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La chronique des arts et de la curiosité — 1868

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Nr. 43 (25 Octobre)
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https://doi.org/10.11588/diglit.26660#0207
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1868.

N° k3.

BUREAUX: 55, RUE VIVIENNE.

25 OCTOBRE.

CHRONIQUE DES

ET

DE LA CURIOSITÉ

PARAISSANT LE DIMANCHE MATIN.

ARTS

Comptes rendus et Annonces des Ventes publiques

ABONNEMENTS :

Correspondances étrangères. — Nouvelles des Galeries

de Tableaux, Dessins, Estampes, Bronzes, Ivoires, Médailles,

PARIS ET DÉPARTEMENTS

publiques, des Ateliers. — Bibliographie des Livres, Articles

Livres rares, Autographes, Émaux, Porcelaines, Armes

Six mois, 8 fr. — Un an, 15 fr.

de Revues et Estampes, publiés en France et à l’Étranger.

et autres objets de curiosité.

Étranger, le port en sus.

Revue des Arts industriels.

LES CHATS,

PAR M. CHAMP F LEUR V.

M. Champfleury vient de publier un livre aussi in-
téressant que curieux : Les Chais. Histoire, mœurs,
amours de ces animaux, sont traités avec la certi-
tude de regard de l’auteur. Ce livre s’adresse aussi
bien aux femmes qu’aux hommes, aux naturalistes
qu’aux philosophes, et les archéologues y trou-
veront nombre de renseignements sur de rares mo-
numents. L’art y coudoie la science; les observations
d’après nature se mêlent à celles des plus grands es-
prits : Chateaubriand, Voltaire, Diderot, etc.

Le livre est illustré de nombreux et spirituels des-
sins. M. Champfleury a misa contribution les richesses
des musées européens, celles des collections particu-
lières, en même temps qu’il puisait dans ses propres
cartons. Les amis des chats qui ont prêté leur con-
cours à cette publication sont : MM. Viollet-le-Duc,
Mérimée, de l’Académie française ; Eugène Delacroix,
le peintre suisse Mind, dit le Raphaël des chais;
Ok’sai, le caricaturiste japonais ; Ribot, Édouard Ma-
net, etc.

Nous ne pouvons donner une meilleure idée du
volume qu’en citant le chapitre intitulé : Les Peintres
de Chais :

« Animal grave, d’une pureté de lignes monumentale
cachée sous un pelage ondoyant, le chat joue un rôle
important dans les musées égyptiens, soit qu’accroupi
il se profile à la manière des sphinx,' soit que son
masque s’ajuste au corps d’un dieu, soit qu’il ait été
soudé à des instruments de musique affectant eux-
mêmes des courbes hiératiques, soit qu’entouré de
bandelettes il évoque de vagues et étranges contours.

La représentation du chat par les Égyptiens offre
un caractère tantôt sacré, tantôt domestique, et puis-
que la clef depuis longtemps forgée par d’habiles
égyptologues n’ouvre pas encore tous les arcanes des
mystères particuliers au pays des Pharaons, j’insiste-
rai particulièrement sur ce double caractère.

Sur les représentations hiératiques des chais, on
trouve de nombreux renseignements dans les ouvrages
des érudits; ils ne me paraissent pas s’être suffisam-
ment préoccupés du caractère intime de quelques
peintures de l’Égvpte ancienne, où le chat est repré-
senté tantôt étendu sous le fauteuil de la maîtresse de
la maison, tantôt allaitant ses petits.

Dans ces bronzes apparaît le sens domestique plutôt
que hiératique, car en même temps que colliers et
pierres précieuses manquent aux chats, je ne retrouve
pas dans leur conformation les lignes particulière-
ment rigides, qui à mon sens témoignent de leur ca-
ractère sacré.

Quoi qu’il en soit, les Égyptiens ont représenté .les
chats, —sacrés ou profanes, — aussi dignement que
savamment. Eux seuls ont entrevu le côté sculptural
de l’animal, et sans quitter le terrain de la réalité, des
flancs des chats ils ont dégagé des lignes d’un majes-
tueux contour.

Après les Égyptiens il faut citer les Japonais, qui
prouvent par des albums récemment introduits en
Europe qu’ils sont les dessinateurs de chats par excel-
lence, comme ils sont les peintres de la femme et du
fantastique.

C’est une remarque à faire que les artistes épris des
délicatesses des chats le sont également des délica-
tesses de la femme, et qu’à cette double compréhen-
sion se joint parfois l’amour du fantasque et de l’é-
trange. Mais quelle souplesse ne faudrait-il pas à la
plume pour essayer de rëndrê les nuances qui carac-
térisent : Femmes, Fantaisies, Chats! Comment tracer
visiblement le mystérieux trait d’union qui relie une
telle trilogie?

