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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 4.1878 (Teil 3)

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Cérésole, Victor: La Ca d'Oro à Venise
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https://doi.org/10.11588/diglit.16910#0037

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26

L'ART.

palais dont les façades avenantes donnent de préférence du côté du Grand Canal,, sorte de fleuve
conduisant à l'Adriatique, cette mer jadis sillonnée par les galères de la République, qui rappor-
taient à la métropole toutes les denrées de l'Orient pour les échanger ensuite avec les produits
du Nord et de l'Occident.

Dans cette architecture « on reconnaît, dit un éminent critique l'homme du moyen âge,
qui, sur un fond classique importé, brode une décoration gothique originale; qui, raffiné ou troublé
par le christianisme, aime non plus le simple et l'uni, mais le complexe et le multiple ; qui a
besoin de remplir le champ de sa vision par la saillie et l'entrelacement de formes prodiguées,
par la nouveauté, le luxe et la recherche de l'ornementation capricieuse. »

Cette architecture ogivale vénitienne ne dérive point de l'ancien gothique lombard arrondi.
Elle tient plutôt du byzantin, à la fois plus riche et plus gracieuse que celui-ci. Fidèle à ses
origines, elle rappelle les constructions sarrazines du Midi, plutôt que le gothique du Nord. D'un
autre côté, nous ne pourrions point la classer dans le style byzantin, ni dans le style mauresque.
Disons plutôt que c'est du style ogival avec des réminiscences orientales, enrichi d'un grand
nombre de détails provenant du Levant.

Qui ne connaît le célèbre palais des Doges, commencé vers i^o par l'architecte Filippo
Calendario ? Il est assez difficile d'appliquer une critique indépendante à cet édifice, car sans
nous en rendre compte nous restons sous le charme de sa grandeur et de sa splendeur au double
point de vue historique et poétique.

La masse énorme de la partie supérieure de cet ancien palais, siège de la Sérénissime
République, c'est-à-dire le grand mur incrusté de losanges de marbre rose, a l'air d'écraser en
quelque sorte les deux étages de la galerie et du portique sur lesquels il repose. Voilà pourquoi
l'on a souvent pensé que ce portique inférieur, par suite de l'abaissement successif du sol de
cette partie de la lagune, avait dû subir un enfoncement proportionnel en perdant quelque chose
de sa hauteur. Toutefois des fouilles répétées à différentes époques semblent avoir prouvé que
cette hypothèse est erronée.

Un grand nombre de défauts, qui nous frappent dans les bâtiments de Venise, dit
M. Fergusson, proviennent de la connaissance imparfaite des principes de construction2, et M. Jacob
Burckhardt3, le savant critique bâlois, observe qu'ici encore se manifeste l'absence du sentiment
des proportions, qui ne peut se développer que là où l'architecte trouve un terrain solide et un
grand espace libre à sa disposition, ce qui assurément n'était point le cas dans les îlots de la
lagune de Venise.

Dans l'état actuel du palais des Doges, dont la partie supérieure semble avoir dû subir des
agrandissements pour les besoins des Conseils de la République, la partie inférieure ne nous
semble point proportionnée à la galerie du premier étage et encore moins au reste du palais ; il
faudrait ou bien que les colonnes en fussent plus épaisses, ou plus hautes et élancées. Quoi qu'il
en soit, la galerie supérieure en elle-même fait un effet merveilleux et n'a point d'égale dans le
monde entier comme galerie à jour dans le style du moyen âge. Aussi cet admirable édifice a
servi de type à la puissante architecture des palais qui florissaient au xivc et au xve siècle à
Venise. Le rez-de-chaussée ou plutôt l'étage à fleur d'eau était, dans les premiers siècles, destiné
de préférence à des dépôts de marchandises et aux affaires. De simples portes s'ouvraient du
côté des canaux pour les barques et gondoles ; exceptionnellement c'est parfois, comme à la
Cà d'Oro, une halle ouverte.

Dans les étages supérieurs, qui du temps du style byzantin n'avaient eu que des fenêtres à
arceaux arrondis reposant sur des colonnes, nous voyons, à l'époque du style ogival, une riche
décoration : au-dessus et entre les ogives se trouvent maintenant des rosettes à jour, faisant
encore partie de la fenêtre. Dans le milieu de l'édifice, correspondant à la grande salle qui

1. Henri Taine. Voyage en Italie. Paris, Hachette, 1874, 2» édition, tome II, page 274.

2. Fergusson, Hisiory of architecture in ail countries. (London, Murray, 1867.)

j. Jacob Burckhardt. Einleitung \um Genuss der Kunstwerke Italiens. (Leipzig, Seemann, 1869.)
 
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