Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art: revue hebdomadaire illustrée — 4.1878 (Teil 3)

DOI article:
Des galeries et des musées de Florence, [2]: Lettre à M. le Directeur de L'Art
DOI Page / Citation link: 
https://doi.org/10.11588/diglit.16910#0107

DWork-Logo
Overview
loading ...
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
DES GALERIES ET DES MUSÉES DE FLORENCE

LETTRE A M. LE DIRECTEUR DE L'ART
(suite et fin ')

Personne n'ignore la grande fécondité des peintres des xivc
et xvc siècles, et notamment primitifs, — comme on les appelle,
— qui ont dû, pour ainsi dire, multiplier leur activité créatrice
pour suffire aux besoins infinis du culte, servi par une foi
ardente et disposant de richesses inépuisables. Aussi eurent-
ils à décorer de fond en comble les églises et les couvents de
leurs fresques, et à les remplir de ces charmants triptyques à
compartiments étagés, à édicules formant couronnement, à gra-
dins, à piliers latéraux, le tout resplendissant des plus suaves
visions, noyées en une atmosphère d'or. Ce que l'on sait moins,
c'est qu'après l'avénement de la Renaissance en Italie, et surtout
postérieurement, l'art de plus en plus matérialiste, fier de ses
conquêtes et de sa science, jeta plus que du discrédit sur les
œuvres de l'école primitive ; tandis que bon nombre de fresques
de cette école, à commencer par celles de Giotto, étaient impi-
toyablement blanchies à la chaux, ses triptyques étaient assujettis
à une autre espèce de dégradation. Descendus de leurs autels, où
ils trônaient en forme de retable, pour faire place aux grandes
toiles des peintres que nous désignons sous le nom de Barocchi,
on n'hésita guère à en séparer les compartiments pour les
adapter à des usages secondaires, en passant des églises aux
sacristies, aux couloirs,aux cellules des monastères, et jusqu'aux
maisons des paysans ; en somme, de même que la famille de
l'esclave était naguère brutalement partagée au gré des acqué-
reurs, les membres disloqués de ces malheureux triptyques s'en
allaient cà et là dispersés, en butte aux plus barbares mutilations.
—• Notre galerie, dont le principal intérêt est dans la nombreuse
série des primitifs de l'école siennoise, est là pour témoigner
de ces coupables manœuvres par le nombre de ses triptyques
dépareillés et mutilés. Eh bien ! c'est parmi les nouveaux venus
que nous avons eu l'agréable surprise de retrouver plus d'un
fragment dont l'absence était le plus regrettée. Il est même des
fragments d'une même œuvre qui nous arrivent de différents
lieux, membres épars évoqués par la trompette d'un jugement
dernier d'une nouvelle espèce. Aussi s'est-on empressé de
rajuster ces membres d'un même corps et de les rappeler à une
nouvelle existence.

Les galeries et les musées de Florence, toute proportion
gardée, ont tout aussi peu recueilli de l'héritage des couvents. La
galerie des Offices compte néanmoins parmi ses acquisitions un
Cosimo Rosselli, un Mainardi, un Pesello, un Baccio Ubertini,
une Annonciation attribuée à Léonard, cinq tableaux de Lo-
ren^o Monaco, et les deux beaux reliquaires de la sacristie de
Sainte-Marie-Nouvelle, peints par Beato Angelico.

