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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 4.1878 (Teil 3)

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Soldi, Émile: Exposition universelle de 1878 (Salle des missions scientifiques): l'art au Musée ethnographique
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https://doi.org/10.11588/diglit.16910#0264

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RT.

ensemble. Ce n'est partout qu'or et azur. Les peintures de cet
édifice sont toutes d'une beauté et d'une gaieté surprenantes,
avec des miroirs en cristal de çà et de là, etc. »

On sera frappé de la similitude qu'offrent certaines parties du
pavillon persan au Trocadéro avec la description que nous
venons de citer. Le grand salon dont le plafond est formé d'une
multitude de stalactites de glaces nous montre les mômes goûts,
la même préoccupation d'effet que par le passé.

La gaieté, surtout amenée par d'éclatantes harmonies, nous
semble, en effet, une des notes caractéristiques de l'art persan,et
nous croyons la voir rayonner, la retrouver jusque dans les dési-
gnations adoptées en Perse pour les monuments : pavillon des
Miroirs, pavillon des Nuits, portes du Paradis, sanctuaire de la
Joie, etc.

C'est principalement grâce au long séjour de Chardin en
Perse, que nous pouvons avoir une idée complète de ce pays aux
xvi° et xvne siècles, et il est facile, en suivant ses récits, de s'ima-
giner, en ayant sous les yeux les beaux dessins de M. Coste, ce
que devait être telle ou telle fête, ou la grande place de Téhéran,
sous un souverain fastueux comme Abbas Ier, quand la foule
s'émerveillait devant le bâtiment de l'Horloge, devant les
grandes maisonnettes en bois peint, devant les automates, hom-
mes, bôtes et oiseaux répétant à toutes les heures leurs mouve-
ments mécaniques ; ou écoutait les bruyantes fanfares des deux
musiques militaires, la turque et la persane, qui faisaient
alternativement retentir dans les airs les longues trompettes et
les énormes timbales.

Mais jusqu'ici nous ne pouvions étudier que dans les ouvra-
ges, et les reproductions gravées ou coloriées, les monuments
persans et arabes des différentes parties de l'Asie centrale,
et les émaux qui les recouvrent comme d'une tapisserie de
diamants. Le musée ethnographique a présenté, pour la pre-
mière fois, aux artistes et aux savants, une série suivie et com-
plète des faïences émaillées provenant de diverses époques.
Voici d'abord le fragment le plus ancien, il provient de la mos-
quée du Sour Emir (tombeau de Tamerlan) ; c'est une pièce
non sculptée, mais couverte de fleurs peintes, dont l'ensemble :
« moelleux comme un velours, diapré comme un cachemire »,
passe par les plus riches couleurs de la brique émaillée. A la base,
un splendide bleu lapis est couché près d'un vert tendre qui fait
valoir tout son éclat, là les arabesques jaunes et vertes se décou-
pent sur un noir, dont l'intensité nous semble amenée par des
nuancés dans la pâte.

C'est ainsi que, dans leurs tapis, les Orientaux évitent la
brutalité de plusieurs couleurs se superposant, et marient
délicieusement les tons les plus éclatants et les plus opposés.
Les dessins forment mille gracieuses combinaisons de fleurs et
de feuillages, que l'on retrouve dans les anciennes tapisseries
persanes, celles qui ont peut-être les premières fourni aux Arabes
le décor de leur art. Toute représentation d'êtres animés en est
exclue.

C'est un art différent qui a créé la plaque provenant de la
mosquée du Schah Sindeh, la seule mosquée de l'Asie centrale
qui soit couverte d'émail, lequel n'a qu'un ton unique, vert clair ;
l'ornement est modelé dans un relief très-élevé, de manière que
la seule couleur dont la pièce est revêtue soit nuancée par les om-
bres noires que projettent les traits profonds delà sculpture. Ici,
les yeux du visiteur sont vivement attirés sur une belle plaque
convexe, provenant de la mosquée de Schir-Dar. C'est un bou-
quet étincelant de fleurs blanches découpées sur un fond bleu.
Mais quelle intensité, quel éclat les Orientaux ont su obtenir
avec deux tons! Le fond bleu est si modelé que l'émail semble
passer du clair de l'azur transparent au noir opaque ; un second
dessin de feuilles vertes, habilement placé, vient encore le faire
valoir. Il semblerait que, dans une couche de saphirs, les génies
d'Aladin aient jeté des filets d'émeraudes, sur lesquelles des
fleurs, que l'on croit des opales, sont venues se poser.

