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La chronique des arts et de la curiosité — 1868

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Nr. 4 (26 Janvier)
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https://doi.org/10.11588/diglit.26660#0019
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1868. — N° h.

BUREAUX: 55, RUE VIVIENNE.

26 JANVIER.

DE LA CURIOSITÉ

PARAISSANT LE DIMANCHE MATIN.

Comptes rendus et Annonces des Ventes publiques

ABONNEMENTS :

Correspondances étrangères. — Nouvelles des Galeries

de Tableaux, Dessins, Estampes, Bronzes, Ivoires, Médailles,

PARIS ET DÉPARTEMENTS

publiques, des Ateliers. — Bibliographie des Livres, Ai’ticles

Livres rares, Autographes, Émaux, Porcelaines, Armes

Six mois, 8 fr. — Un an, 15 fr.

de Revues et Estampes, publiés en France et à l’Étranger.

et autres objets de curiosité.

Étranger, le port en sus.

Revue des Arts industriels.

L’HOTEL CARNAVALET1.

L’emplacement où s’élève l’hôtel Carnavalet
était auparavant occupé par des exploitations
maraîchères, dont la trace est restée dans le nom
de la rue Culture-Sainte-Catherine. C’est au voi-
sinage et à la splendeur du palais royal des
Tournelles, qui devaient être bientôt abandon-
nées à la suite de la mort fatale de Henri II, que
ces terrains durent de devenir propres à bâtir.
Jacques des Ligneris, seigneur de Crosne, près
Corbeil, et président au parlement de Paris, y fit
une acquisition le 18 mars 1 5ZjA, et, après avoir
fait bâtir le premier hôtel, il y mourut le 11 août
1556. Son fils Théodore garda l’hôtel 22 ans et
le vendit en 1578, aussitôt après son mariage, à
Françoise de la Baume, veuve de François de
Carnavalet mort en 1571, qui a donné par elle
son nom à l’hôtel sans l’avoir jamais personnel-
lement possédé. Au xvne siècle sa propriété (car
Mme de Sévigné n’en fut que locataire) est moins
certaine et moins datée. Lorsque Jean Marot en
publia les planches en 1625, il le donne comme
appartenant à M. d’Argouges ; dans la seconde
moitié du siècle, c’est M. d’Agaury, conseiller au
parlement de Grenoble, qui en est le proprié-
taire, et c’est en 1699 qu’il fut acquis par le fer-
mier général Paul-Étienne Brunet de Rancy. Les
possesseurs plus modernes n’ont pas pour vous
le même intérêt.

Quant à l’ensemble de l’hôtel, la chose impor-
tante à rappeler c’est la modification apportée
dans la première moitié du xvne siècle, sans
doute pour M. d’Argouges, et confiée aux soins
de Mansart ; elle a changé l’effet général; le bâ-
timent du fond était seul élevé d’un premier
étage; les ailes en retour et le côté antérieur
n’ont dans les planches du Marot qu’un premier
étage de toit, ajouré par des fenêtres de pierre.
Peut-être même au premier moment ce toit et
ces fenêtres n’existaient-ils pas dans le premier
plan; ils sentent plus le goût de la fin de la Re-
naissance que celui du milieu du xvie siècle. Je
ne veux au reste que faire quelques remarques
particulières, en passant en revue surtout les dé-
tails de la sculpture.

1. Rapport sur la visite faite par la Société impériale des
Antiquaires de France, par M. A. de Montaiglon, membre
résident.

La première chose qui arrête l’œil est la porte;
il y faut remarquer que d’une façon certaine elle
n’avait autrefois que son arche, couverte non pas
d’un fronton complet, mais par les deux seuls
rampants, appliqués sur les reins mêmes de l’arc
et dans leur apparence nets, minces, petits, élé-
gants, peu aigus au centre et tout à fait analo-
gues aux frontons de la fontaine des Innocents,
qui, dans son ancienne forme, se profilaient sur
le ciel à la suite l’un de l’autre, et cette analogie
très-particulière, unie à une recherche évidente
de la simplicité, me fait croire qu’il faudrait plu-
tôt penser à Pierre Lescot comme premier archi-
tecte qu’à Jean Bullant. La saillie des bossages,
le prolongement très-ressenti du claveau central,
ne sont compréhensibles ,11e si la courbe se des-
sinait sur le vide comme elle fait encore aujour-
d’hui du côté de la cour.

