EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1878.
LES BEAUTÉS DU CATALOGUE OFFICIEL
1
L'Art a publié, page 166 du présent volume, quelques li-
gnes de verte critique à l'adresse du rédacteur du Catalogue
officiel, parce que la troisième édition continue comme ses de-
vancières à ne mentionner ni le nom, ni les oeuvres de M. Eu-
gène Guillaume. L'éminent statuaire a été réduit, tout directeur
des Beaux-Arts qu'il est, à faire attacher, en présence de cet
oubli persistant, sur chacune de ses sculptures un carré de papier
mentionnant leur auteur et le sujet. J'étais allé m'assurer de mes
deux yeux de cette énormité, et le hasard m'a fait assister à une
petite scène dont je me suis empressé de tirer profit : un étran-
ger qui étudie l'Exposition dans ses moindres détails et tient à
la posséder complètement, expliquait à une des vendeuses des
catalogues officiels qu'il avait, à son arrivée, acheté la première
édition; elle était plus qu'incomplète et criblée d'erreurs
qu'il avait mises sur le compte de la précipitation ; plus tard, il
s'était donné la seconde édition qu'on lui avait dit être parfaite-
ment corrigée, et il s'était trouvé qu'elle valait tout juste la pre-
mière; il exposait avec le plus grand calme à la marchande, et
presque en s'excusant, tant il y mettait d'extrême politesse, que
cela l'avait'forcé à acheter un tas de catalogues étrangers, beau-
coup plus soignés et moins chers, et que cependant il tenait à
remporter au pays natal la vraie bonne édition bien complète,
bien correcte, du Catalogue officiel publié par le Commissariat
général, qu'il voyait la troisième édition en vente et qu'il hési-
tait à l'acquérir, craignant fort une déception nouvelle. La brave
femme, exaspérée, s'écria que l'édition était la perfection même,
que les étrangers n'avaient publié des catalogues spéciaux que
par esprit de dénigrement pour empêcher la vente du grand ca-
talogue français qu'elle jura cette fois irréprochable, tant et si
bien que notre homme se laissa séduire derechef. Je fis naïvement
comme lui, avec cette circonstance atténuante que je ne me
chargeai que du premier volume, — celui consacré aux Beaux-
Arts, — mais je n'en fus pas moins, comme lui, affreusement
volé. Je ne sais si la cargaison de ses sept autres volumes est plus
consciencieuse, mais d'après ce que je vais vous prouver du pre-
mier, je crains fort que vous ne vous écriiez : Ab uno disce omnes.
II
Avant d'aller plus loin, une très-indispensable parenthèse
Je ne viens point faire acte de dénigrement, mais acte utile. Per-
sonne n'a plus que moi, je n'hésite pas à l'affirmer, le fanatisme
de l'Exposition; c'est une œuvre superbe, grandiose, élevée, ins-
tructive au possible, profondément savante dans ses multiples
attraits, bien autrement féconde que toutes ses devancières, le
plus noble spectacle que puisse donner une nation, et qui ho-
nore au plus haut degré le pays si cruellement éprouvé, qui a
osé concevoir, malgré ses blessures encore saignantes, cette
gigantesque entreprise, et le commissaire général, M. Krantz,
l'illustre ingénieur qui l'a si rapidement et si victorieusement
menée à bonne fin.
Mais c'est précisément parce que je pense tout cela que je
souffre plus vivement des moindres défauts de cette splendide
création, surtout quand ce sont des défauts qu'il était très-aisé
d'éviter. Je n'entends point me mêler au chœur des tristes dé-
tracteurs de M. Krantz; je les tiens pour de fort mauvais Français,
de déplorables patriotes et de fort piètres sires. Ce que je veux,
c'est aider à réparer ce qui est facilement réparable, en signalant
ce qui ne saurait être trop légitimement critiqué, eten faisant sévir
contre qui doit nécessairement être responsable d'un état de
choses des plus fâcheux. J'ai cité tout à l'heure M. Guillaume;
il n'a, lui, pas hésité un instant à donner, dès les premiers jours
de sa nomination, un rude coup de balai dans les étables d'Au-
gias, en exigeant que désormais les employés de sa direction
fussent toujours exacts à leur poste, en vertu de ce principe que,
rétribués par les contribuables, ils ont pour premier devoir de
remplir ponctuellement les fonctions pour lesquelles ils sont
payés, au lieu de flâner à qui mieux mieux de droite et de gau-
che, comme trop de ces messieurs en avaient contracté la douce
et persévérante habitude.
Avant de quitter M. Guillaume, félicitons-le respectueuse-
ment de la nouvelle preuve de dignité etde la leçon qu'il a données
par le premier acte qu'il a posé : il s'est immédiatement nommé
un successeur à la direction de l'École nationale des Beaux-
Arts, tandis que son prédécesseur qui avait eu grand soin de ne
pas se remplacer au Musée du Luxembourg, y a tout bonne-
ment repris son poste de conservateur.
