i94 L'ART.
ses logements produisait beaucoup de fleurs. Ce nom de Fiorenze ayant paru très-beau à Jules
César, il le donna à la ville en la fondant, parce que les fleurs sont de bon augure, et aussi
pour faire honneur à son vaillant capitaine. » Quoi qu'il en soit des prétentions de Cellini sur
les origines de sa famille, il faut croire qu'elle ne sut pas garder le rang qu'elle avait acquis au
temps de Jules César; car son père, qui de son état fabriquait des instruments de musique, était
dans une position assez modeste. Notre artiste lui attribue toutes sortes de merveilleux talents.
Le père de Cellini, qui était passionné pour la musique, voulut naturellement faire de son fils
un musicien. Mais l'enfant montrait aussi peu de goût pour cet art, qu'il en avait un prononcé
pour le dessin et les professions qui s'y rattachent. « Mon père commença à m'enseigner la flûte
et la musique vocale. Bien que je fusse à cet âge où les bambins s'amusent encore avec un
sifflet ou quelque autre jouet de même genre, ces leçons me causaient un déplaisir inexprimable;
ce n'était donc que par pure obéissance que je chantais et jouais de la flûte. »
A force de prières et de supplications, Cellini obtint de son père la permission de suivre ses
études favorites, mais à la condition de consacrer à la musique la plus grande partie de son
temps. Quand il eut atteint l'âge de quinze ans, il entra comme apprenti chez un orfèvre nommé
Antonio di Sandro, qui avait alors un certain renom. Mais son humeur querelleuse lui attira
bientôt des désagréments, et il fut impliqué dans une affaire assez grave pour être obligé de
quitter Florence sous peine de goûter de la prison.
Il alla chercher du travail à Sienne et à Bologne, et séjourna quelque temps dans ces deux
villes. Dès qu'il pensa pouvoir retourner à Florence sans être inquiété, il revint chez son père et
reprit ses études. Toutefois, son caractère intraitable ne tarda pas à se montrer de nouveau.
Mécontent de ce que son frère avait un habit plus beau que le sien, il se fâcha sérieusement,
quitta la maison paternelle et s'en alla à Pise, où il trouva de l'occupation chez un orfèvre nommé
Ulivieri. Pendant les instants de loisir que lui laissait sa profession, il put étudier les marbres
antiques réunis au Campo-Santo, et se perfectionna dans le dessin.
Au bout d'un an, il revint à Florence, et il paraît que dès ce moment il avait déjà un
certain talent, puisqu'un sculpteur très-célèbre, Torrigiano, lui proposa de l'emmener avec lui
pour l'aider dans ses travaux. Mais laissons Cellini raconter pourquoi il s'y refusa : « Un jour,
Torrigiano vint à me parler de Michel-Ange Buonarroti, à propos d'un dessin que j'avais fait
d'après un carton de ce maître divin. « Dans notre enfance, dit-il, ce Buonarroti et moi nous
« allions travailler dans la chapelle de Masaccio, à l'église del Carminé. Il avait coutume de se
« moquer de tous ceux qui dessinaient. Un jour qu'il m'ennuyait de ses plaisanteries, je devins
« furieux, et je lui appliquai un si terrible coup de poing sur le nez, que je sentis l'os et les
« cartilages se briser sous ma main, de sorte que toute sa vie il en portera la marque. » — Ces
paroles soulevèrent tant de haine chez moi, qui tous les jours admirais les chefs-d'œuvre du
divin Michel-Ange, que loin d'avoir le désir de suivre Torrigiano en Angleterre, je ne pouvais
plus souffrir sa présence. »
Cellini avait d'ailleurs une autre raison pour ne pas vouloir aller avec Torrigiano : depuis
quelque temps il caressait l'idée d'aller se perfectionner à Rome, où étaient alors les plus fameux
artistes de l'Italie. Il y alla en effet, en compagnie d'un de ses amis, qui était ciseleur en bois,
et ils arrivèrent dans la ville éternelle, les poches absolument vides, mais décidés à travailler, et
nourrissant d'ailleurs les brillantes espérances qu'on a toujours à vingt ans.
C'est à partir de son arrivée à Rome que commence en réalité la carrière artistique de
Cellini : elle peut se diviser en trois parties. La première comprend son séjour à Rome, la seconde
son voyage en France, où il est resté cinq ans, et la troisième les vingt-sept ans pendant lesquels
il a vécu à Florence, travaillant pour les Médicis.
