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La chronique des arts et de la curiosité — 1868

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Nr. 33 (16 Août)
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https://doi.org/10.11588/diglit.26660#0168
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130

LA CHRONIQUE UES ARTS.

grillages en fer forgé et jadis doré qui représentent
des entrelacements de vignes avec leurs grappes
pendantes. L’arcade du milieu est fermée par une
porte en chêne sculpté, d’une exécution très-fine,
et où l’on remarque un de ces prodiges de perspective
qu’affectionnait la décadence italienne. De chaque côté
de la porte, les deux pilastres supérieurs, plus sail-
lants, supportent deux beaux bustes de marbre blanc
qui représentent, j’imagine, des personnages de la fa-
mille d’Urfé en costume antique. Le jour pénètre à
travers ces treillis dans la salle des bains. Contre la
cinquième arcade et dans l’axe de la façade, un su-
perbe portique en marbre noir dont le fronton trian-
gulaire et l’entablement sont supportés par quatre
colonnes accouplées. Ce portique fut rapporté d’Italie,
nous l’avons dit, par l’ambassadeur de France au con-
cile de Trente, Claude d’Urfé, qui, voulant à tout prix
l’utiliser, le plaqua sur le mur où il simule une entrée
de la chapelle. Il ne serait pas besoin, en vérité, d’un
document certain pour affirmer sa provenance ita-
lienne; cette provenance éclate assez là, et en bien
d’autres parties du château, par la beauté de la ma-
tière et la perfection du travail auxquelles fait en
quelque sorte repoussoir la notable imperfection de la
matière et du travail forésiens. Un peu plus loin, une
fenêtre cintrée qu’encadrent deux jolis pilastres et dont
l’archivolte repose sur des colonnettes composites.
Enfin une petite porte qui est l’exacte reproduction de
ses voisines, les portes des salles de gardes, et qui
donne accès dans la sacristie de la chapelle.

Les entablements de cette façade continuent exacte-
ment ceux de l’aile droite. Le premier étage, ou mieux
l’entre-sol, n’a que deux fenêtres sur la cour au-dessus
de la salle des bains, le deuxième étage six fenêtres à
pilastres italiens dont trois à meneaux. Un entable-
ment dont il ne reste que l’architrave les sépare du
toit, un toit très-élevé, à angle aigu et couvert d’ar-
doises. Dans ce toit cinq grandes lucarnes Renaissance
avec pilastres en pierres et meneaux en bois, couron-
nées chacune d’un fronton triangulaire dont les trois
angles portaient des statuettes aujourd’hui presque
entièrement brisées. Aux fenêtres de petits carreaux
opaques et grossiers, tels que les pouvait désirer la
trop belle Diane de Château-Morand, et dans le badi-
geon de larges trouées qui mettent à nu la brique,
attestent l’abandon déjà ancien et la regrettable incu-
rie des derniers propriétaires de la Bâtie. Incorrect
et manquant d’unité, presque baroque, mais semé
d’admirables détails, ce vaste corps de logis n’en accuse
pas moins la brillante époque où il fut élevé. U y a
dans les constructions que nous venons de décrire
beaucoup de bric-à-brac, mais que je préfère ce bric-
à-brac à la plate ordonnance de nos maçonneries pré-
sentes !

(La fui prochainement.)

ÉCOLES DE DESSIN

DE LA VILLE DE PARIS.

Nous avons, dans le dernier numéro, annoncé la
distribution solennelle des prix des écoles de dessin
de la ville de Paris.

Voici le passage le plus important du discours pro-
noncé dans cette séance par M. Baltard :

« Je reviens à notre temps et plus directement à
notre sujet.

Rappelons-nous l’exposition de 1855, et, au point de
vue de l’art, la supériorité relative de nos œuvres in-
dustrielles sur celles des nations étrangères et particu-
lièrement de notre grande émule, l’Angleterre. Meu-
bles, bronzes, orfèvrerie, joaillerie, tissus de toutes

sortes, cristaux, faïences, reliures, offraient des types
de deux tendances différentes bien caractérisées.
D’une part, le sentiment utilitaire de la destination de
l’objet et de sa solidité ; de l’autre, le côté exact et
positif, souvent subordonné et même sacrifié à l’agré-
ment et au charme de la forme et de la couleur.

