4°
L'ART.
fondementz, comme sont à présent prins. Et de ce jour sont
d'oppinion et avis, et ensemblement et d'une mesme voix, que,
à leur discrétion et sçavance, l'ceupvre doibt estre conduyt, pa-
rachevé et fourny en ensuyvant et poursuyvant au désir desditz
fondementz, et comme est jà encommancé. Et pour relacion et
acte de ce, avons signé ces présentes, à la prière et requeste des-
ditz oupvriers, et checun, à valloir à qui estre, et comme de rai-
son appartiendra. Ce fut faict en la ville dudict Mourlaix, les
premier et second jours de janvier l'an mil quatre cents quatre-
vingts-dix-huyt. Siqné : M. Duval ; Chrestien Le Garrec, passe.
— A gauche de chaque signature est écrit : A la prière et re-
queste desditz oupvriers et checun f.
Il existe quelques marchés passés dans la seconde moitié du
xv° siècle, de gré à gré, entre les gouverneurs de l'œuvre de la
cathédrale, ou le chapitre, et des ouvriers charpentiers, carriers
ou vitriers2, mais je n'ai rencontré aucun acte de ce genre,
passé avec des tailleurs de pierres ou des maçons. Nous ne pos-
sédons absolument aucun détail sur les travaux de construction
des tours, du croisillon sud du transsept, des piliers et des ar-
cades de la nef. Les chapelles des bas-côtés ont sans aucun
doute été élevées aux frais des seigneurs qui y eurent plus tard
des droits honorifiques, et c'est dans les archives de leurs
familles que devraient se trouver les marchés passés pour la
construction de ces chapelles; mais tout porte à croire qu'ils
n'existent plus. Quant au croisillon nord du transsept et à l'os-
suaire qui furent bâtis aux frais de la fabrique, et sur la con-
struction desquels on possède des détails, il ne paraît pas qu'il y
ait eu pour ces travaux de marchés écrits. Le gouverneur de
l'œuvre fournissait les matériaux, et les maîtres ouvriers se char-
geaient d'exécuter les travaux pour lesquels ils étaient, eux et
leurs compagnons, payés à la journée. L'engagement réciproque
qui avait lieu dans ces circonstances, était donc un engagement
purement verbal.
J'ai mentionné plus haut des marchés de gré à gré passés
par écrit, entre les gouverneurs de l'œuvre et les ouvriers ; il y
avait au xvc et au xvic siècle un troisième genre de marchés
usité à Quimper et à Concarneau, pour les travaux des fortifica-
tions, et dans d'autres localités de la même région, pour des
travaux d'église Je veux parler des marchés à « éteinte de
chandelle » ou, comme on dirait aujourd'hui « par adjudica-
tion ».
Voici un titre inédit, contemporain, comme celui donné
plus haut, des travaux de la cathédrale, dans lequel on trouvera
un exemple de ce genre de marché, et de la manière dont se
« devisaient » les travaux, avant de les mettre en adjudica-
tion :
« Le devis de faire le pignon susain 3 de l'église parochielle
de sainct Melaine, à Mourlaix, o les fenestre et voulte4y estante
est de la forme que ensuict. »
Premier :
« Ledit pignon par dehors et par dedans, sera faict de pierre
de taille de Baz»Paul ou de la Grand Isle 5 par chau. Et aura
trois pieds de laise et de hauteur comme l'eupvre requerra. »
« Item les deux pilliers halboutans6, qui sont à présent de
dehors ledict pignon, seront défaiz et seront faiz deux aultres en
leur lieu ayant trois piés de saillée hors le pignon, et auront
deux piés et demi de laise ; et monteront lesditz pilliers halbou-
tans à amortir jucques ès esgargoules 7, autrement reprinses, qui
seront au plan dudit chieffron 8 garny de ses lermiers9, saillant
une fiolle à checun desditz pilliers pour lesditz fermiers. »
« Item sera ledit pignon chieffronné, lermiéré et alternati-
vement crèthé à double crèthes,0, un lermier au-dessus dudit
pignon, o son espy 11 de mesmes crèthes à une croix au dessus. »
« Ladite fenestre sera à cinq meneaulx et à traeze soufflets12
garny de leurs cornetz à deux empes et deux ravalementz, garny
de ses tablettes. Et sera le formement,3 oupvré comme requis
est, et commencera la veue d'icelle au pié de l'escusson estant en
l'arc de Alain Le Marant. »
« Les jambaiges desdites fenestre et voulte seront oupvrés
à chaffrant fourché 14 ».