En comparant plusieurs pièces de cette collection, on

découvre une loi à peu près absolue : quand la plaque est
sculptée, elle n'est émaillée que d'un seul ton. Dans la plaque
précédente, l'ornementation est seulement produite par les
différentes couleurs de l'émail; dans celle du Schah Sindeh,
nous avons vu que, complètement sculptée, elle n'était recou-
verte que d'une seule couleur; dans une autre pièce de la même
mosquée, la ligne et la couleur forment une heureuse alter-
nance; ici une bande plate est ornée de dessins de diverses
nuances, là une bande sculptée est couverte par un ton unique
de l'émail. Sur la même plaque, les ornements peints et les
ornements sculptés sont toujours alternés et non juxtaposés.

En continuant l'examen de ces merveilleux émaux nous
trouvons que plus l'époque à laquelle ils appartiennent se
rapproche de la nôtre, plus ils perdent en nuances et en éclat,
en élégance dans la composition, en largeur dans le dessin.

On peut encore admirer les fragments provenant des mos-
quées Ouloukh-Bey, du couvent de Hodje-Akhrar, de la mos-
quée Hazret-a-Turkestan, mais quand on les compare avec les
pièces modernes provenant des fouilles de Savrirane, de Koch-
mizquil , de Zuni-Kourgàne, l'on s'aperçoit que les émaux
persans, après avoir atteint un éclat non inférieur à celui obtenu
par les faïences italiennes d'Urbino et de Faenza, finissent par
ressembler aux plus grossières poteries vernissées en usage dans
nos campagnes.

L'on suit la même décadence dans l'architecture des monu-
ments que recouvrent ces émaux, la carcasse de la nef s'abâ-
tardit, l'élégance du grand portail disparaît en même temps que
les ornements perdent en grâce et en richesse. En dernier lieu,
de simples briques plates, taillées en forme polygonale, émaillées
d'une seule couleur et sans aucun dessin, sont les seuls élé-
ments décoratifs des édifices. L'architecte entrecroise les briques
d'une couleur avec celles d'une autre couleur, et obtient ainsi,
sur toute la surface de la construction, des figures géométriques
régulières, dont l'application sur les minarets leur donne un faux
air de ressemblance avec les hautes cheminées en brique de nos
usines modernes.

La comparaison et la date de plusieurs de ces monuments
avec les mosquées célèbres enfantées par le génie arabe permet
de se demander si l'on apprécie bien le rôle joué par l'art per-
san, ces Italiens de l'Asie, comme les appelle Théophile Gautier,
dans l'adoption ou l'invention de l'art ogival, né, suivant quel-
ques-uns, de la forme ancienne et encore actuelle des tentes
des tribus des Turcomans. Est-ce aux Arabes ou aux Persans
que l'on doit le système d'agrégations de petites niches d'encor-
bellements, les entrelacs sculptés sur pierre, les inscriptions en
lettres d'or ? Si nous sommes sûrs que l'influence grecque
et plus tard l'influence byzantine, sous Justinien, sont venues
modifier totalement l'ordonnance générale de la construction
dans toute l'Asie, avant l'apparition du Coran, il est encore
très-difficile de préciser la part du Persan et de l'Arabe, de
l'Europe et de l'Asie, dans toutes les transformations architectu-
rales depuis l'ère chrétienne.

Suivant un archéologue français des plus compétents sur ces
questions, M. le comte de Gobineau, qui a passé trois années
en Asie comme représentant de la France, c'est la Chine
même qui aurait fourni plusieurs des éléments principaux,
que l'on retrouve adoptés plus tard dans l'art byzantin et
l'art arabe. « Je remarquerai, dit ce savant dans son livre
intitulé : Trois ans en Asie, que le palais d'Ispahan... est dou-
blement intéressant comme offrant les exemples les plus frap-
pants de l'appropriation du goût chinois à l'ornementation
persane. Il y a beaucoup d'intérêt pour l'histoire de l'art à
observer comment les artistes des Sefoys s'y sont pris pour
associer des motifs d'architecture et un certain style d'arabes-
ques empruntés au palais de Nanking, avec ce que la haute
antiquité leur avait traditionnellement laissé de sujets assyriens
et perses. L'effet est extrêmement riche et heureux, et c'est là
qu'on peut s'assurer plus pleinement de cette grande vérité :
 
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