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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 4.1878 (Teil 3)

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Tardieu, Charles: La peinture à l'exposition universelle de 1878, [4]: L'École italienne
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https://doi.org/10.11588/diglit.16910#0274

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242 L"ART.

Ce groupe se divise en deux sous-genres, celui des peintres tristes, et celui des peintres
gais, — désignations médiocrement scientifiques, mais qui ont l'avantage de noter exactement les
nuances de tempérament d'où résultent les différences de style.

Voici par exemple M. A. Mancini, le plus intéressant des peintres tristes. M. A. Mancini,
qui habite Paris, écoute volontiers les conseils des réalistes, et ne dédaigne même pas les
exemples de certains impressionnistes. Eugène Delacroix n'eût pas goûté cette peinture, lui qui
jetait sur un album cette imprécation furieuse : « Eh ! réaliste maudit, voudrais-tu par hasard me
produire une illusion telle que je me figure que j'assiste en réalité au spectacle que tu prétends
m'offrir ? C'est la cruelle réalité des objets que je fuis, quand je me réfugie dans la sphère des
créations de l'art. Que m'importent les personnages vrais, que je retrouve dans la rue sans me
donner la peine de feuilleter ton livre ? Je suis du moins le maître d'en détourner la vue quand
je les trouve sous mes pas, tandis que toi, tu m'en fais voir toute la crasse et toute la misère' ».
Ce langage ne troublera pas M. A. Mancini dont les convictions artistiques paraissent sérieuses,
réfléchies et très-arrêtées. Il est de parti pris le peintre des misérables. Seulement il les choisit.
Ses préférences sont pour les « saltimbanques », et c'est assez dire que la crasse et la misère ne
lui font pas peur. Il semble irrésistiblement attiré par les tortures infligées aux héros de la corde
raide, comme M. Degas par les dislocations imposées aux nymphes et aux déesses du corps de
ballet; mais il y a dans les études de M. Degas un élément caricatural auquel le talent de
M. A. Mancini demeure étranger. La peinture de celui-ci est plus grave, plus creusée ; l'intention
n'est pas moins amère, mais sans sarcasme. Cette peinture est d'ailleurs le plus souvent très-
travaillée, parfois même assez pénible, notamment dans le grand tableau, le Saltimbanque, et dans
celui qui est intitulé la Fille du marin, où l'observation des effets corrosifs des larmes sur les
paupières de la pauvre fille est presque poussée à l'excès. Mais M. A. Mancini a ses moments
d'abandon et même de fantaisie humouristique. Le petit tableau qui a pour titre le Père est d'une
facture plus large et plus amusante. C'est encore un misérable que ce père surpris par l'artiste
dans un désordre étrange, au milieu d'un fouillis de joujoux et de langes, gardant l'enfant à la
maison en attendant le retour d'une maman Benoîton, mais c'est un misérable qui fait sourire.

Peintres tristes, M. E. Ferroni, de Florence, qui, peignant le Retour de la forêt avant
l'orage, cherche à s'approprier la franche et profonde rusticité de J. F. Millet; et un autre Flo-
rentin, M. F. Gioli, qui se contente du ruralisme adouci de M. Jules Breton; — efforts louables,
mais encore aussi éloignés du but dans le Viatique en pleine campagne de M. Gioli que dans la
glaneuse forestière de M. Ferroni.

M. L. Busi, de Bologne, n'est pas de la famille des mélancoliques; il se propose seulement
d'être touchant, et il y réussit. On est sur le point d'attribuer à M. C. Baugniet ses Joies
maternelles et ses Deux mères, compositions sentimentales faites pour retourner à la lithographie
qui en est le principe, et qu'on croit deviner sous la couleur, étendue d'ailleurs avec une irrépro-
chable propreté. La scène des Deux mères est surtout attendrissante. Elle n'a rien de commun
avec la fameuse et inévitable scène des deux mères du Fils de la nuit et de tant d'autres
mélodrames du boulevard. Il s'agit ici d'un drame intime de la première enfance. Une jeune
mère, — encore ? mais celle-ci est dans son droit, et le mari est là pour consacrer par sa présence
la parfaite légitimité de la situation, — une mère dont la source lactée s'est tarie avant l'heure
du sevrage, confie à une chèvre mieux approvisionnée, — heureuse chèvre ! — l'enfant qu'elle
avait espéré nourrir elle-même. La chose se passe en plein air comme dans le tableau de
M. Tedesco. 11 faut croire que dans cette contrée on ignore encore les ressources du biberon et
du lait condensé. La question de l'allaitement maternel est assurément des plus importantes au
point de vue hygiénique, mais n'est-il pas singulier qu'elle intrigue en Italie jusqu'aux peintres
eux-mêmes ?

La peinture gaie a le droit de revendiquer M. G. Castiglione malgré les prétentions histori-
ques et dramatiques de son tableau, le Château de Haldon Hall, Derbyshire (Grande-Bretagne),

i. Eugène Delacroix, sa vie et ses œuvres, Paris, Claye, i86j (sans nom d'aut;ur: « dédié aux amis d'Eugène Delacroix » par Piron!.
 
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