LE SALON DE PARIS. 321
manquée ? Or mon opinion est que M. Vibert avec tout son esprit, et précisément à cause
de son esprit, était moins que tout autre capable de se tirer d'une pareille entreprise. Il n'en
est pas moins vrai que cette œuvre manquée a été achetée pour l'État grâce à l'insistance
de quelques journaux, qui la réclamaient pour le musée du Luxembourg, sans songer que cette
collection a pour but spécial d'offrir à l'étude et à l'admiration du public, en vue de former son
goût, les plus belles toiles, et que de là un jour il eût suffi du mauvais goût d'un administrateur
pour la faire figurer au Louvre, ce palais des chefs-d'œuvre.
La direction des beaux-arts, par bonheur, ne s'est pas prêtée à cette mauvaise plaisanterie.
Van Dyck a la cour de Charles Ier d'Angleterre.
Dessin d'Antonio Casanova d'après son tableau. (Salon de 1878.)
Elle a trouvé un biais ingénieux, qui lui permet de concilier les intérêts de l'art avec les égards
dus à l'illustre mort. M. Thiers retournera à sa vraie place, à celle où son absence se fait le
plus vivement sentir, à la Chambre des députés. Espérons, dans l'intérêt de nos représentants,
qu'on saura lui trouver une place d'où il puisse assister aux débats, « invisible et présent ». Il
est bon qu'on le sache là :, il serait désagréable de l'y voir. Et dire qu'il se rencontre des gens
pour féliciter l'artiste d'avoir consenti à ne recevoir pour cela que huit mille francs ! On
comprendrait qu'il les eût donnés pour se débarrasser d'une toile qu'il n'aurait certainement pas
dû espérer de placer autrement, mais les recevoir et considérer cela comme un sacrifice fait à la
patrie, voilà qui étonnera bien des gens, dans quelques années.
Eugène Véron.
Tome XIV.
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manquée ? Or mon opinion est que M. Vibert avec tout son esprit, et précisément à cause
de son esprit, était moins que tout autre capable de se tirer d'une pareille entreprise. Il n'en
est pas moins vrai que cette œuvre manquée a été achetée pour l'État grâce à l'insistance
de quelques journaux, qui la réclamaient pour le musée du Luxembourg, sans songer que cette
collection a pour but spécial d'offrir à l'étude et à l'admiration du public, en vue de former son
goût, les plus belles toiles, et que de là un jour il eût suffi du mauvais goût d'un administrateur
pour la faire figurer au Louvre, ce palais des chefs-d'œuvre.
La direction des beaux-arts, par bonheur, ne s'est pas prêtée à cette mauvaise plaisanterie.
Van Dyck a la cour de Charles Ier d'Angleterre.
Dessin d'Antonio Casanova d'après son tableau. (Salon de 1878.)
Elle a trouvé un biais ingénieux, qui lui permet de concilier les intérêts de l'art avec les égards
dus à l'illustre mort. M. Thiers retournera à sa vraie place, à celle où son absence se fait le
plus vivement sentir, à la Chambre des députés. Espérons, dans l'intérêt de nos représentants,
qu'on saura lui trouver une place d'où il puisse assister aux débats, « invisible et présent ». Il
est bon qu'on le sache là :, il serait désagréable de l'y voir. Et dire qu'il se rencontre des gens
pour féliciter l'artiste d'avoir consenti à ne recevoir pour cela que huit mille francs ! On
comprendrait qu'il les eût donnés pour se débarrasser d'une toile qu'il n'aurait certainement pas
dû espérer de placer autrement, mais les recevoir et considérer cela comme un sacrifice fait à la
patrie, voilà qui étonnera bien des gens, dans quelques années.
Eugène Véron.
Tome XIV.
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