein-
tures de M. Lehmann, invisibles à tous
excepté aux jurés qui y trouveront une

distraction pendant les longues au-
diences.

L’ovale du milieu est rempli par la
Justice protégeant l’innocence et dévoi-
lant les trames mystérieuses du crime.
Autour, dans quatre parallélogrammes ar-
rondis à leurs extrémités, le peintre a
substitué avec bonheur l’action à l’allé-
gorie. La Loi arrêtant et frappant le cou-
pable est une figure fière, robuste et
d’une grande tournure, qui contraste heu-
reusement avec la Loi ramenant la con-
corde parmi les hommes, sous les traits
d’une vierge traitée d’un pinceau plus
délicat. Le juge méditant le Code pré-
sente une noble silhouette en regard
du juge repoussant les séductions d’une
jeune femme que nous voudrions plus
séductrice encore. Par l’intensité du ton,
par la grandeur et la simplicité des atti-
tudes, par la fermeté du dessin, M. Leh-
mann a montré ce que peut un artiste
en possession des vrais principes de la
décoration, imbu de toute la dignité de
son art et assez savant pour ne se per-
mettre aucun subterfuge de touche ou
de couleur. Dans la salle où, les juges
discutent leurs arrêts, au centre d’un
plafond arrangé avec un goût exquis par
l’architecte, M. Ulmann a figuré, d’un
pinceau trop effumé, la Justice décou-
vrant le crime.

Une seconde salle d’assises, à laquelle
conduit la rampe gauche de l’escalier de
la salle des Pas-Perdus, contient un
Christ de M. Richomme ; deux camaïeux
de M. Jobbé-Duval, et un plafond où des
enfants boursouflés encadrent un ovale
peint avec beaucoup de talent par M. Bon-
nat, à qui cependant on pourrait reprocher
de s’être trop laissé aller à ses tendances
naturalistes. Dans le torse ployé du cri-
minel châtié par la Justice protectrice du
l’innocence, M. Bonnat a certainement
fait preuve d’un savoir considérable. Per-
sonne à notre époque ne pourrait mieux
que lui modeler un corps humain. Mais
la peinture murale a-t-elle besoin de ces
effets violents qui font saillir les person-
nages hors de la muraille ? peut-elle se
contenter de formes triviales prises au
hasard dans la rue ? Nous ne le pensons
pas. Des qualités très-différentes distin-
guent le plafond exécuté par M. Charles.
 
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