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La chronique des arts et de la curiosité — 1868

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Nr. 33 (16 Août)
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https://doi.org/10.11588/diglit.26660#0167
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1868. — N9 33.

BUREAUX: 55, RUE VIVIENNE.

16 AOUT.

CHRONIQUE DES ARTS

ET

DE LA CURIOSITÉ

PARAISSANT LE DIMANCHE MATIN.

Comptes rendus et Annonces des Ventes publiques
de Tableaux, Dessins, Estampes, Bronzes, Ivoires, Médailles,
Livres rares, Autographes, Émaux, Porcelaines, Armes
et autres objets de curiosité.

ABONNEMENTS :

PARIS ET DÉPARTEMENTS

Six mois, 8 fr. — Un an, 15 fr.
Étranger, le port en sus.

Correspondances étrangères. — Nouvelles des Galeries
publiques, des Ateliers. — Bibliographie des Livres, Articles
de Revues et Estampes, publiés en France et à l’Étranger.
Revue des Arts industriels.



LE CHATEAU DE LA BASTIE1.

Un lettré de fine race, critique et voyageur à
ses heures, journaliste et chroniqueur politique
dans le courant de la vie, M. Mario Proth, vient
de publier un livre curieux sous ce titre : Au
pays de l’Aslrèe.

« ... L’auteur de cette recherche, a écrit
M“e G. Sand, nous a découvert un pays enchan-
teur tellement oublié, tellement inconnu aujour-
d’hui, que plusieurs Lignons et plusieurs localités
se disputaient l’honneur, réputé en vain, d’avoir
inspiré la muse de M. d’Urfé. Son château, son
vrai château existe pourtant eneore en partie, et
ce qui en reste est, paraît-il, une merveille. Nous
irons, les touristes y courront, et un homme de
goût un peu riche achètera et restaurera ce chef-
d’œuvre. Il est impossible que la révélation qui
nous en est faite dans un si remarquable ouvrage
ne porte pas ses fruits. »

Un chapitre nous revenait de droit, et nous
le détachons du livre. C’est celui dans lequel
M. Mario Proth découvre, en plein Forez, et dé-
crit le château des d’Urfé.

La Bastie est bien telle que l’on peut se figurer la
demeure de cette bizarre famille d’Urfé, toute d’éru-
dition cosmopolite et de capricieuse imagination. Les
d’Urfé, on s’en souvient, abandonnèrent leur antique
manoir des Cornes, lors de l’assassinat de Jean d’Ul-
phé, pour vivre dans leur terre de la Bâtie, où ils pos-
sédaient un autre donjon féodal. Pierre, on s’en sou-
vient encore, 1 un des plus illustres de sa race et grand
bâtisseur devant 1 Éternel, se prit à transformer son
domaine. Claude revenant d’Italie le bouleversa de
fond en comble, et c est a Claude, nous l’avons dit
déjà, qu’est due l’incomparable chapelle. Anne et Ho-
noré parachevèrent l’œuvre de leurs pères. Chacun des
ordonnateurs suivit sa fantaisie et le goût de son
temps; si bien que ce château, superbe dans certains
détails, manque absolument d’unité décorative et archi-
tecturale. Il est en quelque sorte un compendium, un
raccordement de diverses époques, depuis l’époque
féodale dont une tour subsiste, et qui a laissé plus
d une trace visible du côté des jardins, jusqu’au
xviie siècle appréciable dans mainte ornementa-
tion. En somme, les personnages que l’on évoque en
parcourant la Bastie apparaissent invariablement coiffés
de toques à la Henri III ou de feutres à la Louis XIII.

1. Paris, Librairie internationale, 1868; 1 vol. in-12.

Le caractère italien y domine, et l’on dirait une villa
du Décamêron transportée au pays de YAstrée.

Les deux ailes latérales sont dissemblables. Celle de
gauche est des plus simples; elle était sûrement affectée
au service militaire et domestique de la maison. La
face qui donne sur la cour est un mur abrupt en
moellons de granit apparent qui a huit mètres de haut.
Dans ce mur, six portes identiques sont percées à
intervalles égaux. Ce sont des portes à plein cintre,
avec entablement ionique, reposant sur deux pilastres
du même ordre. Chacune d’elles est élevée de quatre
marches au-dessus du sol. Ces marches mènent à des
salles vides et dévastées, justifiant parleur disposition
intérieure le nom de salles des gardes qui leur est attri-
bué. C’est là que veillaient « les cent hommes d’armes
soubz la charge de monseigneur le bailli du Forez. »
Entre la première et la seconde, une porte surbaissée
ouvre sur un escalier qui descend dans-un vaste sou-
terrain, le cellier du château. Enfin ce mur de gauche
est éclairé par six œils-de-bœuf, placés dans les axes
des six portes et presque tangents au toit recouvert de
tuiles romaines.

