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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 4.1878 (Teil 3)

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Cérésole, Victor: La Ca d'Oro à Venise
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https://doi.org/10.11588/diglit.16910#0038

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LA CA DORO A VENISE. 27

traverse tous les palais vénitiens, vient s'agglomérer une ligne de fenêtres semblables, formant
une grande loge, avec laquelle les fenêtres isolées, assez écartées des deux côtés, contrastent d'une
façon charmante. Cette partie centrale de la façade se compose presque toujours d'un nombre pair
de fenêtres (4, 6, 8), de manière qu'une colonne vient à tomber sur le milieu. Ajoutez à ce qui
précède l'ordonnance noble et variée de ces formes élégantes, la décoration des angles du palais
avec des colonnes tortillées ou en spirales, celle des parois avec des marbres de différentes
couleurs, des fenêtres dentelées de trèfles, ou coiffées d'ogives, des crénelures mauresques sur les
rebords du toit avec les caprices élégants de leurs arabesques, en un mot rien de nu, rien de
froid — et il en résultera un ensemble des plus gais et des plus gracieux.

Toutefois, hâtons-nous de le dire, il faut encore pour cette architecture légère et aérienne le
mirage de l'eau et la vie animée des canaux, — car, même à Venise, quand de semblables palais
sont construits sur de simples places fcampij, ils attirent beaucoup moins notre attention et
perdent de leur poésie : l'œil ne se rend plus bien compte de la raison d'être de tout ce luxe,
de toute cette prodigalité d'ornementation. Aussi un architecte sage se gardera-t-il bien d'imiter
un de ces palais en dehors de son atmosphère de couleur, d'intonation et d'harmonie locale.

L'édifice le plus élégant parmi les palais de ce genre est la Cà d'Oro à Santa Sofia de
Venise, dont nous offrons à nos lecteurs une reproduction parfaitement réussie, qui nous montre
dans quelles proportions ce style fait l'effet le plus heureux. Ici aucune réminiscence des édifices
du Nord de la même époque, aucune trace de toits à pignons et de hardis contre-forts verticaux !
Tout l'édifice est traversé par des lignes horizontales et chaque partie en est ornementée avec une
richesse fantastique, se rapprochant beaucoup plus du luxe raffiné de l'Orient que des qualités
viriles qui distinguent les constructions contemporaines de Bruges et de Nuremberg. Tout dans
cette façade est délicat et coquet. Ses ogives, ses trèfles et les quatre feuilles qui s'entre-croisent,
se serrent et se marient, ses bas-reliefs, ses médaillons et ses balcons à jour, les entre-lacs et
les arabesques qui encadrent ses fenêtres et courent le long des frises, les colonnettes qui
soutiennent les galeries et celles qui ourlent les encoignures, tout cela dans son ensemble est
d'un goût exquis.

C'est, dit M. Havard un pala\\ino de mille et une nuits, un abri, un asile, une retraite,
comme en peuvent rêver les amoureux de l'art, en un mot une petite merveille de l'écrin de
Calendario.

Bien que Zanotto 2 dans ses notes sur les palais de Venise prétende que la Cà dOro fut
bâtie par Calendario, nous n'avons à l'appui de cette assertion aucun document, et si nous compa-
rons les profils et le scarpello (les coups de ciseau) de la façade de la Cà d'Oro avec celle du Palais
des Doges, nous ne tarderons pas à y découvrir le caractère d'une époque postérieure, c'est-à-dire
des ornements moins bien dessinés et plus maniérés. Les plus belles parties sont les chapiteaux
des fenêtres de l'étage supérieur, sculptures des plus splendides du xiv" siècle. Les décorations
fantastiques des fenêtres sont d'une époque postérieure. Quelques moulures ont entièrement le
caractère byzantin, mais ressemblent quelque peu à une imitation.

M. le marquis P. Estense Selvatico3 s'étonne que dans une grande restauration faite il y une
trentaine d'années à ce précieux monument, alors propriété de la célèbre Taglioni, on ait rebâti
les fenêtres du pian-terreno en les accouplant sans aucune raison. N'aurait-il pas mieux valu, dit
cet éminent critique, ne faire qu'une seule fenêtre perpendiculaire aux deux supérieures, comme
nous l'indiquent les tables de l'ouvrage du comte Cicognara ? 4

Cette modification était sans doute exigée par la nouvelle propriétaire en vue des habitudes
de comfort qu'elle avait contractées à l'étranger. Ce comfort malheureusement manque presque
tout à fait dans les palais de Venise, qui visaient surtout à la grandeur et aux apparences

1. Henri Havard, Amsterdam et Venise. Paris, Pion et C", 1876.

i. Le Fabbriclic e i monumenti cospicui di Vene\ia, illustrati da Leopoldo Cicognara, etc., avec notes de Francesco Zanotto. Venise,
Antonelli, 1840. 2 vol.

3. P. Selvatico. Sulla architettura e sulla scultura in Vene^ia. — Venise, Ripamonti-Carpano, 1877.

4. Voir l'ouvrage cité plus haut, le Fabbriche, etc., etc.
 
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