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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 4.1878 (Teil 3)

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Courajod, Louis: Germain Pilon et le tombeau de Birague
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https://doi.org/10.11588/diglit.16910#0268

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236

L'ART.

par devant lesdits notaires. Ce mercredi dix huictiesme jour
de may l'an mil cinq cens quatre vingz et huict.

« Manchevelle. — Desguatrevoulx. '»

Un des plus beaux monuments du Musée de la Renaissance,
au Louvre, est dans le même cas que les deux mausolées précé-
demment cités. Je veux parler de la figure en bronze de René
Birague. Grâce à Dieu, on n'a jamais douté absolument de son
illustre provenance. L'œuvre proclamait suffisamment son au-
teur, et toutes les collections qui l'ont possédée, tous les catalo-
gues 2 qui l'ont décrite^ l'ont donnée à Germain Pilon avec une
touchante unanimité. Mais la preuve de cette attribution tradi-
tionnelle, si raisonnée, si judicieuse, n'a jamais été établie judi-
ciairement et pourrait être, au premier jour, imprudemment
discutée. La sculpture dont il s'agit est conçue si largement ; le
style en est tellement grandiose, qu'on aurait pu, contrairement
à la vérité, en l'opposant à quelques œuvres plus superficielles
du môme maître, hésiter sur leur origine commune. D'ailleurs
une légère inquiétude s'est glissée dans quelques esprits depuis
la publication des très-curieux documents découverts par M. le
baron Pichon 3, sans que cependant leur éditeur ait le moins du
monde exagéré la portée de sa révélation, ni encouragé ce pyr-
rhonisme intempestif. Pour couper court à tout, — et sans faire
tort à l'autorité des savants qui a suffi jusqu'à ce jour à défendre la
vérité,— je demande la permission de transporter la question sur
un nouveau terrain où les surprises ne sont pas à craindre. Nous
quitterons donc le musée et tout ce qui peut enflammer l'imagi-
nation, pour nous rendre dans l'étude de deux notaires d'autrefois
que rien n'influencera en dehors des preuves matérielles et dont
la raison, armée d'indifférence, saura résister à toutes les sugges-
tions d'un objet d'art. L'affaire se traitera là avec toutes les ga-
ranties que pourrait exiger un bon père de famille, comme s'il
s'agissait d'un grand lézard rempli de foin ou d'un prêt sur gage.
Nous interrogerons les graves tabellions. Leurs déclarations font
foi en justice, et d'avance nous acceptons leur verdict. Il n'est
pas inutile après tout de leur faire confirmer la sentence des éru-
dits. Pour la foule, pauvre témoignage que celui d'un savant !
C'est bien autre chose de la griffe d'un notaire.

Le cardinal René Birague mourut à Paris, dans le prieuré de
Sainte-Catherine du Val des Ecoliers, le 24 novembre 1583. Il fut
inhumé dans la chapelle qu'il possédait en l'église de ce couvent,
avec une pompe extraordinaire 4 , non loin du tombeau que,
avant d'entrer dans les ordres, il avait élevé à sa femme Valen-
tine Balbiani. Aussitôt après la mort de René Birague, ses
héritiers, la marquise de Nesle, sa fille, et le commandeur César
de Birague, son parent, s'occupèrent de lui faire ériger un mau-
solée. Ils s'adressèrent à Germain Pilon et passèrent avec lui un
contrat pour l'exécution du monument. Un dessin fut remis par
Pilon, approuvé par les héritiers, signé et parafé ne varietur
par deux notaires. Ce dessin existe encore et se trouve conservé
au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale 5,
où mon ami M. G. Duplessis me l'a obligeamment signalé. On lit
au verso :

« Le présent desseing a esté signé et parraphé par les notaires
soubssignez suivant le contract et marché fait par Germain Pillon

avec madame la marquise de Nesle et monsieur le commandeur
de Birague ci-présent.

« Fait et passé par devant les notaires soubssignez ne varietur.

« Fait ce premier jour de febvrier mil Vc quatre vingt
quatre.

