NOTRE BIBLIOTHEQUE
CXI
UNE NOUVELLE ÉDITION DE VAS A RI.
Una nuova edipone délie opère di Giorgio Vasari annotata e
commentata da Gaetano Mii.anesi. Tomo I. Le Vite de' pin
eccellenti pittori, scultori ed architetti. Firen^e. G. C. San-
soni, 1878.
Les Vies de Vasari sont populaires non-seulement en Italie
mais dans le monde entier, partout du moins où l'on s'intéresse
aux beaux-arts. Artiste lui-même et artiste de talent, parlant des
plus célèbres peintres, sculpteurs et architectes, Vasari écrit
l'histoire de l'art depuis l'époque de sa renaissance avec Cimabue
et Giotto jusqu'à l'époque de son épanouissement complet et de
son éclat le plus vif avec Raphaël et Michel-Ange, dont Vasari
fut l'ami intime. Il se passionna pour cet oeuvre et s'y consacra
avec tant de zèle qu'il en fit le guide indispensable de tous ceux
qui après lui entreprirent de parler de l'art ou des artistes
italiens. De l'avis de bien des gens, ce livre lui assure même
plus de réputation que ne lui en auraient jamais procuré et ses
peintures dans notre palais de la Signoria, où il travailla pour
le duc Cosme de Médicis, et tous ses travaux d'architecture, y
compris cette belle construction des Uffi\i de Florence, qui
ayant reçu depuis la galerie de peinture, la bibliothèque et les
archives, était destinée à devenir une sorte de temple des sciences
et des arts. •
Mais sans insister sur ce point, tout le monde sera d'accord
pour reconnaître que Vasari a laissé là un véritable monument,
le plus considérable peut-être qui ait été élevé pour célébrer la
renaissance de l'art italien. Une excellente critique s'y joint à
un beau style. C'est que dans Vasari l'artiste et l'écrivain se
complètent merveilleusement pour composer une œuvre digne
d'être également recherchée et étudiée par les littérateurs et les
artistes, et très-goûtée de tous ceux qui aiment le beau sous la
forme de l'art et sous celle du discours. Suivant les expressions
de ses derniers annotateurs cette histoire, par l'élégance de la
forme, la vérité du récit, l'excellence des informations, peut
soutenir la comparaison avec tout ce qu'on a depuis, pendant
bien longtemps, écrit sur les beaux-arts.
L'Italie doit à Vasari un livre qui n'a rien d'égal sur le
même sujet dans la littérature grecque et latine, car on ne sau-
rait lui comparer, même de loin, ce qu'on trouve sur l'art grec
et romain dans Pausanias et dans Pline : aussi n'a-t-il pas paru
étrange de rapprocher des Vies des peintres, sculpteurs et
architectes de Georges Vasari, les Vies des hommes illustres
de Plutarque, car les unes retracent le modèle de l'homme
public et les autres celui du simple citoyen 2.
Malgré tout cela, Vasari n'est point exempt d'erreurs. Tantôt
par trop de crédulité, il a admis comme vrais des faits à peine
bons pour orner des romans ; tantôt par défaut de recherches, il
s'est trompé sur les noms, les dates et les œuvres; partois
enfin, emporté par son imagination vive et mobile, il établit les
faits à sa manière, les emmêle, les sépare, les abrège ou les
amplifie à sa fantaisie et sans égard pour la vérité historique. On
dirait souvent d'un vieux chroniqueur narrant avec bonhomie et
simplicité des histoires auxquelles il ajoute une foi entière, ou
d'un romancier qui, préoccupé seulement du plaisir du lecteur,
ne lui marchande pas la fiction.
Aussi, après la mort de Vasari, toutes les réimpressions de
l'ouvrage furent-elles accompagnées de notes, de corrections et
d'appendices, plus ou moins savants et sûrs, selon les connais-
sances et les informations de celui qui s'en occupait. Mais natu-
rellement, dans un semblable travail de critique, plus on fait de
recherches dans les archives publiques et privées et plus les
documents s'amoncellent, les notes de l'un s'ajoutantaux correc-
tions de l'autre, et tout le monde profitant des recherches de
chacun.
De rectification en rectification et de commentaire en
commentaire, MM. Giuseppe Montani et Giovanni Mapelli
en étaient arrivés à publier chez l'imprimeur Papigli une édition
qui surpassait toutes les autres ; ces deux hommes de mérite
avaient fait usage des documents nouveaux publiés en diverses
circonstances jusqu'en 1832, date de l'édition parue sous le nom
de M. Mapelli ; ce dernier y travailla quelque temps encore et la
conduisit à sa fin en 1838.
