inventeurs s'ingenient. La merveilleuse acti,-
vite humaine est prise ä tribut. La richesse
d'un siede de travail intensif. L experience
de plusieurs civilisations. Sur toute la sur-
face de la terre on ne travaille que pour moi.
Les minerais viennent du Chili, les conserves
d'Australie, les cuirs d' Afrique, L'Amerique
nous envoie des machines-outils, la Chine de
la main-d'oeuvre. Le cheval de la roulante
est ne dans les pampas d'Argentine. Je
fume un tabac arabe. J'ai dans ma musette
du chocolat de Batavia. Des mains d'hom-
mes et de femmes ont fabrique tout ce que
je porte sur moi. Toutes les races, tous les
climats, toutes les croyances y ont collabore.
Les plus anciennes traditions et les procedes
les plus modernes. On a bouleverse les en-
trailles du globe et les moeurs; on a exploit6
des regions encore vierges et appris un me-
tier inexorable ä des etres inoflensils. Des
pays entiers ont ete transformes en un seul
jour. L'eau, lair, le feu, l'electricite, la ra-
diographie, l'acoustique, la balistique, les
mathematiques, la metallurgie, la mode, les
arts, les superstitions, la lampe, les voyages,
la table, la famille, l'histoire universelle sont
cet uniforme que je porte. Des paquebots
iranchissent les oceans. Les sous-marins
plongent. Les trains roulent. Des files de
camions trepident. Des usines explosent.
La foule des grandes villes se rue au eine et
s'arrache les journaux. Au fond des cam-
pagnes les paysans sement et recoltent. Des
ämes prient. Des chirurgiens operent. Des
financiers s'enrichissent. Des marraines ^cri-
vent des lettres. Mille millions d'individus
m'ont consacre toute leur activitö d'un jour,
leur force, leur talent, leur science, leur in-
telligence, leurs habitudes, leurs sentiments,
leur coeur. Et voilä qu'aujourdhui j'ai le
couteau ä la main, L'eustache de Bonnot.
,,Vive l'humanite!" Je palpe une froide ve-<
rite sommee d une lame tranebante. J'ai
raison. Mon jeune passe sportif saura suf-
fire. Me voici les nerfs tendus, les muscles
bandes, pret ä bondir dans la realite. J'ai
brave la torpille, le canon, les mines, le feu,
les ga.z, les mitrailleuses, toute la machine-
rie anonyme, demoniaque, systematique,
aveugle. Je vais braver l'homme. Mon
semblable. Un singe. Oed pour oeil, dent
pour dent. A nous deux maintenant. A
coups de poing, ä coups de couteau. Sans
merci. Je saute sur mon antagoniste. Je
lui porte un coup terrible. La tete est pres-
que decollee. J'ai tue le Boche. J'etais plus
vif et plus rapide que lui. Plus direct. J'ai
frappe le premier. J'ai le sens de la realite,
moi, poete. J ai agi. J'ai tue. Comme celui
qui veut vivre.
inhaii
Herwarth Waiden: Die Männer mit Schatten
Günther Murr: Raumfahrt
Blaise Cendrars: J'ai tue
Kurt Schwitters: Die Zwiebel
Lothar Schreyer: Die neue Malerei
Hugo Händel: Zeichnung
Johannes Molzahn: Holschnitt /
Vom Stock gedruckt
Fernand Leger: Fünf Zeichnungen zu J'ai tue
Kandlnsky: Aquarell 6 / Fünffarbendruck
Oktober t9!9
109