2i8 L'ART.
Piémont. Il y avait là quelques artistes qui attiraient l'attention, M. Ferri notamment, et M. le
professeur Gastaldi de Turin, que nous retrouvons cette année au Champ-de-Mars avec un
Boni/ace VIII, vigoureuse peinture à la cire, appartenant au ministère de l'instruction publique.
Mais Florence; mais Naples; mais Rome! Le critique voyageur ne trouvait rien à en dire. « Et
Venise? » s'écriait-il en terminant. — « Venise est en Autriche. »
L'Espagne était en progrès. L'Italie était tombée bien bas. Elle ne devait pas tarder
à se relever. Quatre années après l'exposition universelle de i8yf, le Piémont, aidé par la France,
avait commencé l'œuvre d'affranchissement, et au moment
où s'ouvrait l'Exposition universelle de 1867, Venise n'était
plus en Autriche.
L'exposition universelle de Londres, en 1862, n'avait
guère été plus favorable à l'Italie que celle de Paris
en 185-y. Le compte rendu de W. Bùrger n'était guère
moins désolant, — ni moins désolé — que le « Voyage »
de M. Edmond About. « La glorieuse Italie et la fière
Espagne, écrivait-il n'ont plus de peintres qui rivalisent
avec les autres écoles. Hélas ! il n'y a rien à noter dans
la salle où sont réunis les Italiens, les Espagnols et les
Suisses. » Rien, ce n'est guère. « A peine distingue-t-on,
ajoutait-il, quelque tableau que recommandent sa dimen-
sion ou le sujet ; par exemple les Iconoclastes de
M. Domenico Morelli. » On voit qu'il avait cherché.
Thoré était trop consciencieux pour risquer à l'étourdie
un jugement aussi sommaire; et, critique trop éclairé pour
se laisser aller à des préoccupations chauvines, il s'inté-
ressait très-sincèrement à l'art étranger. On peut donc
avoir confiance en lui quand, à propos des peintres romains
et de leurs envois à Londres en 1862, il en revient à son
terrible monosyllabe : et Rien ».
En 1862 comme en 185^, rien. En 1867, quelque
chose. Est-ce seulement une coïncidence, ou bien y a-t-il
vraiment une relation étroite et logique entre la renaissance
politique de l'Italie et les premiers symptômes de son
réveil artistique? Toujours est-il que cette phrase qu'écri-
vait M. About en i8f y : « On devine, en comptant les
envois de l'Italie, que cette grande nation a renoncé à la
gloire, qu'elle abdique et qu'elle ne veut plus », cette
phrase, sous laquelle on sent l'aiguillon d'une critique
amie, n'est plus en 1867 qu'un anachronisme.
Etude de Geholajio I.nduno . ,. ,
Sans doute la gloire n est pas encore tres-eclatante,
pour une figure de son tableau Italie, 1860. " 1
(Exposition universelle de 1878.) et du reste il faudra bien des efforts avant qu'il puisse
être question de gloire artistique en Italie. Il faut payer
le bonheur, dit la sagesse des nations. La gloire se paye aussi, même en art, et il est assez
naturel qu'un passé exceptionnellement glorieux pèse sur le présent et l'avenir. Mais si la gloire
n'est pas là, on en voit poindre le désir; l'ambition y est, et déjà, ce qui vaut mieux, cette
ambition se justifie par des œuvres.
Dès 1867, il est évident que l'Italie des peintres n'a pas abdiqué, et que si elle est en retard
elle est bien décidée à rattraper le temps perdu. Elle s'était laissé devancer par l'Italie des
politiques, des hommes d'État et des hommes de guerre, parce qu'un pays qui, ayant conscience
t. Salons de \V. Bilrger, tome Ie', page 197.
Piémont. Il y avait là quelques artistes qui attiraient l'attention, M. Ferri notamment, et M. le
professeur Gastaldi de Turin, que nous retrouvons cette année au Champ-de-Mars avec un
Boni/ace VIII, vigoureuse peinture à la cire, appartenant au ministère de l'instruction publique.
Mais Florence; mais Naples; mais Rome! Le critique voyageur ne trouvait rien à en dire. « Et
Venise? » s'écriait-il en terminant. — « Venise est en Autriche. »
L'Espagne était en progrès. L'Italie était tombée bien bas. Elle ne devait pas tarder
à se relever. Quatre années après l'exposition universelle de i8yf, le Piémont, aidé par la France,
avait commencé l'œuvre d'affranchissement, et au moment
où s'ouvrait l'Exposition universelle de 1867, Venise n'était
plus en Autriche.
L'exposition universelle de Londres, en 1862, n'avait
guère été plus favorable à l'Italie que celle de Paris
en 185-y. Le compte rendu de W. Bùrger n'était guère
moins désolant, — ni moins désolé — que le « Voyage »
de M. Edmond About. « La glorieuse Italie et la fière
Espagne, écrivait-il n'ont plus de peintres qui rivalisent
avec les autres écoles. Hélas ! il n'y a rien à noter dans
la salle où sont réunis les Italiens, les Espagnols et les
Suisses. » Rien, ce n'est guère. « A peine distingue-t-on,
ajoutait-il, quelque tableau que recommandent sa dimen-
sion ou le sujet ; par exemple les Iconoclastes de
M. Domenico Morelli. » On voit qu'il avait cherché.
Thoré était trop consciencieux pour risquer à l'étourdie
un jugement aussi sommaire; et, critique trop éclairé pour
se laisser aller à des préoccupations chauvines, il s'inté-
ressait très-sincèrement à l'art étranger. On peut donc
avoir confiance en lui quand, à propos des peintres romains
et de leurs envois à Londres en 1862, il en revient à son
terrible monosyllabe : et Rien ».
En 1862 comme en 185^, rien. En 1867, quelque
chose. Est-ce seulement une coïncidence, ou bien y a-t-il
vraiment une relation étroite et logique entre la renaissance
politique de l'Italie et les premiers symptômes de son
réveil artistique? Toujours est-il que cette phrase qu'écri-
vait M. About en i8f y : « On devine, en comptant les
envois de l'Italie, que cette grande nation a renoncé à la
gloire, qu'elle abdique et qu'elle ne veut plus », cette
phrase, sous laquelle on sent l'aiguillon d'une critique
amie, n'est plus en 1867 qu'un anachronisme.
Etude de Geholajio I.nduno . ,. ,
Sans doute la gloire n est pas encore tres-eclatante,
pour une figure de son tableau Italie, 1860. " 1
(Exposition universelle de 1878.) et du reste il faudra bien des efforts avant qu'il puisse
être question de gloire artistique en Italie. Il faut payer
le bonheur, dit la sagesse des nations. La gloire se paye aussi, même en art, et il est assez
naturel qu'un passé exceptionnellement glorieux pèse sur le présent et l'avenir. Mais si la gloire
n'est pas là, on en voit poindre le désir; l'ambition y est, et déjà, ce qui vaut mieux, cette
ambition se justifie par des œuvres.
Dès 1867, il est évident que l'Italie des peintres n'a pas abdiqué, et que si elle est en retard
elle est bien décidée à rattraper le temps perdu. Elle s'était laissé devancer par l'Italie des
politiques, des hommes d'État et des hommes de guerre, parce qu'un pays qui, ayant conscience
t. Salons de \V. Bilrger, tome Ie', page 197.