Mais en ce même temps, et justement l'année de la réim-
pression du Vasari de Papigli, d'autres personnes curieuses de
l'histoire de l'art continuaient leurs recherches dans les archives,
et, sans avoir Vasari pour but, accumulaient une nouvelle et
riche moisson de documents, qu'on trouve dans les publications
de MM. Gaye, Gualandi, Rumohr et quelques autres. Ce furent
peut-être ces publications qui donnèrent au P. Vincenzo Mar-
chese des frères prêcheurs, aux deux frères Carlo et Gaetano
Milancsi et à M. Carlo Pini la pensée de se réunir pour travailler
à une nouvelle édition des Vies de Vasari ; ce travail était gran-
dement facilité par les études particulières et les recherches que
ces infatigables érudits, qui ne voulurent prendre d'autre titre
que celui d'amateurs des arts, avaient faites dans les archives de
Toscane et dans les bibliothèques publiques et privées, sur
l'histoire des arts et la vie des artistes. M. Félix Le Monnier
vint pour ainsi dire au-devant de leurs désirs. Il avait, depuis
quelques années, commencé sa Bibliothèque nationale, dans une
pensée littéraire et patriotique, et il lui semblait que ce serait
pour elle une acquisition précieuse que celle de ce livre aussi
corrigé et amélioré qu'on pouvait se le promettre de l'hatùleté,
de l'érudition et du soin de ces messieurs. L'événement a justifié
cette prévision.
En 1846 parut le premier volume d'une série qu'ils appe-
lèrent Collection artistique, parce que leur intention était de ne
point s'en tenir à Vasari, mais, en le faisant suivre de Baldinucci,
de Bellori et d'autres, d'arriver jusqu'aux temps voisins du nôtre,
jusqu'à l'époque de Canova. En guise d'introduction ils compo-
sèrent le premier volume de divers écrits qui dans leur ensemble
pouvaient donner une connaissance suffisante de l'art antique et
des artistes grecs et romains. Ils commençaient par cette lettre si
nourrie que Giovambattista Adriani écrivit à Vasari sur l'invi-
tation de celui-ci et qui, traitant justement de la peinture et de
la sculpture grecques et romaines, devait être imprimée en tète
des Vies ; elle y avait du reste paru déjà pour la première fois en
1568, dans la deuxième édition, en tète du second volume. Ils
terminaient par une dissertation du célèbre abbé Luigi Lanzi
sur la sculpture chez les Égyptiens, les Etrusques, les Grecs et les
Romains, et par trois lettres du comte Galeani Napioni qui trai-
1. Edition de le Momiier, tome I, page xvu.
2. Idem, pa^e xxi.
CXI
UNE NOUVELLE ÉDITION DE VAS A RI.
Una nuova edipone délie opère di Giorgio Vasari annotata e
commentata da Gaetano Mii.anesi. Tomo I. Le Vite de' pin
eccellenti pittori, scultori ed architetti. Firen^e. G. C. San-
soni, 1878.
Les Vies de Vasari sont populaires non-seulement en Italie
mais dans le monde entier, partout du moins où l'on s'intéresse
aux beaux-arts. Artiste lui-même et artiste de talent, parlant des
plus célèbres peintres, sculpteurs et architectes, Vasari écrit
l'histoire de l'art depuis l'époque de sa renaissance avec Cimabue
et Giotto jusqu'à l'époque de son épanouissement complet et de
son éclat le plus vif avec Raphaël et Michel-Ange, dont Vasari
fut l'ami intime. Il se passionna pour cet oeuvre et s'y consacra
avec tant de zèle qu'il en fit le guide indispensable de tous ceux
qui après lui entreprirent de parler de l'art ou des artistes
italiens. De l'avis de bien des gens, ce livre lui assure même
plus de réputation que ne lui en auraient jamais procuré et ses
peintures dans notre palais de la Signoria, où il travailla pour
le duc Cosme de Médicis, et tous ses travaux d'architecture, y
compris cette belle construction des Uffi\i de Florence, qui
ayant reçu depuis la galerie de peinture, la bibliothèque et les
archives, était destinée à devenir une sorte de temple des sciences
et des arts. •
Mais sans insister sur ce point, tout le monde sera d'accord
pour reconnaître que Vasari a laissé là un véritable monument,
le plus considérable peut-être qui ait été élevé pour célébrer la
renaissance de l'art italien. Une excellente critique s'y joint à
un beau style. C'est que dans Vasari l'artiste et l'écrivain se
complètent merveilleusement pour composer une œuvre digne
d'être également recherchée et étudiée par les littérateurs et les
artistes, et très-goûtée de tous ceux qui aiment le beau sous la
forme de l'art et sous celle du discours. Suivant les expressions
de ses derniers annotateurs cette histoire, par l'élégance de la
forme, la vérité du récit, l'excellence des informations, peut
soutenir la comparaison avec tout ce qu'on a depuis, pendant
bien longtemps, écrit sur les beaux-arts.
