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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 4.1878 (Teil 3)

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Carr, J. Comyns: La Saison d'art à Londres: la Royal Academy
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https://doi.org/10.11588/diglit.16910#0241

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212

L'ART.

nistes n'est que l'abus, l'exagération violente d'une doctrine acceptée, non pas une réforme, mais
une déformation, pour ne pas dire une difformité. Les impressionnistes ont la prétention de
traiter la figure humaine à la façon des paysagistes et de supprimer complètement ces détails
insignifiants qui s'appellent les formes, pour sauvegarder dans toute sa justesse l'effet de l'impression
atmosphérique, de l'air ambiant. C'est, avec plus d'étroitesse et de fanatisme, une tendance qui a
exercé une notable et funeste influence sur l'école moderne. Partout, même chez les peintres de
figures, nous retrouvons les traces de préoccupations dominées par les effets que recherche le
paysagiste, effets de lumière, effets de plein air, effets de tonalité, accidents de la vie, conditions
momentanées et accessoires, auxquelles le peintre, poursuivant une vérité relative et éphémère,
subordonne la vérité supérieure et éternelle de l'idée, sans comprendre que pour avoir trop
sacrifié le sentiment à l'observation il compromet jusqu'à la distinction de l'exécution et prive à
la fois son œuvre de la beauté inhérente au style individuel et de l'attrait du réalisme vivant.

C'est pourquoi j'estime que dans l'école moderne les efforts les plus intéressants et les plus
heureux sont ceux qui, sans répudier cette tendance généralement admise aujourd'hui, ont du
moins le mérite de la légitimer par un certain tact dans l'application des principes du paysage.
Il est certain par exemple que le paysage a le droit de revendiquer, au nom de l'influence du
milieu, les figures des populations rustiques ou maritimes. Elles sont en quelque sorte le produit
du sol qu'elles cultivent, de la plage où elles travaillent. Il y a un lien indissoluble entre elles et
la nature extérieure ; chaque jour elles collaborent à son oeuvre qu'elles font fructifier, et, vivant
constamment de la vie du plein air, leurs types sont inséparables des variations de lumière et
d'atmosphère qui affectent les paysages qu'elles habitent. Le peintre qui s'inspire de ces principes
d'exécution fera bien seulement de choisir des motifs qui empruntent précisément leur beauté aux
conditions particulières sous lesquelles ils frappent le regard. C'est justement ce que vient de faire
M. P. R. Morris dans son tableau de la Première communion à Dieppe (n° fo6), la peinture la
plus originale, à notre sens, de l'exposition. Certes l'artiste ne s'est pas ingénié à exprimer une
idée. Il s'est contenté de raconter ce qu'il a vu, en s'efforçant de donner à sa description l'intérêt
pittoresque du spectacle qui l'avait séduit. Il y a réussi. Tout est donc pour le mieux, car il n'est
rien de tel que de réaliser un projet pour le justifier. Si le tableau n'était pas fait, peut-être se
trouverait-il des critiques disposés à expliquer au peintre que le sujet n'a qu'une médiocre valeur
artistique, mais le tableau est là qui répond à toutes les objections tirées du sujet même.
M. Morris en a sauvé les difficultés, la monotonie et la vulgarité, précisément parce qu'il l'a
traité en paysagiste et parce que c'était le cas ou jamais d'en appeler au paysage. C'est l'air,
c'est la lumière qui relèvent la banalité du sujet ; la toile en est baignée ; l'air et la lumière
animent les vêtements blancs des jeunes filles, échauffent les colorations des costumes des marins
qui se pressent sur leur passage tout le long du quai, et font vibrer le bleu pâle du ciel et l'eau
verdâtre, tout ce fond sur lequel se détache le groupe processionnel. La peinture de M. Morris
nous suggère une seule critique, et encore porte-t-elle moins sur la substance même de son
oeuvre que sur 1"exécution, qui laisse parfois à désirer dans le détail un peu de ce goût exquis
dont le peintre a fait preuve dans le choix et la disposition générale des matériaux de son tableau.
A ce point de vue il y a lieu de regretter que M. Morris n'ait pas rendu plus complète justice à
sa propre conception. Les figures des jeunes communiantes sont d'une naïveté gracieuse et
piquante; mais le modelé n'en est guère qu'esquissé, et si les relations de tons sont heureusement
établies, les tons en eux-mêmes ne sont pas toujours d'une beauté parfaite. Nous nous rappelons
bon gré mal gré ces masses blanches qui formaient le centre du tableau de M. Gervex au Salon
de l'an dernier, la Première communion à l'église de la Trinité l. Les blancs de M. Gervex, tache
essentielle de sa peinture et principe de sa coloration générale, étaient de meilleure qualité que
ceux de M. Morris. Ils étaient plus riches, plus chauds, moins prosaïques et d'un effet plus
agréable que les mousselines bleutées et sentant l'empois de la Première communion à Dieppe.

{Lafin prochainement:, L COMYNS CaRR.

i. Voir l'Art, }' année, tome II, page 169.
 
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