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La chronique des arts et de la curiosité — 1868

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Nr. 13 (29 Mars)
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https://doi.org/10.11588/diglit.26660#0067
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1868.

N° 13.

BUREAUX: 55, RUE VIVIENNE.

29 MARS.

LA

CHRONIQUE DES

ET

DE LA CURIOSITÉ

ARTS

PARAISSANT LE DIMANCHE MATIN.

Comptes rendus et Annonces des Ventes publiques

ABONNEMENTS :

Correspondances étrangères. — Nouvelles des Galeries

de Tableaux, Dessins, Estampes, Bronzes, Ivoires, Médailles,

PARIS ET DÉPARTEME X T S

publiques, des Ateliers. — Bibliographie des Livres, Articles

Livres rares, Autographes, Émaux, Porcelaines, Armes

Six mois, 8 fr. — Un an, 15 fr.

de Revues et Estampes, publiés en France et à l’Étranger.

et autres objets de curiosité.

Étranger, le port en sus.

Revue des Arts industriels.

DISCOURS DE M. LEHMANN

AUX FUNÉRAILLES DE PICOT.

Sur la foi d’un écrivain du Figaro, on s'est
représenté M. Lehmann « piétinant avec un rare
sans-façon sur toutes les convenances, et entre-
prenant une démolition complète de l’illustre
défunt. »

«Non-seulement, dit M. Alfred d’Aulnay,
M. Lehmann contesta tout mérite à M. Picot, et
ressuscita toutes les critiques dirigées à diverses
époques contre son œuvre, mais il poussa la
passion jusqu’à accumuler des inexactitudes qui
accusent évidemment le parti pris.

« Pour n’en relever qu’une,-je citerai ce pas-
sage où M. Lehman a prétendu que Flandrin,
accablé de travail à Saint-Vincent de Paul, prit
Picot pour aide! Tout au contraire, c’est Picot
qui a exécuté le fond et la coupole, c’est-à-dire
la partie la plus importante pour l’expression
d’une idée, tandis que l’œuvre de Flandrin se
borne à la peinture de ces longues frises mono-
tones où le talent réel de ce dernier artiste ne
se révéla que trop peu. »

A de semblables allégations, avancées sans
preuve, il suffit, pour en faire justice, d’opposer
le discours entier de M. Lehmann.

E. G.

Messieurs,

Nous avons été si cruellement décimés l’année der-
nière, qu’il semblait que nous dussions être plus long-
temps à l’abri d’une nouvelle affliction. Vain espoir,
hélas! Nous voici encore dans un deuil non moins
profond ; car le confrère que nous pleurons était, mal-
gré son âge vénérable, un des plus fidèles à l’Acadé-
mie. L’honneur et la discrétion délicate de son carac-
tère, la simplicité et la sûreté de son commerce, la
sereine égalité de son humeur, lui avaient acquis l’es-
time et l’amitié de tous.

Picot était un des derniers survivants d’une géné-
ration qui déjà appartient à l’histoire. C’est elle qui
dira quelle part dans la gloire de l’art français revient
à cette génération, un peu surfaite peut-être au mo-
ment de sa floraison, assurément trop dépréciée de-
puis. La jeunesse a l’oubli prompt et facile de ce
qu’elle doit aux efforts de ceux qui l’ont précédée. Ne
nous bornons donc pas à exprimer ici les regrets que
nous inspire la perte de notre confrère, et rappelons

la place honorable qu’il avait su se faire parmi ses
contemporains.

Les hommes de mon âge se souviennent du succès
qui accueillit à leur apparition et suivit jusque dans
le tumulte d'une école naissante les premiers ouvrages
de Picot. Sa réputation précéda la bruyante levée de
boucliers du romantisme. Picot avait le sens trop
droit, une trop calme appréciation de ses aptitudes et
de ses forces, pour se laisser tenter, ne fùt-ce qu’un
instant, d’y participer. Il se disait que ces voies, plu-
tôt renouvelées que nouvelles, ne puisaient leur in-
spiration qu’à une source moins pure et moins élevée
que celle à laquelle l’art français doit son vrai carac-
tère. Je ne méconnais pas qu'à ce mouvement em-
prunté à des écoles étrangères quelques œuvres ont
survécu, révéWbr-organisations éneFe-iqu<^-*aux-
quelles le fonds commun de l’art national a pu devoir
certaines qualités jusque-là trop négligées. J’oserai
dire pourtant que ces éléments me semblent jouer
dans la peinture le rôle des toxiques dans un autre
art, et qu’ils doivent, comme ceux-là, être employés
avec une circonspection extrême, sous peine de tuer
au lieu de fortifier.

