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Ménard, Louis: La sculpture au Salon de 1878, [1]
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2?6 L'ART.
tant de la rigoureuse tradition classique; mais M. Guillaume est essentiellement un Florentin de la
Renaissance, et c'est sous l'influence de l'esthétique florentine qu'il a conçu et exécuté son œuvre
qui nous apparaît comme une figure allégorique de la poésie inspirée et civilisatrice.
h'Arion de M. Engrand ressemble beaucoup à YOrphée de M. Guillaume, et sa nudité est
justifiée par le bain forcé qu'il vient de prendre. Il paraît de plus qu'il était aussi habile comme
acrobate que comme musicien, car il se tient debout sur le dos glissant de son dauphin avec
autant d'aisance qu'un ténor devant la rampe d'un théâtre. M. Hiolle avait rendu l'anecdote moins
invraisemblable en faisant asseoir l'artiste à califourchon sur le cétacé dilettante , d'après un
motif souvent reproduit sur les monnaies des Tarentins.
M. Decorchemont est élève de M. Millet et un élève qui sera digne du maître. Il a sans
doute beaucoup étudié la Cassandre exposée par M. Millet l'année dernière, car il a donné le
même mouvement à son Oreste. Seulement M. Millet avait poussé un peu trop loin le dédain de
la chronolQgie en mettant sur le cippe qu'embrasse Cassandre, au lieu d'une idole archaïque, la
fameuse statuette de Turin qui est une réduction de l'Athénè de Phidias. M. Decorchemont a
placé devant son Oreste une imitation de l'Apollon de Canachos, qui est d'un art plus primitif.
L'anachronisme est ramené à des proportions acceptables ; comme on ne connaît pas de statues
de l'époque héroïque, il faut bien se contenter de ce qu'on a.
Il y a des qualités sérieuses dans le Défi de M. Delhomme, dans la Sentinelle gauloise de
M. Irvoy, dans Y Athlète de M. de Vasselot, quoique la tête soit tout à fait inexpressive ; il est vrai
que, malgré l'adage Mens sana in corpore sano, les athlètes de profession ne passaient pas pour
des hommes bien intelligents. Le Prométhée ravisseur du feu de M. Michel, le Premier inventeur
de M. Bailly, le Persée de M. de Vauréal qui tient la tête de la Gorgone en détournant les yeux,
de peur d'être changé en pierre, sont également de bonnes études de nu. L'enlèvement de
Ganymède de M. Turcan est d'un mouvement heureux, mais les formes de l'adolescent ne sont pas
assez jeunes. Il y a encore d'autres groupes savamment composés, par exemple l'Enfance de Jupiter
par M. Gaudez, Héro et Léandre par M. Bourgeois, un centaure portant une bacchante sur sa
croupe, par M. Le Duc, qui s'est inspiré d'une peinture d'Herculanum ; malheureusement ce groupe
ne se présente bien que d'un côté, mais il faut reconnaître que, du bon côté, Centaure et
Bacchante sont enlevés de verve.
Louis Ménard,
Docteur ès-lettres.
(La fin prochainement.)
La Sculpture.
Composition de Galland, dessin de Scott, gravure de Froment
tant de la rigoureuse tradition classique; mais M. Guillaume est essentiellement un Florentin de la
Renaissance, et c'est sous l'influence de l'esthétique florentine qu'il a conçu et exécuté son œuvre
qui nous apparaît comme une figure allégorique de la poésie inspirée et civilisatrice.
h'Arion de M. Engrand ressemble beaucoup à YOrphée de M. Guillaume, et sa nudité est
justifiée par le bain forcé qu'il vient de prendre. Il paraît de plus qu'il était aussi habile comme
acrobate que comme musicien, car il se tient debout sur le dos glissant de son dauphin avec
autant d'aisance qu'un ténor devant la rampe d'un théâtre. M. Hiolle avait rendu l'anecdote moins
invraisemblable en faisant asseoir l'artiste à califourchon sur le cétacé dilettante , d'après un
motif souvent reproduit sur les monnaies des Tarentins.
M. Decorchemont est élève de M. Millet et un élève qui sera digne du maître. Il a sans
doute beaucoup étudié la Cassandre exposée par M. Millet l'année dernière, car il a donné le
même mouvement à son Oreste. Seulement M. Millet avait poussé un peu trop loin le dédain de
la chronolQgie en mettant sur le cippe qu'embrasse Cassandre, au lieu d'une idole archaïque, la
fameuse statuette de Turin qui est une réduction de l'Athénè de Phidias. M. Decorchemont a
placé devant son Oreste une imitation de l'Apollon de Canachos, qui est d'un art plus primitif.
L'anachronisme est ramené à des proportions acceptables ; comme on ne connaît pas de statues
de l'époque héroïque, il faut bien se contenter de ce qu'on a.
Il y a des qualités sérieuses dans le Défi de M. Delhomme, dans la Sentinelle gauloise de
M. Irvoy, dans Y Athlète de M. de Vasselot, quoique la tête soit tout à fait inexpressive ; il est vrai
que, malgré l'adage Mens sana in corpore sano, les athlètes de profession ne passaient pas pour
des hommes bien intelligents. Le Prométhée ravisseur du feu de M. Michel, le Premier inventeur
de M. Bailly, le Persée de M. de Vauréal qui tient la tête de la Gorgone en détournant les yeux,
de peur d'être changé en pierre, sont également de bonnes études de nu. L'enlèvement de
Ganymède de M. Turcan est d'un mouvement heureux, mais les formes de l'adolescent ne sont pas
assez jeunes. Il y a encore d'autres groupes savamment composés, par exemple l'Enfance de Jupiter
par M. Gaudez, Héro et Léandre par M. Bourgeois, un centaure portant une bacchante sur sa
croupe, par M. Le Duc, qui s'est inspiré d'une peinture d'Herculanum ; malheureusement ce groupe
ne se présente bien que d'un côté, mais il faut reconnaître que, du bon côté, Centaure et
Bacchante sont enlevés de verve.
Louis Ménard,
Docteur ès-lettres.
(La fin prochainement.)
La Sculpture.
Composition de Galland, dessin de Scott, gravure de Froment