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La chronique des arts et de la curiosité — 1868

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Nr. 8 (23 Février)
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https://doi.org/10.11588/diglit.26660#0039
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J 868. — N° 8.

BUREAUX: 55, RUE V] VIENNE.

23 FEVRIER.

CHRONIQUE DES ARTS

ET

DE LA CURIOSITÉ

PARAISSANT LE DIMANCHE MATIN.





Comptes rendus et Annonces des Ventes publiques
de Tableaux, Dessins, Estampes, Bronzes, Ivoires, Médailles,
Livres rares, Autographes, Émaux, Porcelaines, Armes
et autres objets de curiosité.

ABONNEMENTS :

P V Ht I S ET D É P A II T E M E N T S

Six mois, 8 fr. — Un an, 15 fr.
Étranger, le port en sus.

Correspondances étrangères. — Nouvelles des Galeries
publiques, des Ateliers. — Bibliographie des Livres, Articles
de Revues et Estampes, publiés en France et à l’Étranger.
Revue des Arts industriels.



• .

: _

. .

ANCIENNES MANUFACTURES DE PORCELAINE
ET DE FAÏENCE

DE L’ALSACE ET DE LA LORRAINE1.

M. Charles Mehl, qui dirige à Strasbourg le
Bibliographe alsacien, vient de réunir en un
volume les articles que Alfred Tainturier avait
publiés en articles dans cet excellent recueil.
Ce volume, élégamment imprimé et orné de bois
nombreux, est précédé de cette introduction.

Le travail entrepris par Tainturier, dans le
Bibliographe alsacien, sur les anciennes manufac-
tures de porcelaine et de faïence de l’Alsace et
de la Lorraine peut servir de modèle à tous les
amateurs qui entreprendront la monographie
d’une de nos industries nationales dans un centre
déterminé. 11 est conçu sur un plan simple et
méthodique, appuyé par ces documents qui s’of-
frent abondamment aux chercheurs conscien-
cieux dans les dépôts d’archives municipales ou
dans les études de notaires, nourri de faits impor-
tants et d’observations ingénieuses. L’introduc-
tion est un chef-d’œuvre de clarté, de science
aisée et de modestie.

C’est que — cela est rare — Tainturier était
un savant affable. 11 discutait sans aigreur les
travaux de ses devanciers, ne s’effrayait point
que d’autres personnes suivissent la même série
d’études et ne publiait que lorsqu’il avait acquis
la certitude qu’il serait lu avec fruit. Il était très-
prudent dans ses théories, n’abusait pas, comme
on l’a trop fait de nos jours, de l’importance d’un
document écrit : c’est dans le mode présumé de
fabrication, les qualités intrinsèques de la pâte,
l’aspect original des décors, le choix et la persis-
tance de certaines formes qu’il puisait ses argu-
ments définitifs. En un mot, c’est en arliste qu’il
sentait et jugeait. Il dessinait, du reste, avec
facilité et avec justesse. Il est le premier qui ait
signalé, sur le revers des plus beaux plats de Pa-
lissy, l’empreinte d’un poinçon fleurdelisé, fixant
peut-être ainsi, au milieu d’une question fort

1. Recherches sur les anciennes manufactures de porce-
laine et faïence (Alsace et Lorraine), par A. Tainturier,
avec 55 monogrammes et gravures. Strasbourg 1868; un
vol. in-8°, tiré à 225 exemplaires-, titre à, deux couleurs.
Se trouve à Paris, chez Liepmannsonn.

obscure, le caractère des œuvres réellement dues
à V « Inventeur des rustiques figulines du roi ».

Dans un autre travail, je le vois se préoccuper
d’un vase bleu et blanc qu’il a distingué dans un
tableau de Martin Scbœngauer et le dessiner avec
soin. C’est excellent. L’étude scrupuleuse des
manuscrits et des tableaux primitifs français ou
allemands portera certainement un jour quelque
lumière dans l’histoire de la céramique de luxe
ou d’usage courant pendant le Moyen-Age et la
Renaissance. On constatera dans ces documents
figurés, qui portent avec eux leur date, la préfé-
rence de certains pays pour certains profils, l’ap-
parition des terres à couverte vitreuse, et peut-
être même la présence de porcelaines orientales
apportées en Europe à des dates que nous ne
soupçonnons pas aujourd’hui.