Au milieu'de l’éclatant tumulte, Picot se tint calme
et ferme dans la route tracée par des maîtres convain-
cus que l’art français pouvait atteindre son apogée en
persévérant dans la voie suivie depuis ses origines.
Si l’avenir achève de leur donner raison, Picot aura à
réclamer sa part légitime dans la salutaire mission des
artistes qui ont consacré tous leurs efforts à conser-
ver la tradition des bonnes études, battue en brèche
par les assauts de ceux qui se croyaient, plus qu’ils
n’étaient, des novateurs.

Picot naquit à Paris, en 1786, d’une famille hono-
rable et aisée. Rien ne contraria une vocation qui de-
vait remplir sa simple et tranquille existence, fidèle
image de son âme. Après avoir étudié dans l’atelier
de Vincent, d concourut pour le grand prix de Rome.
En '1812, il le disputa à Abel de Pujol ; en 1813, à
Forestier. Deux fois il obtint le second prix, et la
deuxième fois par un ouvrage si distingué, que l’Aca-
démie intercéda auprès du ministre, dont la libéralité
lui facilita son voyage d’Italie. Il resta quatre ans à
Rome. Là, comme plus tard à Paris, il sut allier dans
une mesure parfaite l’entrain de la jeunesse à la re-
serve que donne l’habitude du monde. Il fut recher-
ché, mais sa nature pondérée le préserva des excès ;
l’étude et le travail conservèrent leurs droits, et,
parmi les tableaux qu’il exposa bientôt après son re-
tour en France, plusieurs furent préparés ou achevés
à Rome. La Mort de Saphir a, donnée à l’église de
Saint-Séverin ; Raphaël et la Fornarina, le portrait
de Talma, mais surtout Psyché et l’Amour, rendirent

le nom de Picot populaire. C’était encore le temps où
l’on ne pouvait être populaire sans avoir une place
considérable dans l’estime de ses émules, sans être
goûlé par les connaisseurs éclairés, recherché par les
collectionneurs sérieux. A ce prix on se conciliait le
public, plus porté alors qu’aujourd’hui à ne pas con-
fondre les nobles plaisirs de l’esprit, les pures émo-
tions de l’âme, avec les divertissements des sens, les
distractions d’une curiosité blasée, ou les calculs d’une
spéculation intéressée. La faveur de l’administration
n’était que la suite et la consécration d’une situation
ainsi conquise. Picot fut chargé de travaux décoratifs
importants. Il peignit les deux remarquables plafonds
du musée égyptien au Louvre, et exécuta’pour le pa-
lais de Versailles des pages d’histoire et des plafonds
allégoriques. Ces premières œuvres de sa maturité se
recommandaient par la clarté ou la grâce de l'invention,
le sentiment des convenances, la simplicité du goût
et la limpidité de l’exécution, plutôt que par la pro-
fondeur de la pensée, le caractère dû dessin ou l’éner-
gie du pinceau. Elles contribuèrent à grandir la re-
nommée du jeune maître et lui ouvrirent en 1836 les
portes de l’Académie, où il remplaça Carie Vernet.

Sans avoir jamais tenté de forcer son talent, sans
avoir méconnu ce à quoi son organisation le rendait
propre, Picot avait gardé pourtant la sage ambition
d’élever et de grandir son style. C’était l’époque où
l’édilité parisienne eut la bonne inspiration et le mé-
rite d’appeler dans ses conseils des artistes et des ad-
ministrateurs joignant à l’amour du beau un esprit
cultivé, un goût formé dans l’étude des grands exem-
ples et dans la méditation sur la mission de l’art. Ils
avaient résolu, ce qui parut une hardiesse, de renoncer
à des habitudes invétérées et de ne plus faire suspen-
dre dans les monuments profanes ou religieux, sous
prétexte de les orner, des tableaux dont ni la compo-
sition, ni la dimension, ni la forme, n’avaient été dé-
terminées en vue de l’emplacement qu’ils devaient
occuper. La persévérance de ces hommes éclairés
transforma heureusement le système de décoration
monumentale. Des ouvrages conçus pour remplir un
cadre tracé par les lignes de l’architecture, composés
dans le style et exécutés sur les murs mêmes des mo-
numents, vinrent en achever l’harmonie. Picot prit
une part importante à la décoration des deux édifices
qui furent les premiers exemples de cette méthode
plus rationnelle, inaugurée sous les auspices de notre
confrère, le comte de Rambuteau, préfet de la Seine.
Son hémicycle de Notre-Dame de Lorette, son plafond
d’un des salons de l’IIôtel de Ville, témoignent des ef-
forts de Picot pour s’élever au niveau de cette tâche
nouvelle. C’est là qu’il conquit les titres qui lui firent
confier l’exécution des peintures de la basilique de
 
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