Il y a au Commissariat général, un monsieur quelconque
chargé de la rédaction du Catalogue officiel, de son impression
et de sa publication; ce monsieur est payé par la nation pour
être un des bras droits de M. Krantz qui doit avoir confiance
en lui et se reposer sur son dévouement à l'œuvre commune
pour en obtenir dans sa sphère d'action un résultat parfaitement
satisfaisant. On va pouvoir juger si oui ou non on est volé par
ce monsieur comme dans une forêt de Bondy, et si le pays et les
acheteurs en ont pour leur argent.
III
Le Catalogue officiel sort des presses de l'Imprimerie Na-
tionale, et il ne peut ni comme soins typographiques, ni comme
papier, ni comme aspect général, ni comme prix, supporter un
seul instant la comparaison avec bon nombre des catalogues pu-
bliés par les Commissariats étrangers, avec les excellents Catalo-
gues anglais, par exemple, pour ne citer que ceux-là. Si nous
abordons la rédaction, c'est mille fois pis encore ; elle est tout
simplement scandaleuse et il n'est pas permis de mettre en vente
à la fin du mois d'août sous prétexte de troisième édition, quelque
chose d'aussi abominablement informe. Les preuves abondent.
Jugez-en par ces quelques spécimens :
i° Le Catalogue officiel anglais mentionne 164 aquarelles,
le Catalogue publié par le Commissariat général en indique 165;
résultat des plus agréables pour ceux qui visitent la section an-
glaise en ne consultant que ce dernier Catalogue : tous les nu-
méros y sont mal indiqués, du n° 85 au n° 165 !
2° Même agrément pour les dessins anglais, celui de M. P.
Sidney Hall • ayant été omis dans le grand Catalogue français,
tous les numéros y sont intervertis et ce qui appartient à Pierre
y est absurdement attribué à Paul !!
3» Même gâchis pour l'architecture anglaise; 171 numéros
dans le Catalogue anglais ; 170 seulement au nôtre dont le ré-
dacteur a passé le n« 38, New Divinity Schools, Cambridge, de
M. Basil Chimpneys, pour en gratifier le St Mark's Church,
Leicester, de M. E. Christian, dont le vrai numéro est 39!
4° Pour la gravure, c'est de plus fort en plus fort,— comme
chez Nicolet ; — il y a 42 numéros pour les exposants anglais;
1. N° 169 du Catalogue of tlie British Section, Part I, page 2.9.
LES BEAUTÉS DU CATALOGUE OFFICIEL
1
L'Art a publié, page 166 du présent volume, quelques li-
gnes de verte critique à l'adresse du rédacteur du Catalogue
officiel, parce que la troisième édition continue comme ses de-
vancières à ne mentionner ni le nom, ni les oeuvres de M. Eu-
gène Guillaume. L'éminent statuaire a été réduit, tout directeur
des Beaux-Arts qu'il est, à faire attacher, en présence de cet
oubli persistant, sur chacune de ses sculptures un carré de papier
mentionnant leur auteur et le sujet. J'étais allé m'assurer de mes
deux yeux de cette énormité, et le hasard m'a fait assister à une
petite scène dont je me suis empressé de tirer profit : un étran-
ger qui étudie l'Exposition dans ses moindres détails et tient à
la posséder complètement, expliquait à une des vendeuses des
catalogues officiels qu'il avait, à son arrivée, acheté la première
édition; elle était plus qu'incomplète et criblée d'erreurs
qu'il avait mises sur le compte de la précipitation ; plus tard, il
s'était donné la seconde édition qu'on lui avait dit être parfaite-
ment corrigée, et il s'était trouvé qu'elle valait tout juste la pre-
mière; il exposait avec le plus grand calme à la marchande, et
presque en s'excusant, tant il y mettait d'extrême politesse, que
cela l'avait'forcé à acheter un tas de catalogues étrangers, beau-
coup plus soignés et moins chers, et que cependant il tenait à
remporter au pays natal la vraie bonne édition bien complète,
bien correcte, du Catalogue officiel publié par le Commissariat
général, qu'il voyait la troisième édition en vente et qu'il hési-
tait à l'acquérir, craignant fort une déception nouvelle. La brave
femme, exaspérée, s'écria que l'édition était la perfection même,
que les étrangers n'avaient publié des catalogues spéciaux que
par esprit de dénigrement pour empêcher la vente du grand ca-
talogue français qu'elle jura cette fois irréprochable, tant et si
bien que notre homme se laissa séduire derechef. Je fis naïvement
comme lui, avec cette circonstance atténuante que je ne me
chargeai que du premier volume, — celui consacré aux Beaux-
Arts, — mais je n'en fus pas moins, comme lui, affreusement
volé. Je ne sais si la cargaison de ses sept autres volumes est plus
consciencieuse, mais d'après ce que je vais vous prouver du pre-
mier, je crains fort que vous ne vous écriiez : Ab uno disce omnes.
