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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 4.1878 (Teil 3)

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Ménard, Louis: La sculpture au Salon de 1878, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.16910#0289

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LA SCULPTURE AU SALON DE 1878. 277

que sa croupe se dresse en l'air d'une façon disgracieuse. 11 ne suffit pas qu'une attitude soit
possible, il faut qu'elle soit normale, et l'homme n'est pas fait pour courber sa tête au niveau
du sol. La silhouette est ce qu'il y a de plus important en sculpture comme en architecture.
Voilà déjà longtemps qu'on reproche aux architectes de l'oublier, que deviendrons-nous si l'on est
obligé de faire le même reproche aux sculpteurs?

Les partisans du réalisme à outrance doivent être satisfaits de la statue de M. Albano,
représentant, non pas la Vieillesse, quoi qu'en dise le livret, mais un vieillard particulièrement
laid. Ses clavicules forment des salières, ses chairs sont flasques, sa peau plissée comme un
chiffon ; l'artiste ne nous fait pas grâce d'une ride. Quant à la tête, elle ressemble au buste de
M. de Girardin par MIle Sarah Bernhardt. Mais au moins, ce buste n'est qu'un buste ; si on
demandait à M. de Girardin de poser pour l'ensemble, il résisterait, comme Voltaire a résisté à
Pigalle. Il est vrai que Pigalle n'a pas cédé, car les réalistes ont toujours été entêtés. Il a fait
un chef-d'œuvre, me dira-t-on, soit, mais ce chef-d'œuvre est déplaisant à voir. Voltaire lui disait :
Si vous voulez faire du nu, copiez plutôt une jolie femme
que mon vieux squelette. Il avait raison ; un vieillard
n'est pas obligé d'être beau, mais il a le droit de garder
ses habits. Dans l'Iliade, ce qui tourmente le vieux
Priam quand il songe à sa mort prochaine, c'est la crainte
que son cadavre soit exposé nu à tous les regards.
Hâtons-nous de reconnaître, pour ce qui concerne
M1,e Sarah Bernhardt, que si ses deux bustes manquent
encore d'ossature, les progrès de la vaillante artiste sont
indiscutables. Elle saisit la ressemblance avec un rare
bonheur. Ses bustes sont vivants. Peut-être sont-ils d'un
peintre plutôt que d'un sculpteur. A ce point de vue ils
sont d'un bon augure, puisque M1Ie Sarah Bernhardt, non
contente de ses triomphes dramatiques et des applaudis-
sements qui ont accueilli ses brillants essais dans la
statuaire, demande maintenant à l'art de peindre des
sensations nouvelles en attendant de nouveaux succès.
Espérons que nous verrons une de ses toiles au prochain
Salon.

Les jeux sacrés et les gymnases avaient familiarisé
les Grecs avec l'emploi de la nudité dans l'art, non pour
les figures de femmes, qui, sauf l'exception d'Aphroditè
marine et des Charités', étaient toujours vêtues, mais
pour les représentations d'athlètes, et par suite pour les
Héros et les Dieux. M. Guillaume a-t-il eu raison d'attribuer cette nudité athlétique à un poëte ?
Il y a une mosaïque où l'on voit Orphée revêtu de la longue robe de citharède, qui était le cos-
tume traditionnel des poètes, comme le prouvent les bas-reliefs choragiques, l'Apollon Musagète
du Vatican et le Dionysos Musagète de Berlin, si maladroitement restauré en Achille à Scyros.
D'autre part, il existe une pierre gravée qui représente Orphée nu. L'éminent artiste avait bien
le droit de choisir. D'ailleurs la figure de M. Guillaume est belle, quoique un peu maigre, —
les poètes n'ont jamais été replets, — et le lynx qui lui lèche les pieds suffit pour qu'on y
reconnaisse un Orphée,

Mulcentem tigres et agentem carminé quercus.

La tête, d'une grâce mélancolique, avec sa longue et épaisse chevelure, n'a rien de grec. Il y a
là un de ces anachronismes qui, même commis avec autant de talent, étonneraient chez un représen-

1. Les Grâces, pour celles de nos lectrices qui ne savent pas le grec.
 
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