S’il interrogeait avec intérêt les archives et les
collections pour leur faire raconter l’histoire du
passé, Tainturier n’oubliait pas, pour cela, les
vivants. 11 cite, le plus souvent possible, les
fours qui sont encore allumés : ainsi la fabrique
Hügelin, de Strasbourg, d’où sortent ces poêles
monumentaux, vernissés, à haut-relief, qui
paraissent avoir été inventés à Nuremberg. Il
parle aussi des documents précieux qui lui ont
été communiqués par les descendants des Han-
nong.

Il poursuivait la contrefaçon avec courage et
sans déclamation, tout simplement, en dévoilant
les endroits où elle fleurit et les procédés quelle
emploie. Il nous avertit, par exemple, que les
moules originaux des antiquités de Rheinzabern
existent encore et qu’ils servent actuellement à
tirer des épreuves soi-disant anciennes. C’est aux
curieux novices à se garer contre ces antiques
qui sortent du four. Il signale aussi les moules
de Cifflé et de Lemire qui sont conservés dans
les fabriques de terre de pipe de la Lorraine et
d’où sortent, sans marque commerciale de leur
modernité, mal réparés, mal peints, ces groupes
ces figures, ces vases, ces jardinières, qui em-
plissent les boutiques borgnes des brocanteurs,
.le ne plains pas ceux qui les achètent, et je les
engage à relire la liste et le tarif qu’en a donnés
Tainturier. C’est déjà un solide élément de
défiance. Le reste sera affaire d’instinct et d’édu-
cation.

L’introduction du secret de la porcelaine dure

en France, au commencement du XVIIIe siècle,
se fit par Strasbourg. Nous avons raconté autre
part de quelles circonstances romanesques avait
été entourée, en Saxe et en Allemagne, la décou-
verte des premiers gisements de kaolin. Nous
avons dit1 quel retentissement eut en Europe la
fabrication désormais assurée de cette porcelaine
blanche, résistant au feu, aux acides, au tran-
chant de l’acier, acceptant les décors les plus
énergiques et les formes les plus délicates, telle
enfin que, depuis plusieurs siècles, l’Orient nous
la fournissait. La France envia à l’Allemagne ces
précieux secrets, et la dynastie des Hannong,
dont le chef est établi à Strasbourg, en 1709,
fabricant de pipes en terre blanche, a droit de
figurer dans les belles pages du livre d’or de
notre industrie. Ces Hannong, obéissant à je ne
sais quel entêtement patriotique, luttèrent pen-
dant près d’un demi-siècle, depuis 1721, date où
Hannong père s’associe avec Wackenfeld, un
ouvrier échappé de Meissen, et dépensèrent toute
leur fortune, toutes leurs forces, leur vie même,
à combattre contre les privilèges abusifs accordés
à la manufacture royale de Sèvres.

Par un rapprochement des plus singuliers,
l’Alsace, qui est comme une station neutre entre
l’Allemagne et la France, inventa ou mit à la mode
précisément une sorte de produit mixte entre la
faïence qui, dans le XVIIe siècle surtout, eut en
France un caractère tout national, et la porcelaine
à laquelle la Saxe imprima un caractère que
Sèvres ne fit plus tard qu’imiter plus ou moins
textuellement. Ce produit, c’est la terre de pipe
décorée, sorte d’imitation à meilleur compte des
premières porcelaines tendres. Tainturier a ra-
conté tout au long l’histoire des manufactures
fondées à Niderwiller par le baron de Beyerlé,
auquel succéda, de 1780 jusqu’à 1793, le géné-
ral comte de Custine. Il en a noté les fortunes
diverses avec beaucoup de clarté. Il achevait la
mise au net des avant-dernières pages de son
travail, lorsque la mort vint brusquement le
frapper.

« Les notes que Tainturier a recueillies sur les
fabriques de Saint-Clément, Rambervillers, Luné-
ville, Bois-le-Gomte, Toul, Sarreguemines, etc.,

1. Chefs-d’œuvre des arts industriels, pages 220 et. sui-
vantes.
 
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