La suprême perfection cependant, c’est un antique
adage, est dans l’heureux mélange de l’utile et de
l’agréable.

Nos intelligents et puissants rivaux, qui, avec une
fierté qu’il faut toujours avoir, ne veulent accepter
aucune infériorité, n’avaient pas besoin d’un second
avertissement; et aussitôt, sur les données les plus
larges et d’un seul jet, de la base au sommet, ils fon-
dent une école élémentaire et normale de dessin su-
périeurement constituée.

Cette école compte à peine dix ans d’existence et
déjà son nom, South-Kensington, est célèbre dans le
monde entier, et ses fruits, déjà mûrs à l’exposition
de Londres en 1862, se sont montrés plus brillam-
ment encore à celle de Paris en 1867.

Mais, à notre tour, en 1862, en visitant les œuvres
de l’exposition de Londres, nous avions senti l’aiguil-
lon de l’émulation, et, sans hésiter, nous nous sommes
imposé le devoir de faire plus que de nous abandon-
ner au goût et à la facilité naturelle qu’on nous attri-
bue et que nous nous attribuons nous-mêmes peut-
être avec trop d’indulgence, dons précieux sans doute,
mais qui ne sont rien sans la science des formes et
de leur juste application aux œuvres de l’industrie,
sans les proportions des accessoires entre eux et avec
l’objet principal, sans l’harmonie, qui a une si grande
importance, qu’à elle seule' elle suffit à constituer
une œuvre d’art, à lui donner la vie.

Nous nous sommes donc mis à l’étude sérieuse et
raisonnée des principes, aux exercices de toutes sortes,
depuis les formes élémentaires jusqu’aux combinai-
sons diverses, depuis l’imitation jusqu’à la composi-
tion, et déjà, à l’Exposition de 1867, l’industrie fran-
çaise, bien qu’elle ait encore beaucoup à acquérir,
avait fait de notables progrès sur celle de 1862. Mais
de combien de qualités nous manquons encore I et ce
n’est pas l’Angleterre seulement qui nous en avertit.
Voyez tout ce que produisent les écoles de l’Italie, de
la Belgique, de l’Allemagne, du Danemark, de la
Russie; voyez tout ce que nous enseigne, même sans
écoles, mais avec les traditions, l’art industriel des
Indiens, des Chinois, des Persans et des Turcs. Les
porcelaines des uns, les ivoires, les tapis des autres,
sont des types achevés, dont l’esprit d’invention aussi
bien que l’exécution sont faits pour nous servir de
modèles.

Livrons-nous donc, messieurs, élèves et maîtres, à
l’étude assidue des meilleurs types; quand on est pé-
nétré de l’idée de la perfection, on sent qu’on est tou-
jours élève et que la tendance au bien n’a jamais de
limite. Travaillons, et humblement, patiemment,
voyant le but, et résolus à l’atteindre, entrons dans
les écoles municipales où l’on enseigne le dessin.

Elles sont libérales et ouvertes à tous.

Leur statistique est d’ailleurs intéressante et in-
structive. Faisons, en deux mots, le dénombrement
des élèves qui s’y préparent aux luttes des concours
scolaires, aux luttes plus sérieuses de la voie profes-
sionnelle :

Us sont aujourd’hui 10,800;

En 1862, ils n’étaient que 1,300.

Le budget municipal pour le dessin est, pour cette
année 1868, de 320,000 fr. ;

En 1862, il n’était que de 68,000 fr.

Le nombre des écoles où l’on enseigne le dessin est
en 1868 de 223 ;

En 1862, il n’était que de 133.