Je ne voudrais pas entamer un cours d’esthétique
pour montrer le charme associé au fantastique d’Hoff-
mann et Goya; seulement qu’il me soit permis de
constater que le conteur allemand et le peintre espa-
gnol, auxquels on peut joindre Cazotte et le Diable
amoureux, sont de ceux qui, épris de l’idéal féminin,
ont naturellement, sans chercher ^de repoussoirs, à
côté de leurs charmants portraits de femmes, fait
jaillir spontanément le fantastique d’un mélange d’ex-
quises langueurs traversées par le profil d’animaux
bizarres. Ils sont sensitifs par excellence les êtres
qui réunissent le Beau et la Fantaisie, et tout homme
doué de telles qualités, ses nerfs ne fussent-ils pas en
pai'faite pondération, est déjà un véritable et intéres-
sant artiste.

Les Japonais possèdent au plus haut degré ces fa-
cultés exceptionnelles. Ils enveloppent leurs figures
de femmes de romanesques élégances. Mille caprices
éclatent dans leurs compositions; surtout ils se préoc-
cupent extraordinairement du chat, l’épient dans cha-
cun de ses mouvements et les rendent avec plus de
souplesse que le peintre Mind.

Godefrid Mind, surnommé le Raphaël des chats,
qui mourut à Berne en 4 815, a laissé de charmantes
aquarelles de chats. De nombreuses études à la plume
témoignent de constantes observations des mouve-
ments de ces animaux; toutefois ses croquis un peu
suisses n’ont pas le charme des représentations de
chats japonais, quoiqu’une coutume particulière au
pays des taïcouns les défigure : ils ont la queue cou-
pée ras.

J ai vu de merveilleuses aquarelles représentant
des chats peints par Burbanck, qui lui aussi se créa

une spécialité semblable à celle de Mind; les rensei-
gnements manquent dans les dictionnaires sur cet
artiste, sans doute anglais, qui a dû passer de longues
heures dans la contemplation des chats.

Le chat joue un aussi grand rôle dans les carica-
tures que dans les proverbes; mais il entre là comme
élément purement grotesque, et les graveurs n’ont pas
pris souci de la forme féline.

Je fais toutefois quelque exception parmi ces pau-
vretés linéaires en reproduisant deux compositions
japonaises, l’une bizarre, l’autre spirituelle.

Une tête composée avec une série de chats, les
yeux formés avec des grelots, est une fantaisie tout à
fait singulière de ce peuple dont à cette heure les
caprices sont encore inexpliqués.

Qu’on compare la tournure de ces personnages à
têtes de chats avec nos imitations de Grandville,
qu’on recouvre ces traits des riches et simples colora-
tions japonaises, et on se rendra compte de cette
scène de femme à la toilette dont un texte explicatif
déterminera tout à fait le sens quand les professeurs
de japonais, ou se disant tels, expliqueront des lé-
gendes que la Hollande lit depuis longtemps.

Quoique la France, depuis plusieurs siècles, soit
en-relation avec la Chine, et que de nombreux objets
nous aient initiés à la connaissance des œuvres artis-
tiques des peintres du Céleste Empire, les monuments
où sont représentés des chats sont d’une telle rareté-
cbez nous, que je n’aurais pu en donner un échantil-
lon sans l’obligeance de M. Jacquemart, qui me com-
munique une tasse exécutée au Japon vers le
xvie siècle, et représentant une scène de mœurs chi-
noises; mais il aurait fallu pouvoir donner une idée
par la gravure de l’animal dont parle le père d’Entre-
colles, qui vit un chat de porcelaine si bien réussi
qu’on introduisait dans sa tête une petite lampe dont
la flamme passait par la prunelle fencüie. On assura le
missionnaire que, pendant la nuit, les rats se sauvaient
épouvantés en apercevant ce chat, triomphe de l’art.

Si on excepte le Hollandais Cornel. Wischer, dont
le chat merveilleux est devenu typique, les artistes
qui ont introduit les chats dans leurs scènes domes-
tiques, les mettant en scène dans des portraits de fa-
mille ou au bras de jeunes enfants, semblent avoir pris
leurs modèles dans des magasins de jouets ou des
boutiques de naturalistes 1.

En tête des artistes contemporains qui se sont occu-
pés des chats marche Eugène Delacroix, nature fébrile
et nerveuse. Les cahiers de croquis vendus après sa
mort ont montré les persévérantes études qu’il avait

I. Otto Venius, dont le Louvre possède un excellent ta--
bleau représentant la famille du peintre, a mis au premier
plan un chat qui paraît véritablement bourré de son.
 
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