II
Avant d'aller plus loin, une très-indispensable parenthèse
Je ne viens point faire acte de dénigrement, mais acte utile. Per-
sonne n'a plus que moi, je n'hésite pas à l'affirmer, le fanatisme
de l'Exposition; c'est une œuvre superbe, grandiose, élevée, ins-
tructive au possible, profondément savante dans ses multiples
attraits, bien autrement féconde que toutes ses devancières, le
plus noble spectacle que puisse donner une nation, et qui ho-
nore au plus haut degré le pays si cruellement éprouvé, qui a
osé concevoir, malgré ses blessures encore saignantes, cette
gigantesque entreprise, et le commissaire général, M. Krantz,
l'illustre ingénieur qui l'a si rapidement et si victorieusement
menée à bonne fin.
Mais c'est précisément parce que je pense tout cela que je
souffre plus vivement des moindres défauts de cette splendide
création, surtout quand ce sont des défauts qu'il était très-aisé
d'éviter. Je n'entends point me mêler au chœur des tristes dé-
tracteurs de M. Krantz; je les tiens pour de fort mauvais Français,
de déplorables patriotes et de fort piètres sires. Ce que je veux,
c'est aider à réparer ce qui est facilement réparable, en signalant
ce qui ne saurait être trop légitimement critiqué, eten faisant sévir
contre qui doit nécessairement être responsable d'un état de
choses des plus fâcheux. J'ai cité tout à l'heure M. Guillaume;
il n'a, lui, pas hésité un instant à donner, dès les premiers jours
de sa nomination, un rude coup de balai dans les étables d'Au-
gias, en exigeant que désormais les employés de sa direction
fussent toujours exacts à leur poste, en vertu de ce principe que,
rétribués par les contribuables, ils ont pour premier devoir de
remplir ponctuellement les fonctions pour lesquelles ils sont
payés, au lieu de flâner à qui mieux mieux de droite et de gau-
che, comme trop de ces messieurs en avaient contracté la douce
et persévérante habitude.
Avant de quitter M. Guillaume, félicitons-le respectueuse-
ment de la nouvelle preuve de dignité etde la leçon qu'il a données
par le premier acte qu'il a posé : il s'est immédiatement nommé
un successeur à la direction de l'École nationale des Beaux-
Arts, tandis que son prédécesseur qui avait eu grand soin de ne
pas se remplacer au Musée du Luxembourg, y a tout bonne-
ment repris son poste de conservateur.
Il y a au Commissariat général, un monsieur quelconque
chargé de la rédaction du Catalogue officiel, de son impression
et de sa publication; ce monsieur est payé par la nation pour
être un des bras droits de M. Krantz qui doit avoir confiance
en lui et se reposer sur son dévouement à l'œuvre commune
pour en obtenir dans sa sphère d'action un résultat parfaitement
satisfaisant. On va pouvoir juger si oui ou non on est volé par
ce monsieur comme dans une forêt de Bondy, et si le pays et les
acheteurs en ont pour leur argent.
III
Le Catalogue officiel sort des presses de l'Imprimerie Na-
tionale, et il ne peut ni comme soins typographiques, ni comme
papier, ni comme aspect général, ni comme prix, supporter un
seul instant la comparaison avec bon nombre des catalogues pu-
bliés par les Commissariats étrangers, avec les excellents Catalo-
gues anglais, par exemple, pour ne citer que ceux-là. Si nous
abordons la rédaction, c'est mille fois pis encore ; elle est tout
simplement scandaleuse et il n'est pas permis de mettre en vente
à la fin du mois d'août sous prétexte de troisième édition, quelque
chose d'aussi abominablement informe. Les preuves abondent.
Jugez-en par ces quelques spécimens :
i° Le Catalogue officiel anglais mentionne 164 aquarelles,
le Catalogue publié par le Commissariat général en indique 165;
résultat des plus agréables pour ceux qui visitent la section an-
glaise en ne consultant que ce dernier Catalogue : tous les nu-
méros y sont mal indiqués, du n° 85 au n° 165 !
2° Même agrément pour les dessins anglais, celui de M. P.
Sidney Hall • ayant été omis dans le grand Catalogue français,
tous les numéros y sont intervertis et ce qui appartient à Pierre
y est absurdement attribué à Paul !!
3» Même gâchis pour l'architecture anglaise; 171 numéros
dans le Catalogue anglais ; 170 seulement au nôtre dont le ré-
dacteur a passé le n« 38, New Divinity Schools, Cambridge, de
M. Basil Chimpneys, pour en gratifier le St Mark's Church,
Leicester, de M. E. Christian, dont le vrai numéro est 39!
4° Pour la gravure, c'est de plus fort en plus fort,— comme
chez Nicolet ; — il y a 42 numéros pour les exposants anglais;
1. N° 169 du Catalogue of tlie British Section, Part I, page 2.9.