« Item sera ledit pignon par dehors avecques lesditz piliers,
basé au regard du parsus de l'église. »
« Et est à savoir que ledit pignon, entre lesditz piliers, sail-
lira autant dehors comme lesditz piliers, pour donner lieu et
franchise à ladite voulte qui se fera par dedans dudit pignon 15.
Et y aura au mylieu de ladite voulte, une turquoyse 16 pour bailler
veue à ladite voulte. »
« Et au-dessus de ladite turquoise, y aura ung lermier tour-
neant entour lesditz piliers et pignon, et au-dessus dudit ler-
mier, aura d'autres lermiers à amortir jucques au corps dudit
pignon^ pour couvrir et dégoûter ladite voulte 17. »
« Ladite voulte par dedans aura de laise quatorze piés, et
cincq de parfond l8, au pié du duc. »
« Et au-dessus d'icelle voulte, y aura une tablette saillant
ung pié hors le pignon, pour prendre les ymaiges qui se boutte-
ront19 au-dessus d'icelle tablette, et sera oupvrée à ung ancelle
de feilles2». »
« Et o tout, seront lesditz pignon et fenestre faitz et con-
struitz sellon et au désir de la portraiture en faicte de ce jour,
signée des notaires soubzcriptz ne varietur, et mis du consante-
ment des parties en la main Martin Lonoré. »
« Et fournira le feurastier21 de toutes matières requises pour
ledit édiffice, tant chafïaulx, cintres que aultres choses, fors en ce
que seront les arcs, ne sera point subgiet mettre des cintres ne
aultres choses pour le soubstenir. »
« Et jouira le feurastier de la despauille22 du veill pignon y
estant à présent, et desditz pilliers à présent y estans, à en dis-
poser à son plaisir. »
1. Titre de la fabrique de Saint-Melaine. — Ibid.
2. Marché du 16 mai 1468 pour « la charpeuterie du clocher » ; marché du J décembre 1474 pour la fourniture des bois destinés aux chières du citer (stalles du
tliœur); marché du 6 février 147J pour la fourniture de 500 pierres de taille.
). Du côté sud.
4. Il s'agit d'une voûte ou arcade d'enfeu pratiquée dans l'épaisseur d'un mur.
5. L'île de Batz, près Saint-Pol-de-Léon, et l'île Grande, sur la côte nord-ouest des Côtes-du-Nord. Cette dernière île fournit beaucoup de pierres pour la
construction de la tour de Saint-Mathieu, de Morlaix, au xvr siècle.
6. Arcs-boutants ou contre-forts.
7. Gargouilles. C'est à tort que quelques ouvrages d'architecture ont traduit le mot « reprise » par « corbeau » ou t* cul-de-lampe ».
8. Chevron.
9. Larmiers.
10. Crochets ou crosses.
11. Panache ou bouquet terminal.
12. Compartiments du tympan de la fenêtre.
1). L'intrados de l'arcade de la fenêtre.
14. Double-chanfrein.
iï. C'est-à-dire, afin de donner au mur assez d'épaisseur pour pouvoir y pratique \a voûte.