L’aile droite, beaucoup plus élevée que la gauche,
se compose d’un bâtiment insignifiant qui se termine
du côté de la route par une haute tourelle à escalier
tournant du xve siècle, assez bien conservée, au
pied de laquelle sont amoncelés quelques débris de la
façade extérieure. Mais à ce bâtiment est adossé, du
côté de la cour d’honneur, une construction à l’ita-
lienne qui a en partie échappé à la ruine et constitue,
avec le rez-de-chaussée du milieu, la grande curiosité
du château. Imaginez-vous deux galeries superposées.
La galerie inférieure donne sur la cour par une série
de douze arcades à arcs légèrement surhaussés. Les
quatre faces des pieds-droits de chaque arcade sont
ornées de pilastres cannelés dont les chapiteaux ser-
vent d’impostes. De plus, par une originalité archi-
tecturale, le chapiteau du pilastre extérieur tient lieu
de base à un second pilastre, cannelé aussi, qui sup-
porte un entablement servant de balustrade à la galerie
supérieure et se profilant jusqu’à l’extrémité de la cor-
niche. Sur les arcades, au milieu des archivoltes, une
clef à console alterne avec une clef à cartouche. Les
cartouches devaient être des écussons, puisqu’ils ont
tous été brisés. Les piédestaux des pilastres sont liés
par un petit mur d’appui ayant même base et même
corniche, sur lequel ils font une saillie. La galerie du
premier étage, la loggia n’a point une série d’arcades,
mais une colonnade formée de colonnes en granit très-
légères et cannelées, d’ordre corinthien. Chacune
d’elles est à plomb dans l’axe d’un pied-droit de la
galerie inférieure, ce qui porte leur nombre à douze
et amène un entre-colonnement assez considérable.
Elles sont couronnées par de très-jolis chapiteaux;

puis un gracieux entablement à denticules, dont la
corniche en bois repose sur des modillons. Sur la cor-
niche, une gorge en saillie forme un encorbellement et
supporte le toit de la galerie au-dessus duquel appa-
raît encore l’extrémité du mur blanc de l’aile droite,
recouverte, comme la galerie supérieure et comme la
salle des gardes, d’une toiture en tuiles à l’italienne.

Dans la loggia, vers les deux bouts, on admire deux
portes pareilles encadrées de pilastres et surmontées
d’un entablement que couronne une sorte de cartouche
ovale enguirlandé. Cesportes, marbre et boiseries, sont
d’une ornementation délicate et d’un travail exquis.
Elles ouvrent sur de beaux appartements, où l’on dis-
tingue des essais d’aménagements et de décoration à
la Louis XV ordonnés, puis abandonnés sans doute
par cette folle de marquise d’Urfé, dont nous aimerons
à vous retracer les émerveillables prouesses.

De la cour d’honneur on arrive à la loggia par un
grand escalier en rampe douce que nos seigneurs et
dames pouvaient montera cheval; il aboutit à un large
palier qu’abrite un quadruple portique à l’italienne
continuant à angle droit l’entablement et la gorge de
la loggia, et soutenu en avant par deux colonnes iden-
tiques aux précédentes. La balustrade à jour de cet
escalier se continuait sous le portique, et là seulement
il en reste un vestige. Au bas de la balustrade est un
piédestal dont la face principale porte un bas-relief
antique où l’on voit un guerrier, le casque en tète,
assis sur un trophée d’armes et de boucliers. Sur le
piédestal un sphinx est couché, un vrai sphinx du
plus pur égyptien, que les d’Urfé rapportèrent d’un de
leurs nombreux voyages en Palestine ou ailleurs. Sa
poitrine porte cette inscription : Sphyngem liabe
domi. Cela peut vouloir dire mille choses fantastiques
à qui connaît l’histoire des d’Urfé, ou simplement :
«Ne divulgue à personne le secret de la maison.»
Fort sage conseil qui se recommande expressément à
nos bavards contemporains. Des arceaux voûtés, depuis
longtemps bouchés avec de la brique pour étayer la
ruine, des arceaux à arcades rampantes et symétriques
supportaient rampe et palier. Toute cette partie droite
de la cour que le temps a embellie de ses teintes sé-
vères est d’un original et imposant effet. On passerait
des heures à bavarder histoire, art ou philosophie sous
ces élégantes galeriesqu’Anne d’Urfé appelait ses pro-
menoirs, et où il soupirait de long en large ses hymnes
à Carite.

Le grand pavillon domine de toute la hauteur de
son toit l’aile droite. Façade irrégulière et de style
Renaissance. Au rez-de-chaussée, partant de la galerie
de l’aile droite, cinq arcades se suivent, semblables aux
arcades déjà décrites, mais plus étroites et n’ayant que
deux pilastres superposés, dont un avec chapiteau do-
rique. Quatre d’entre elles encadrent d’admirables
 
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