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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 4.1878 (Teil 3)

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Soldi, Émile: Exposition universelle de 1878 (Salle des missions scientifiques): l'art au Musée ethnographique
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https://doi.org/10.11588/diglit.16910#0263

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EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1878

(SALLE DES MISSIONS SCIENTIFIQUES.)

L'ART AU MUSÉE ETHNOGRAPHIQUE1

II

L'ART PERSAN

N'avez-vous pas rêvé, à la suite de la lecture des contes des
Mille et une Nuits, que vous vous dirigiez comme Aladin vers
une de ces cent cite's merveilleuses que la fantaisie luxueuse d'un
Aroun-al-Raschid faisait sortir comme par miracle de tous les
points de son empire ?

La mission de M. Ch. Ujfalvy, dont la plus grande partie
est expose'e actuellement au palais du Champ-de-Mars (en face
les diamants de la couronne, près de la restauration de cette
merveilleuse porte cambodgienne re'cemment terminée et
placée depuis trois jours seulement à l'Exposition), nous trans-
porte dans plusieurs de ces cités féeriques, dans ces contrées
qui, possédées tour à tour par les Persans et les Tartares,
furent, pendant une longue période, les derniers refuges
des sciences et des arts, les seules étoiles qui scintillèrent
sur le monde pendant cette nuit de plusieurs siècles que l'on
nomme le moyen âge. Dans ces régions, les villes possèdent
encore d'immenses monuments, malheureusement aujourd'hui
en ruines. Ils gardent, dans leur abandon, le souvenir toujours
resplendissant de la grandeur, de la puissance et de l'imagina-
tion ardente des Orientaux, qui s'est manifestée, non-seulement
par une poésie pleine de charme, mais aussi par le développe-
ment d'une architecture sans analogue, toute de pompe, toute
de faste, et d'une splendide ingéniosité dans la décoration.

Ne voyez-vous pas, comme dans un mirage, cette ville
immense, dont les constructions à terrasses basses et massives
font ressortir au milieu d'elles tout un ensemble d'édifices gigan-
tesques, dont les murs étincellent comme des diamants, s'élan-
çant dans l'atmosphère ensoleillée avec la hardiesse de nos nefs
gothiques, unie à l'aspect fier et massif d'un immense donjon?
Leurs masses paraissent d'autant plus imposantes, qu'elles sont
surmontées d'une série de petits dômes gracieux, et environnées
de minarets légers et brillants.

C'est Samarkande ! la belle, la sainte, la riche, la capitale
de Tamerlan !

Entrez dans cette antique cité, au bout d'une longue avenue,
vous trouverez une immense place, entourée par un double por-
tique superposé; c'est le bazar, peuplé d'une foule de marchands,
et rempli d'une foule de richesses. Devant vous les principales
mosquées dont nous avons vu, de loin, les proportions colossales,
vous présentent leur large et unique portail, sorte d'arc de triom-
phe, dont l'ouverture ogivale prend toute la hauteur de la façade,
et referme sa courbe évasée à une élévation supérieure à celle des
minarets et même des dômes qui flanquent le monument.

Les cours des palais, des collèges, des bains, sont ravis-
santes de grâce et de légèreté ; généralement de fines colonnes
en bois de cyprès portent des chapiteaux élancés dans le goût
de ceux de Persépolis ; elles sont largement espacées, et soutien-
nent des toitures peintes ou dorées, formant des suites de petites
coupoles, bordées de fines arabesques dentelées et ajourées, dans
lesquelles courent les inscriptions en caractères arabes plus ou
moins anciens.

Quel charme de se promener sous ces longs portiques, dans
ces grandes salles ouvertes de toutes parts, aux toitures élevées
dans l'atmosphère comme d'immenses vélums sous lesquels l'air
circule sans arrêt! Leur ombre lumineuse se couche au milieu des
jardins ensoleillés, entourés de toutes parts par d'élégantes
fontaines. Celles-ci laissent échapper des colliers d'émeraudes et
de perles, troublant la profondeur de l'atmosphère bleue reflétée
dans leurs bassins, autre partie du ciel, placée et encadrée par l'art
dans l'harmonieuse verdure d'un magnifique paysage.

Il est difficile de décrire l'impression que produisent les
belles collections et aquarelles rapportées par M. Ch. Ujfalvy.

Il faudrait un poète possédant cette belle langue, si riche,
si harmonieuse de la Perse, pour donner à notre oreille la sen-
sation de son art, ou l'écrire dans ses caractères en fresques
d'or et d'azur, entremêlés de délicieuses arabesques, — pour
la donner aussi à nos yeux ; alors il pourrait faire revivre à notre
imagination, comme le font ces collections, cette antique ville
de Samarkande, qui peut encore montrer aujourd'hui, avec
orgueil, malgré sa décadence, ses 250 mosquées, ses 40 collèges,
la mosquée de marbre blanc renfermant le tombeau en jaspe de
Tamerlan, et la plaine qui l'entoure, considérée autrefois
comme un des quatre paradis.

C'est surtout à cette antique contrée de la Perse, dont l'ori-
gine se perd dans l'enfance du monde, que nous devons une
forme si éclatante de l'art, immense éblouissement de couleur et
de lùmière, dont aucun peuple n'a su hériter.

Ouvrez le splendide ouvrage : la Perse moderne, de
M. Coste, et dites s'il est permis de supposer, d'imaginer plus de
charmantes splendeurs que les places, palais, bazars ou caravan-
sérails d'Ispahan et de Téhéran, une perspective plus délicieuse
que le château de Kasr-i-Kadjar, placé au sommet d'une terrasse
d'où s'échelonnent, de chaque côté, des kiosques et des jardins.
Pietro délia Valle et Chardin, comme, de nos jours, Coste et
Flandin, sont d'accord pour déclarer que l'Europe ne peut rien
présenter de comparable à la place de Meidani-Ebahi d'Ispahan.
Nous pensons que l'on peut en dire autant du pavillon appelé
Imarats-Bihischt, près Téhéran, décrit par le voyageur français
Chardin. Construit de forme irrégulière à sept angles de face, au
milieu, un dôme écrasé est porté par des arcades, le plafond est
en mosaïque. « Autour d'une double galerie, dit Chardin, on a
ménagé et pratiqué cent petits endroits les plus délicieux du
monde... Il n'y a pas une de ces petites salles qui ressemble à
l'autre, soit pour la figure, soit pour l'architecture ou pour les
ornements et les dimensions. Partout, c'est quelque chose de nou-
veau et de divers ; aux unes il y a des cheminées, à d'autres des
bassins avec des eaux jaillissantes, c'est un vrai labyrinthe que
ce merveilleux salon... Le bassin, qui a dix pieds de hauteur, est
revêtu de jaspe entièrement, les balustres sont de bois doré, les
châssis sont d'argent, et les carreaux de cristal de verre fin de
toutes couleurs. Pour ce qui est des ornements, on ne peut rien
faire où il y ait plus de magnificence et de galanterie mêlées

I. Voir l'Art, 4e année, tome I", page 307.
 
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