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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 4.1878 (Teil 3)

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Tardieu, Charles: La peinture à l'exposition universelle de 1878, [4]: L'École italienne
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https://doi.org/10.11588/diglit.16910#0281

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248 L'ART.

mais qui ne sont pas de mise sur le continent même en temps de pluie. Dans le Retour des
courses du bois de Boulogne, l'air et le ciel sont plus anglais que parisiens, et Ton se demande
ce que le peintre eût fait de sa Place des Pyramides l, si l'averse qui la mouille était tombée
après son retour d'Angleterre. On ne revient pas de Londres sans en rapporter le parfum
caractéristique. Mais ce parfum finit par s'évaporer, heureusement pour M. de Nittis, qui en est
encore imprégné. Ce qui est intéressant, c'est de voir un artiste se montrer égal à lui-même dans
l'interprétation des motifs les plus différents, et peindre tour à tour avec une souplesse de
virtuosité toujours renouvelée la lumière ardente et tyrannique de la Route de Brindisi, le ciel fin
et l'air léger de Paris, vu du Pont-Royal, et même les brouillards londoniens, n'en déplaise à
ÏAthenœum dont le chauvinisme météorologique fera sourire tous les Parisiens du Royaume-Uni
et tous les anglomanes du continent.

En se séparant de l'école de Fortuny, dont il n'a jamais d'ailleurs poussé à bout les outrances,
M. de Nittis a fait preuve de tact. Il n'est pas le seul. Parmi les adeptes italiens de cette école
que nous retrouverons en Espagne avec son chef, tous ceux qui se sentaient une vraie valeur ont
rompu ou s'efforcent de rompre avec ses pratiques de crudité exorbitante, de lumière quand
même, et de fanatisme d'exécution dans le détail au préjudice de l'ensemble. M. Jacovacci est du
nombre. De même M. Pio Joris, déjà bien connu des lecteurs de l'Art 2. Nous retrouvons au
Champ-de-Mars un de ses tableaux du Salon de 1876, la Via Flaminia, à Rome, et nous y
découvrons un tableau nouveau, Un Baptême dans Vile d'Ischia, scène de mœurs composée avec
intelligence, observée avec grâce, et peinte avec cette facilité de couleur qui caractérise le talent
de cet aimable artiste. Un dessin de l'auteur permettra à nos lecteurs de s'en faire une idée.

Les « fortunistes » entêtés sont bien malades. Mieux inspirés ces Vénitiens, — parmi lesquels
M. J. Favretto, le peintre de l'Ordonnance et de F Atelier du tailleur — essayant à la suite de
M. Cecil Van Haanen une nouvelle peinture italo-néerlandaise. Pareille tentative n'a rien que de
naturel dans cette Vénétie que M. Taine a appelée les Pays-Bas de l'Italie. Elle serait surpre-
nante à Rome et à Naples, où la lumière est trop capiteuse pour ne pas pousser jusqu'à l'ivresse
les peintres épris des clartés de la couleur. Seulement gare les insolations picturales et surtout
le delirium tremens ! M. Michetti n'en est pas loin. Y a-t-il deux Michetti ou bien un seul? Le
catalogue dit deux : F. P. Michetti et J. P. Michetti, tous deux « à Francavilla-a-Mare (Chieti) ».
Au premier appartiennent Printemps et amour et le Baiser, au second une peinture à la
gouache, Animaux et figures. Mais la prétentieuse ferrure de leurs cadres dont le métal laisse
déborder la fantaisie de leurs compositions, la bizarrerie préméditée de leurs sujets et de leur
facture, l'identité de domicile , tout cela nous donne à penser qu'il y a là-dessous quelque
coquille, que ces deux peintres ne font qu'un. Ces frères Siamois du fortunisme intransigeant
auraient-ils l'ambition de créer le « michettisme » ? Il est plus probable qu'ils auront jugé utile
de tirer un coup de pistolet pour ameuter les passants. Voilà qui est bien, pour une fois.
La foule s'est retournée, mais maintenant qu'elle sait à quoi s'en tenir, elle n'y reviendra pas,
quand même le « michettisme » passerait'du coup de pistolet au coup de canon.

En résumé, l'Italie des peintres est en travail. Si elle n'est pas encore une école, elle est
une espérance, et les progrès qu'elle a réalisés depuis les dernières expositions universelles, les
développements qu'elle a pris en peu d'années avec un rare élan sont trop considérables pour
qu'on n'ait pas confiance dans son avenir.

Charles Tardieu.

1. Voir l'Art, 2' année, tome III, page l}2.

2. Voir l'Art, 2e année, tome III, pages iji et n;.
 
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