Au reste, messieurs, la sollicitude de l’administra-
tion et le progrès se montrent partout. Car les écoles

primaires de filles et de garçons, y compris les asiles
et les classes d’adultes, qui étaient au nombre de 303
après l’annexion des communes suburbaines, sont au-
jourd’hui de 418; soit 115 établissements scolaires
nouveaux créés depuis six ans, dont les trois quarts
dans les territoires annexés.

Ces chiffres ont leur éloquence; notre zèle, mes
jeunes amis, peut avoir la sienne en secondant les
vues généreuses de l’administration. Elle a vu le dan-
ger de l’état stationnaire de notre industrie, et aussi-
tôt elle a équipé nos phalanges.

Que nous fallait-il en effet? De bons modèles!

On a choisi les meilleurs, on les répand à profu-
sion; on en produit tous les jours de nouveaux, sous
les auspices et par les soins de la commission de l’en-
seignement du dessin, et ils sont mis à votre dispo-
sition.

De bonnes méthodes !

Chaque jour elles se perfectionnent ; élèves et profes-
seurs comprennent que le caractère juste des objets,
leurs proportions, la simplicité du rendu valent mieux
que les contours et que les effets forcés ou approxi-
matifs.

De bons professeurs !

Us ont été nommés à la suite de concours ardus et
sur plusieurs épreuves; j’en appelle à vous tous, jeunes
gens qui m’écoutez, pour dire si la capacité, le zèle et
le talent de vos maîtres et des deux dignes inspec-
teurs de l’enseignement, M. Balze et M. Brongniart, ne
sont pas à la hauteur delà mission qu’ils ont reçue de
vous guider et de vous instruire.

Ce n’est pas seulement à Paris que les institutions
propres à l’enseignement professionnel et à son élé-
ment principal, le dessin d’art et de géométrie, se
fondent et se développent.

Déjà nous avions les écoles industrielles de Châlons,
d’Aix et d’Angers.

L’école de Clunv vient à peine de naître, créée par
S. Exc. M. le ministre de l’instruction publique, et
déjà elle compte, par l’instruction spéciale qu’on y
trouve, parmi les plus utiles auxiliaires du dévelop-
pement de l’intelligence et de l’habileté des élèves.
Sachons-le bien, messieurs, il nous faut ces deux
forces : l’intellect et la main, le génie de l’invention
et le génie de l’outil. Que jamais la main ne soit im-
puissante à rendre ce que l’esprit aura conçu, jamais
l’esprit paralysé par l’indocilité de la main.

Ce que je vous dis là, mes chers amis, c’est tout un
programme que je voudrais voir adopté dans toutes
nos institutions de Paris et de la France, dans les
écoles élémentaires, dans les collèges, dans les lycées,
dans les écoles supérieures : c’est ainsi que le goût
public se formera et se réformera; nous deviendrons
sévères et fructueusement sévères les uns pour les
autres. Celui qui ne produira pas directement jugera
les œuvres de l’artiste et de l’artisan d’un coup d’œil
plus sûr, il les aidera de ses conseils rectificateurs, et
la critique alors, au lieu de se préoccuper d’amuser,
de plaire et de briller par son esprit, la critique de-
viendra instructive, puisque celui qui tiendra la
plume aura tenu le crayon et qu il connaîtra les élé-
ments de ce dont il parlera.

Paris sera, Paris est déjà le modèle et le noyau de
cette expansion libérale; il formera la pépinière des
professeurs qui en seront les instruments et les apôtres,
puisque c’est déjà à Paris qu’on délivre les diplômes
qui accréditeront les professeurs que certainement
nous demanderont les provinces. La centralisation est
bonne lorsqu’elle prépare la décentralisation; un cen-
tre cesse de mériter son nom dès qu’il n’envoie pas
au loin ses rayons émergents vers toutes ses circon-
férences, sans se borner à un cercle étroitement res-
treint. Ce n’est pas seulement dans les limites de notre
France que cette irradiation se manifestera, c’est plus
au loin, nous devons y compter, nous devons le mé-
 
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