Mais les collections de Florence se recrutent à bien d'autres
sources, et depuis 1864 elles n'ont pas cessé de s'enrichir par
d'importantes acquisitions. Sans compter les bronzes et les terres
cuites dont la Société Colombaria a fait don au musée étrusque,
les fouilles de Montecchio en Val di Chiana lui ont fourni bon
nombre d'ustensiles et statuettes, tandis que des monnaies
étrusques et grecques ont comblé des lacunes du musée numis-
matique, qui s'est en outre enrichi de plusieurs aes-graves d'une
grande importance. L'un des objets les plus remarquables est
une armure complète en bronze provenant d'une nécropole
d'Orvieto. Elle se compose d'un casque très-bien conservé, affec-

tant la forme ovoïde de la tiare, avec un simple rebord frontal
et des jugulaires ; d'une double cuirasse mammelière et dossière
que l'on dirait, de même que les jambards, modelée avec un soin
extrême d'après le corps nu qui devait la revêtir ; et d'un bou-
clier parfaitement rond, légèrement convexe, et ayant 92 centi-
mètres de diamètre. Toutes ces pièces sont d'un travail exquis
et présentent de nombreuses traces de dorure.

Mais de tous les monuments de l'art étrusque dont ce
musée s'est récemment enrichi, le plus important est sans aucun
doute le magnifique sarcophage que l'État vient d'acheter à
M. Casuccini, qui en automne dernier, eut la bonne fortune de
découvrir dans une de ses terres à un kilomètre de Chiusi, un
tombeau de six chambres, dont l'une parfaitement intacte et
inexplorée. C'est là que gisait depuis plus de vingt siècles ce
merveilleux sarcophage en terre cuite artistement colorié. Il
mesure en longueur im, 64, en hauteur om, 62. La face anté-
rieure se partage en quatre compartiments à rosettes plastiques
s'enlevant sur un fond rouge foncé. Mais puis-je m'attarder à
en décrire en détail la décoration lorsque le regard en est néces-
sairement distrait par la vue de cette jeune femme au regard
expressif et quelque peu attristé qui, couchée sur son cercueil,
appuyée sur un double coussin, est vêtue avec une recherche
qui atteste sa qualité aristocratique ? De sa main gauche elle
tient négligemment un miroir bleu aux ornements couleur
d'or. Sa main droite soulève le manteau aux plis souples dont
elle est drapée de la tête aux pieds. Elle est pâle, mais d'une
pâleur délicate qui rehausse l'éclat de ses grands yeux noirs
mélancoliques. L'inscription nous le dit : c'est Larthia, de la
noble famille des Séjans, de ce Séjan, prœfectus prœtorio de
Tibère, que nous savons originaire d'Étrurie. L'as romain trouvé
près du squelette (bientôt tombé en poudre) appartient au
système uncial introduit en l'année 217 avant J.-C. Le sar-
cophage et les objets de toilette en argent répandus à l'entour
ne sont donc pas antérieurs à cette date.

A l'intérêt artistique se joint ici au plus haut degré l'intérêt
scientifique. L'art grec et romain sacrifiait aux lois de l'esthétique
les détails réels du costume qu'il n'hésitait point à simplifier.
Les renseignements qu'il nous refuse à cet égard, l'art étrusque
nous les fournit presque toujours. Le merveilleux monument
que le tombeau de Chiusi nous a conservé tient désormais à ce
point de vue une des premières places. Tous les moindres dé-
tails du vêtement et des ornements y sont exactement reproduits
par la plastique et la peinture. Ce vêtement se compose d'un
manteau et de deux tuniques blanches. La tunica superior est
ornée, sur les côtés, de trois bandes, une bande verte centrale et
deux violacées. Cette tunique, ouverte sur la poitrine, laisse voir
la tunica interior bordée d'un ourlet vert. Une large bande vio-
lette à liserés verts borde le manteau. Les pieds mignons de
Larthia Séjana portent des bas violacés qui ne laissent à découvert
que les trois doigts du milieu, et des sandales à courroies d'un
vert pâle ornées de boutons couleur d'or. Sa taille fine est serrée
par une ceinture également d'or décorée de disques enrichis
d'une pierre fine rouge, rubis ou grenat, et d'emblèmes de la
foudre de Jupiter. Une demi-couronne de fleurs en forme de
diadème encadre son joli visage. Cette couronne est couleur d'or

i. Voir l'Art, 4e année, tome III, page 69.
 
Annotationen