II
A peine Cellini fut-il arrivé à Rome, qu'il alla se présenter chez un orfèvre, auquel il
montra le modèle d'un fermoir de ceinture qu'il avait fait à Florence. Celui-ci, émerveillé de ce
ses logements produisait beaucoup de fleurs. Ce nom de Fiorenze ayant paru très-beau à Jules
César, il le donna à la ville en la fondant, parce que les fleurs sont de bon augure, et aussi
pour faire honneur à son vaillant capitaine. » Quoi qu'il en soit des prétentions de Cellini sur
les origines de sa famille, il faut croire qu'elle ne sut pas garder le rang qu'elle avait acquis au
temps de Jules César; car son père, qui de son état fabriquait des instruments de musique, était
dans une position assez modeste. Notre artiste lui attribue toutes sortes de merveilleux talents.
Le père de Cellini, qui était passionné pour la musique, voulut naturellement faire de son fils
un musicien. Mais l'enfant montrait aussi peu de goût pour cet art, qu'il en avait un prononcé
pour le dessin et les professions qui s'y rattachent. « Mon père commença à m'enseigner la flûte
et la musique vocale. Bien que je fusse à cet âge où les bambins s'amusent encore avec un
sifflet ou quelque autre jouet de même genre, ces leçons me causaient un déplaisir inexprimable;
ce n'était donc que par pure obéissance que je chantais et jouais de la flûte. »
A force de prières et de supplications, Cellini obtint de son père la permission de suivre ses
études favorites, mais à la condition de consacrer à la musique la plus grande partie de son
temps. Quand il eut atteint l'âge de quinze ans, il entra comme apprenti chez un orfèvre nommé
Antonio di Sandro, qui avait alors un certain renom. Mais son humeur querelleuse lui attira
bientôt des désagréments, et il fut impliqué dans une affaire assez grave pour être obligé de
quitter Florence sous peine de goûter de la prison.
Il alla chercher du travail à Sienne et à Bologne, et séjourna quelque temps dans ces deux
villes. Dès qu'il pensa pouvoir retourner à Florence sans être inquiété, il revint chez son père et
reprit ses études. Toutefois, son caractère intraitable ne tarda pas à se montrer de nouveau.
Mécontent de ce que son frère avait un habit plus beau que le sien, il se fâcha sérieusement,
quitta la maison paternelle et s'en alla à Pise, où il trouva de l'occupation chez un orfèvre nommé
Ulivieri. Pendant les instants de loisir que lui laissait sa profession, il put étudier les marbres
antiques réunis au Campo-Santo, et se perfectionna dans le dessin.
Au bout d'un an, il revint à Florence, et il paraît que dès ce moment il avait déjà un
certain talent, puisqu'un sculpteur très-célèbre, Torrigiano, lui proposa de l'emmener avec lui
pour l'aider dans ses travaux. Mais laissons Cellini raconter pourquoi il s'y refusa : « Un jour,
Torrigiano vint à me parler de Michel-Ange Buonarroti, à propos d'un dessin que j'avais fait
d'après un carton de ce maître divin. « Dans notre enfance, dit-il, ce Buonarroti et moi nous
« allions travailler dans la chapelle de Masaccio, à l'église del Carminé. Il avait coutume de se
« moquer de tous ceux qui dessinaient. Un jour qu'il m'ennuyait de ses plaisanteries, je devins
« furieux, et je lui appliquai un si terrible coup de poing sur le nez, que je sentis l'os et les
« cartilages se briser sous ma main, de sorte que toute sa vie il en portera la marque. » — Ces
paroles soulevèrent tant de haine chez moi, qui tous les jours admirais les chefs-d'œuvre du
divin Michel-Ange, que loin d'avoir le désir de suivre Torrigiano en Angleterre, je ne pouvais
plus souffrir sa présence. »
Cellini avait d'ailleurs une autre raison pour ne pas vouloir aller avec Torrigiano : depuis
quelque temps il caressait l'idée d'aller se perfectionner à Rome, où étaient alors les plus fameux
artistes de l'Italie. Il y alla en effet, en compagnie d'un de ses amis, qui était ciseleur en bois,
et ils arrivèrent dans la ville éternelle, les poches absolument vides, mais décidés à travailler, et
nourrissant d'ailleurs les brillantes espérances qu'on a toujours à vingt ans.
C'est à partir de son arrivée à Rome que commence en réalité la carrière artistique de
Cellini : elle peut se diviser en trois parties. La première comprend son séjour à Rome, la seconde
son voyage en France, où il est resté cinq ans, et la troisième les vingt-sept ans pendant lesquels
il a vécu à Florence, travaillant pour les Médicis.
II
A peine Cellini fut-il arrivé à Rome, qu'il alla se présenter chez un orfèvre, auquel il
montra le modèle d'un fermoir de ceinture qu'il avait fait à Florence. Celui-ci, émerveillé de ce