« Le Rossignol. — Goguyer. »

Il n'est pas nécessaire d'insister sur la valeur d'un semblable
document. Désormais l'attribution de la figure de Birague à Ger-
main Pilon est légalement certaine. Elle serait, au besoin, procla-
mée par le premier venu des juges de paix. Raphaël Pilon,
comme l'avait bien compris M. le baron PicSion °, n'a fait qu'ai-
der son père. Nous connaissons de plus quelle fut, dans toute sa
magnificence primitive, la sépulture du chancelier. La mauvaise
gravure qui accompagne les Antiquité^ et singularité^ de Paris,
liv. second, recueillies par Jean Rabel, Maître peintre (Paris,
1588, p. 104), ne pouvait pas en donner une idée suffisante. Si
Nicolas Bonfons, vraisemblablement bien informé, nous avait
appris dans' les Antiquité^, croniques et singularités de Paris
(Paris, 1586, fol. 93, verso), que le tombeau fut achevé au mois
de juin 1585, nous savons à présent qu'il fut commencé en fé-
vrier 1584.

Vers 1760 environ, si nous en croyons Piganiol de la
Force ou son continuateur7, on commença à porter la main
sur le monument de Pilon. « Depuis quelques années », dit la
Description de Paris, « on en a enlevé la plupart des ornemens
de bronze pour en orner le tabernacle du maître-autel de cette
église », et, d'après Mercier de Saint-Léger, le tombeau de
Valentine Balbiani, longtemps distinct et séparé, en fut rappro-
ché 8. C'était le prélude de bien d'autres attentats. Déplacé une
première fois lors de la suppression de l'église de Sainte-
Catherine du Val des Ecoliers en 1783 9, pour l'ouverture
d'un marché, porté aux Grands-Jésuites, devenus l'église Saint-
Paul-Saint-Louis, ce mausolée y fut reconstruit dans la première
chapelle à main droite 10 et réuni encore une fois au tombeau de
Valentine Balbiani.

Survient la Révolution. Démoli et mutilé, le tombeau
reprend le cours de ses pérégrinations, et arrive au dépôt des
Petits-Augustins. « Le 8 dudit [floréal an II] », dit Lenoir
dans son Journal, reçu du citoyen Scellier, de Saint-Louis-
la-Culture, la statue à genoux et en bronze du chancelier
Birague, par Germain Pilon. — Deux vases et deux enfans en
marbre venant du même tombeau. »

« Le 11, reçu , de Saint-Louis-de-la-Culture , plusieurs
moyennes colonnes cassées en marbre rance et noir.

« Ledit [21 floréal], reçu, de Saint-Louis-la-Culture, la statue
couchée et en marbre de Balbiani, femme du chancelier Birague.
La main et le nez de cette statue ont été cassés. Plus, un bas-re-
lief en marbre représentant la même femme en état de mort; le
tout par Germain Pilon.

« Le 23 [floréal], reçu, de Saint-Louis-de-la-Culture, un ange
en cuivre doré et plusieurs autres débris de cuivre provenant de
divers tombeaux.

« Ledit [26 floréal], reçu, de Saint-Louis-la-Culture, deux
anges en bronze et plusieurs débris de cuivre, comme vases et
autres ornements aussi en cuivre. »

t. Bulletin archéologique publié par le Comité historique des arts et des monuments, tome II, page 575.

2. Catalogue du Musée des monuments français, de Lenoir, n« 108. — Description des sculptures du moyen âge, de la renaissance et des temps modernes.
Dernière édition, n° 117.

3. Mémoire pour servir à l'histoire de Germain Pillon, sculpteur du roi, par le baron Pichon. Extrait des Mélanges des bibliophiles français. Paris, 1860,
p. 14. On y lit dans une déposition de Raphaël Pilon, fils de Germain Pilon : « Et lui dict ledit Gallias ces choses lorsque ledict depposant travaillait à la sépul-
ture de feu M. le cardinal de Birague, en l'église de Sainte-Catherine du Val des Ecoliers de ceste dicte ville. »

4. Voir dans Sauvai [Antiquités de Paris, tome III, preuves, p. 27) le récit des obsèques du cardinal de Birague d'après les registres du Parlement.

5. Bibliothèque nationale, département des Manuscrits, ordre du Saint-Esprit, I. 1578. — Clairambaut, 1111, fol. 240 verso.

6. Mémoire pour servir à l'histoire de Germain Pillon, p. 12.

7. Description de Paris, 176J, tome IV, p. 417 et suiv.

8. Journal des Savants, avril 1784, p. 239.

9. Notice sur les tombeaux transférés en iy83 de Sainte-Catherine du Val des Ecoliers à Saint-Louis des Jésuites, par l'abbé Mercier, abbé de Saint-Léger
de Soissons. Dans le Journal des Savants, avril 1784, p. 238 à 240.

10. Baron de Guilhermy, Inscriptions de la France, tome I, p. 529.
 
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