6o L'ART.
présentèrent aucune difficulté sérieuse, il n'en fut pas de même de celles du palais du Trocadéro.
L'aile gauche (côté de Passy) fut attaquée la première dès le mois de novembre 1876 ; là on
était sur un terrain solide et bientôt les constructions se dessinèrent au-dessus du sol.
Sous la grande salle centrale, il fallait déblayer les anciennes carrières et soutenir les ciels '.
On ne pouvait venir à bout d'une pareille entreprise en enlevant les déblais par des puits directs,
lesquels eussent été trop rapprochés pour pouvoir être étrésillonnés. On prit donc la butte par le
flanc, et on entra en galerie à niveau, dans ces excavations abandonnées. Des voies ferrées
furent posées et branchées à mesure qu'avançaient les déblais. En même temps que s'accomplissait
ce travail de taupes, on déblayait les parties supérieures, pour décharger d'autant les ciels. Le
travail se poursuivait à l'aide de la lumière électrique jusqu'à une heure avancée de la nuit, et,
pour couler les premières couches de béton supérieures, on n'attendit pas que les parties corres-
pondantes, au-dessous, eussent pu être consolidées ; car on affermissait ainsi les ciels qui devaient
être soutenus et on les déchargeait des terres et remblais qu'ils portaient.
Ce procédé rationnel offrit de grands avantages, car il permettait de marcher rapidement et
plus sûrement. Mais sur un point, on pouvait craindre des accidents et une perte de temps. Sous
la partie sud-est du mur circulaire de la grande salle, existait une cloche, c'est-à-dire un effondre-
ment du ciel de la carrière, de telle sorte que le déblayement par-dessous était non-seulement
dangereux, mais faisait couler indéfiniment les terres supérieures. Là il fallut s'y prendre exclusi-
vement par-dessus, et cela avec la plus grande célérité. Un large déblai fut attaqué avec une acti-
vité exceptionnelle ; des boisages furent posés pour soutenir les terres environnantes et pour limiter
le déblai nécessaire, au moindre cube possible. Par-dessous, les parties du ciel encore en place
avaient été étançonnées à l'aide de cadres nombreux. La communication se fit entre les deux ate-
liers, celui du dessous et celui du dessus, et la lumière du jour pénétra jusqu'au sol même de la
carrière, laissant béant un trou de if* mètres de long sur 10 mètres de largeur et i) mètres de
profondeur. Deux mille deux cent cinquante mètres cubes de déblai avaient été enlevés en quel-
ques jours, dans les conditions de travail et d'accès des plus difficiles.
L'aspect de cette énorme fosse était des plus pittoresques, pris du sol de la carrière ; le jour
filtrait à travers une forêt d'étais et d'étançons que les terres accumulées au-dessus semblaient
devoir écraser. Tout alla bien cependant, grâce aux mesures prises avec autant d'intelligence que de
prudence , aucun accident ne se produisit et on commença à maçonner de fond, afin de compléter
par des piles et des arcs robustes le vide creusé par le déblayement.
Eug.-Emm. Viollet-le-Duc.
(I.a suite prochainement.)
l. On appelle ciels de carrière les plafonds qui restent entre les piliers de reserve et qui ont ainsi permis de cheminer dans ce galeries
sans craindre l'effondrement des terrains supérieurs*
O
Cul-de-lampe composé par Léon Gaucherel.
présentèrent aucune difficulté sérieuse, il n'en fut pas de même de celles du palais du Trocadéro.
L'aile gauche (côté de Passy) fut attaquée la première dès le mois de novembre 1876 ; là on
était sur un terrain solide et bientôt les constructions se dessinèrent au-dessus du sol.
Sous la grande salle centrale, il fallait déblayer les anciennes carrières et soutenir les ciels '.
On ne pouvait venir à bout d'une pareille entreprise en enlevant les déblais par des puits directs,
lesquels eussent été trop rapprochés pour pouvoir être étrésillonnés. On prit donc la butte par le
flanc, et on entra en galerie à niveau, dans ces excavations abandonnées. Des voies ferrées
furent posées et branchées à mesure qu'avançaient les déblais. En même temps que s'accomplissait
ce travail de taupes, on déblayait les parties supérieures, pour décharger d'autant les ciels. Le
travail se poursuivait à l'aide de la lumière électrique jusqu'à une heure avancée de la nuit, et,
pour couler les premières couches de béton supérieures, on n'attendit pas que les parties corres-
pondantes, au-dessous, eussent pu être consolidées ; car on affermissait ainsi les ciels qui devaient
être soutenus et on les déchargeait des terres et remblais qu'ils portaient.
Ce procédé rationnel offrit de grands avantages, car il permettait de marcher rapidement et
plus sûrement. Mais sur un point, on pouvait craindre des accidents et une perte de temps. Sous
la partie sud-est du mur circulaire de la grande salle, existait une cloche, c'est-à-dire un effondre-
ment du ciel de la carrière, de telle sorte que le déblayement par-dessous était non-seulement
dangereux, mais faisait couler indéfiniment les terres supérieures. Là il fallut s'y prendre exclusi-
vement par-dessus, et cela avec la plus grande célérité. Un large déblai fut attaqué avec une acti-
vité exceptionnelle ; des boisages furent posés pour soutenir les terres environnantes et pour limiter
le déblai nécessaire, au moindre cube possible. Par-dessous, les parties du ciel encore en place
avaient été étançonnées à l'aide de cadres nombreux. La communication se fit entre les deux ate-
liers, celui du dessous et celui du dessus, et la lumière du jour pénétra jusqu'au sol même de la
carrière, laissant béant un trou de if* mètres de long sur 10 mètres de largeur et i) mètres de
profondeur. Deux mille deux cent cinquante mètres cubes de déblai avaient été enlevés en quel-
ques jours, dans les conditions de travail et d'accès des plus difficiles.
L'aspect de cette énorme fosse était des plus pittoresques, pris du sol de la carrière ; le jour
filtrait à travers une forêt d'étais et d'étançons que les terres accumulées au-dessus semblaient
devoir écraser. Tout alla bien cependant, grâce aux mesures prises avec autant d'intelligence que de
prudence , aucun accident ne se produisit et on commença à maçonner de fond, afin de compléter
par des piles et des arcs robustes le vide creusé par le déblayement.
Eug.-Emm. Viollet-le-Duc.
(I.a suite prochainement.)
l. On appelle ciels de carrière les plafonds qui restent entre les piliers de reserve et qui ont ainsi permis de cheminer dans ce galeries
sans craindre l'effondrement des terrains supérieurs*
O
Cul-de-lampe composé par Léon Gaucherel.