16. Un œil-de-bœuf.
17. Pour la préserver de la pluie.
18. Profondeur.
19. Qui seront mises.
20. Une guirlande ou rang de feuilles.
21. L'entrepreneur.
22. Matériaux.
L'ART.
fondementz, comme sont à présent prins. Et de ce jour sont
d'oppinion et avis, et ensemblement et d'une mesme voix, que,
à leur discrétion et sçavance, l'ceupvre doibt estre conduyt, pa-
rachevé et fourny en ensuyvant et poursuyvant au désir desditz
fondementz, et comme est jà encommancé. Et pour relacion et
acte de ce, avons signé ces présentes, à la prière et requeste des-
ditz oupvriers, et checun, à valloir à qui estre, et comme de rai-
son appartiendra. Ce fut faict en la ville dudict Mourlaix, les
premier et second jours de janvier l'an mil quatre cents quatre-
vingts-dix-huyt. Siqné : M. Duval ; Chrestien Le Garrec, passe.
— A gauche de chaque signature est écrit : A la prière et re-
queste desditz oupvriers et checun f.
Il existe quelques marchés passés dans la seconde moitié du
xv° siècle, de gré à gré, entre les gouverneurs de l'œuvre de la
cathédrale, ou le chapitre, et des ouvriers charpentiers, carriers
ou vitriers2, mais je n'ai rencontré aucun acte de ce genre,
passé avec des tailleurs de pierres ou des maçons. Nous ne pos-
sédons absolument aucun détail sur les travaux de construction
des tours, du croisillon sud du transsept, des piliers et des ar-
cades de la nef. Les chapelles des bas-côtés ont sans aucun
doute été élevées aux frais des seigneurs qui y eurent plus tard
des droits honorifiques, et c'est dans les archives de leurs
familles que devraient se trouver les marchés passés pour la
construction de ces chapelles; mais tout porte à croire qu'ils
n'existent plus. Quant au croisillon nord du transsept et à l'os-
suaire qui furent bâtis aux frais de la fabrique, et sur la con-
struction desquels on possède des détails, il ne paraît pas qu'il y
ait eu pour ces travaux de marchés écrits. Le gouverneur de
l'œuvre fournissait les matériaux, et les maîtres ouvriers se char-
geaient d'exécuter les travaux pour lesquels ils étaient, eux et
leurs compagnons, payés à la journée. L'engagement réciproque
qui avait lieu dans ces circonstances, était donc un engagement
purement verbal.
J'ai mentionné plus haut des marchés de gré à gré passés
par écrit, entre les gouverneurs de l'œuvre et les ouvriers ; il y
avait au xvc et au xvic siècle un troisième genre de marchés
usité à Quimper et à Concarneau, pour les travaux des fortifica-
tions, et dans d'autres localités de la même région, pour des
travaux d'église Je veux parler des marchés à « éteinte de
chandelle » ou, comme on dirait aujourd'hui « par adjudica-
tion ».
Voici un titre inédit, contemporain, comme celui donné
plus haut, des travaux de la cathédrale, dans lequel on trouvera
un exemple de ce genre de marché, et de la manière dont se
« devisaient » les travaux, avant de les mettre en adjudica-
tion :
« Le devis de faire le pignon susain 3 de l'église parochielle
de sainct Melaine, à Mourlaix, o les fenestre et voulte4y estante
est de la forme que ensuict. »
Premier :
« Ledit pignon par dehors et par dedans, sera faict de pierre
de taille de Baz»Paul ou de la Grand Isle 5 par chau. Et aura
trois pieds de laise et de hauteur comme l'eupvre requerra. »
« Item les deux pilliers halboutans6, qui sont à présent de
dehors ledict pignon, seront défaiz et seront faiz deux aultres en
leur lieu ayant trois piés de saillée hors le pignon, et auront
deux piés et demi de laise ; et monteront lesditz pilliers halbou-
tans à amortir jucques ès esgargoules 7, autrement reprinses, qui
seront au plan dudit chieffron 8 garny de ses lermiers9, saillant
une fiolle à checun desditz pilliers pour lesditz fermiers. »
« Item sera ledit pignon chieffronné, lermiéré et alternati-
vement crèthé à double crèthes,0, un lermier au-dessus dudit
pignon, o son espy 11 de mesmes crèthes à une croix au dessus. »
« Ladite fenestre sera à cinq meneaulx et à traeze soufflets12
garny de leurs cornetz à deux empes et deux ravalementz, garny
de ses tablettes. Et sera le formement,3 oupvré comme requis
est, et commencera la veue d'icelle au pié de l'escusson estant en
l'arc de Alain Le Marant. »
« Les jambaiges desdites fenestre et voulte seront oupvrés
à chaffrant fourché 14 ».