L'Italie doit à Vasari un livre qui n'a rien d'égal sur le
même sujet dans la littérature grecque et latine, car on ne sau-
rait lui comparer, même de loin, ce qu'on trouve sur l'art grec
et romain dans Pausanias et dans Pline : aussi n'a-t-il pas paru
étrange de rapprocher des Vies des peintres, sculpteurs et
architectes de Georges Vasari, les Vies des hommes illustres
de Plutarque, car les unes retracent le modèle de l'homme
public et les autres celui du simple citoyen 2.
Malgré tout cela, Vasari n'est point exempt d'erreurs. Tantôt
par trop de crédulité, il a admis comme vrais des faits à peine
bons pour orner des romans ; tantôt par défaut de recherches, il
s'est trompé sur les noms, les dates et les œuvres; partois
enfin, emporté par son imagination vive et mobile, il établit les
faits à sa manière, les emmêle, les sépare, les abrège ou les
amplifie à sa fantaisie et sans égard pour la vérité historique. On
dirait souvent d'un vieux chroniqueur narrant avec bonhomie et
simplicité des histoires auxquelles il ajoute une foi entière, ou
d'un romancier qui, préoccupé seulement du plaisir du lecteur,
ne lui marchande pas la fiction.
Aussi, après la mort de Vasari, toutes les réimpressions de
l'ouvrage furent-elles accompagnées de notes, de corrections et
d'appendices, plus ou moins savants et sûrs, selon les connais-
sances et les informations de celui qui s'en occupait. Mais natu-
rellement, dans un semblable travail de critique, plus on fait de
recherches dans les archives publiques et privées et plus les
documents s'amoncellent, les notes de l'un s'ajoutantaux correc-
tions de l'autre, et tout le monde profitant des recherches de
chacun.
De rectification en rectification et de commentaire en
commentaire, MM. Giuseppe Montani et Giovanni Mapelli
en étaient arrivés à publier chez l'imprimeur Papigli une édition
qui surpassait toutes les autres ; ces deux hommes de mérite
avaient fait usage des documents nouveaux publiés en diverses
circonstances jusqu'en 1832, date de l'édition parue sous le nom
de M. Mapelli ; ce dernier y travailla quelque temps encore et la
conduisit à sa fin en 1838.
Mais en ce même temps, et justement l'année de la réim-
pression du Vasari de Papigli, d'autres personnes curieuses de
l'histoire de l'art continuaient leurs recherches dans les archives,
et, sans avoir Vasari pour but, accumulaient une nouvelle et
riche moisson de documents, qu'on trouve dans les publications
de MM. Gaye, Gualandi, Rumohr et quelques autres. Ce furent
peut-être ces publications qui donnèrent au P. Vincenzo Mar-
chese des frères prêcheurs, aux deux frères Carlo et Gaetano
Milancsi et à M. Carlo Pini la pensée de se réunir pour travailler
à une nouvelle édition des Vies de Vasari ; ce travail était gran-
dement facilité par les études particulières et les recherches que
ces infatigables érudits, qui ne voulurent prendre d'autre titre
que celui d'amateurs des arts, avaient faites dans les archives de
Toscane et dans les bibliothèques publiques et privées, sur
l'histoire des arts et la vie des artistes. M. Félix Le Monnier
vint pour ainsi dire au-devant de leurs désirs. Il avait, depuis
quelques années, commencé sa Bibliothèque nationale, dans une
pensée littéraire et patriotique, et il lui semblait que ce serait
pour elle une acquisition précieuse que celle de ce livre aussi
corrigé et amélioré qu'on pouvait se le promettre de l'hatùleté,
de l'érudition et du soin de ces messieurs. L'événement a justifié
cette prévision.
En 1846 parut le premier volume d'une série qu'ils appe-
lèrent Collection artistique, parce que leur intention était de ne
point s'en tenir à Vasari, mais, en le faisant suivre de Baldinucci,
de Bellori et d'autres, d'arriver jusqu'aux temps voisins du nôtre,
jusqu'à l'époque de Canova. En guise d'introduction ils compo-
sèrent le premier volume de divers écrits qui dans leur ensemble
pouvaient donner une connaissance suffisante de l'art antique et
des artistes grecs et romains. Ils commençaient par cette lettre si
nourrie que Giovambattista Adriani écrivit à Vasari sur l'invi-
tation de celui-ci et qui, traitant justement de la peinture et de
la sculpture grecques et romaines, devait être imprimée en tète
des Vies ; elle y avait du reste paru déjà pour la première fois en
1568, dans la deuxième édition, en tète du second volume. Ils
terminaient par une dissertation du célèbre abbé Luigi Lanzi
sur la sculpture chez les Égyptiens, les Etrusques, les Grecs et les
Romains, et par trois lettres du comte Galeani Napioni qui trai-
1. Edition de le Momiier, tome I, page xvu.
2. Idem, pa^e xxi.