Le tympan, qui en réalité alourdit cet effet
jusqu’à le détruire, est pourtant ancien ; pour le
porter il a fallu établir des deux côtés de la porte
deux montants en retraite qui portent le bandeau
du tympan. Le bas-relief de celui-ci, c’est-à-dire
deux Amours servant de supports à un écusson
et entourés d’armes, est une œuvre charmante et
dans la composition de laquelle il a été tenu
compte du placage et de l’addition, puisque le
sculpteur a tenu toute sa composition au centre
pour l’éloigner autant que possible de la courbe
en bossages et laisser à celle-ci autant de valeur
qu’il pourrait lui en rester. Le style de la sculp-
ture en est encore une autre trace, car ces deux
Amours sont dans le goût fin et gras de Germain
Pilon, s’ils ne sont même de sa main, et très-
postérieurs à la Renommée du claveau ; celle-ci,
les deux lions, le claveau et les Renommées de
l’extrados de la porte triomphale intérieure, peu-
vent seuls être attribués au ciseau de Jean Goujon.
La Renommée du claveau extérieur donne même
lieu à une observation singulière ; elle est posée
sur un masque de carnaval, long, plat et tout à
fait semblable à ces masques blêmes en pain
d’épice grisâtre qu’on vend aux enfants et qui
ne sont pas longtemps sans être écornés d’abord
et bien vite mangés par eux.

M. Édouard Fournier, à qui je le faisais remar-
quer un jour, s’aperçut tout de suite que ce
masque de carnaval n’était qu’un rébus et indi-
quait la propriété de l’hôtel par les Carnavalet.

Il faut ajouter que c’est un remaniement de la
figure, qui est antérieure et des premiers et plus
beaux temps de la construction. Les dimensions
de ce masque, beaucoup trop grandes pour la
femme, qui d’ailleurs pose mal sur cette surface
trop plate, s’accordent trop peu avec ce qu’elle
supporte pour qu’on ne soit pas sûr que, là
comme 'sur la cour, il y avait sous les pieds de
cette Renommée une boule entière et plus sail-
lante, qui plus tard a servi comme une pierre
d’épargne pour y trouver à un moment donné le
masque dont on a senti le besoin pour jouer sur
le nom du nouveau maître de l’hôteL Quant à
l’écusson qui se voit dans la planche gravée pour
le Blondel vers 1750, on-y trouve qu’il portait les
armes mi-parties de Carnavalet et de la Baume,
ce qui est une raison de plus pour prouver que
le groupe des enfants est postérieur à la Re-
nommée.

Je n’ai pas besoin de dire que les admirables
lions qui sont à l’extérieur étaient autrefois à
l’intérieur, aux places qui ont été changées en
ouvertures. Il faudra les y rétablir, non pas en
original, les laissant où ils sont, mais en repro-
ductions seulement, et en voici la raison. Il suf-
fit pour cela de considérer leur état admirable
de conservation, comme celui des autres sculp-
tures de cette porte extérieure, et au contraire
l’état inférieur des sculptures de l’arc qui est sur
la cour et qui sont rongées et affaiblies dans tou-
tes leurs arêtes.

La différence est si grande à l’œil, qu’une fois
aperçue il faut un examen sérieux pour voir
qu’elles sont dues au même ciseau, et cette dif-
férence provient seulement delà différence d’ex-
position. Celles de la rue, exposées au plein
levant et protégées qu’elles sont par le bâtiment
lui-même, sont dans les conditions les plus sè-
ches et les plus saines possible, tandis que celles
de la cour, exposées en plein couchant et livrées
par le vide formé par la cour à la pluie et aux
vents humides du sud-ouest, ont été attaquées
par eux. Les lions sont admirablement conser-
vés; il faut en faire une copie pour leur place
primitive et les laisser eux-mêmes dehors à la
place où Mansart les a mis, sans penser à cela
sans doute, parce que les remettre en dedans
serait les exposer sciemment aux chances de dé-
térioration qui ont atteint les sculptures encore
 
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