« Item sera ledit pignon par dehors avecques lesditz piliers,
basé au regard du parsus de l'église. »
« Et est à savoir que ledit pignon, entre lesditz piliers, sail-
lira autant dehors comme lesditz piliers, pour donner lieu et
franchise à ladite voulte qui se fera par dedans dudit pignon 15.
Et y aura au mylieu de ladite voulte, une turquoyse 16 pour bailler
veue à ladite voulte. »
« Et au-dessus de ladite turquoise, y aura ung lermier tour-
neant entour lesditz piliers et pignon, et au-dessus dudit ler-
mier, aura d'autres lermiers à amortir jucques au corps dudit
pignon^ pour couvrir et dégoûter ladite voulte 17. »
« Ladite voulte par dedans aura de laise quatorze piés, et
cincq de parfond l8, au pié du duc. »
« Et au-dessus d'icelle voulte, y aura une tablette saillant
ung pié hors le pignon, pour prendre les ymaiges qui se boutte-
ront19 au-dessus d'icelle tablette, et sera oupvrée à ung ancelle
de feilles2». »
« Et o tout, seront lesditz pignon et fenestre faitz et con-
struitz sellon et au désir de la portraiture en faicte de ce jour,
signée des notaires soubzcriptz ne varietur, et mis du consante-
ment des parties en la main Martin Lonoré. »
« Et fournira le feurastier21 de toutes matières requises pour
ledit édiffice, tant chafïaulx, cintres que aultres choses, fors en ce
que seront les arcs, ne sera point subgiet mettre des cintres ne
aultres choses pour le soubstenir. »
« Et jouira le feurastier de la despauille22 du veill pignon y
estant à présent, et desditz pilliers à présent y estans, à en dis-
poser à son plaisir. »
1. Titre de la fabrique de Saint-Melaine. — Ibid.
2. Marché du 16 mai 1468 pour « la charpeuterie du clocher » ; marché du J décembre 1474 pour la fourniture des bois destinés aux chières du citer (stalles du
tliœur); marché du 6 février 147J pour la fourniture de 500 pierres de taille.
). Du côté sud.
4. Il s'agit d'une voûte ou arcade d'enfeu pratiquée dans l'épaisseur d'un mur.
5. L'île de Batz, près Saint-Pol-de-Léon, et l'île Grande, sur la côte nord-ouest des Côtes-du-Nord. Cette dernière île fournit beaucoup de pierres pour la
construction de la tour de Saint-Mathieu, de Morlaix, au xvr siècle.
6. Arcs-boutants ou contre-forts.
7. Gargouilles. C'est à tort que quelques ouvrages d'architecture ont traduit le mot « reprise » par « corbeau » ou t* cul-de-lampe ».
8. Chevron.
9. Larmiers.
10. Crochets ou crosses.
11. Panache ou bouquet terminal.
12. Compartiments du tympan de la fenêtre.
1). L'intrados de l'arcade de la fenêtre.
14. Double-chanfrein.
iï. C'est-à-dire, afin de donner au mur assez d'épaisseur pour pouvoir y pratique \a voûte.
16. Un œil-de-bœuf.
17. Pour la préserver de la pluie.
18. Profondeur.
19. Qui seront mises.
20. Une guirlande ou rang de feuilles.
21. L'entrepreneur.
22. Matériaux.