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https://doi.org/10.11588/diglit.5428#0377
0^72 MÉMOIRE SUR LA MUSIQUE
font sentir qu'il est indispensable Je donner ici quelques nouons de la musique des
temps intermédiaires, avant de nous étendre (.{avantage sur l'état de cet art chez les
anciens Égyptiens : car on ne sauroit adoucir assez une disparate aussi choquante
que l'est celle qui s'offre dans le rapprochement de la musique moderne avec la
musique antique ; ce contraste, que nous avons peut-être déjà rendu trop sensible,
pourrait, s'il n'étoit pas ménagé, offusquer l'imagination de ceux que nos pré-
jugés ont séduits, et faire paraître peu vraisemblable ce qui nous reste a dire.
ARTICLE III.
Exposé succinct de la nature de lu Musique, et principalement du Chant, che^
les anciens. —-Principal objet de cet art cln- eux. — Usage exclusif de la
Tradition orale et chantée che~ tous les peuples de lu haute antiquité. —Ré-
flexions sur l'inventeur et l'invention de F1 .triture et des Hiéroglyphes. — Con-
séquences qui résultèrent de l'invention îles lettres, par rapport aux arts de
la musique et de la poésie, ainsi que relativement aux mœurs. —Première
cause de la dépravation de la Musique t et île l'aversion que les Egyptiens
conçurent pour cet art.
C'est un point sur lequel nous ne saurions trop insister pour \ attirer l'attention,
que plus on remonte vers les siècles de la haute antiquité, plus la musique prend
un caractère grave, sérieux et noble, et plus non-, voyons son domaine: s'agrandir:
plus, au contraire, nous nous rapprochons des siècles modernes, plus cet art perd
insensiblement de sa gravité et de sa sévérité, plus il devient frivole et plus il se
renferme et se tourmente dans des limites étroites. Jadis, intimement lie par ses
principes à la poésie, et même à la grammaire, l'art musical différoit peu de la
véritable éloquence (i).
Chanter, chez les anciens, c'étoit donner l'inflexion de voix la plus convenable
au sens que chaque mot doit avoir dans le discours (2); c'étoit faire entendre
l'accent du sentiment le plus propre à émouvoir le cœur et à produire la per-
suasion. Tout discours préparé, fait pour être prononce en public, etoit poétique
et chanté, et considéré comme partie intégrante de la musique (3). De là l'usage où
(1 ) Plat, de Legib. lib. H et lib. V ; de Republ. lib. U rejetoit la musique. Le même poëte se sert aussi du mot
et lib. iii ; et in Protagcra. clumter dans le sens d'annoncer, publier. C'est sur-tout
Demosth. Orat. de corona. dans les tragiques Grecs qu'on trouve le plus de notions
(2) Strab. Geogr. lib. i, p. 16 et 17, gr. et lat. Basileœ, excellentes et sûres de ce qu'etoit l'antique musique.
i$yi, in-fol, Toute espèce d'inflexion de voix étoit an- (3 ) C'est ce que dit positivement Platon au deuxième
ciennement appelée citant. Ainsi Euripide (Ipltig. in livre de sa République, où il fait parler Socrate en ces
Taur.\. 145 et 146 ) appelle des plaintes provoquées par le termes : « Sochatk. Les discours sont sans doute une
sentiment du malheur, des chants antilyriquesj de même » partie de la musique. Adimante. Oui. SoCR. H y
qu'il appelle (P/tœniss. v. 813 ) citant privé de musique, « en a de deux sortes, les uns vrais, les autres feints. »
des cris affreux arrachés par la douleur : ce qui, dans ■ II entend parles premiers les poèmes épiques, et par les
le premier cas, signifioit que le chant ne se renfermoit seconds les fables ou les poèmes allégoriques. Tout le
pas dans les limites prescrites par les sons de la lyre, reste de ce livre est consacré à l'examen de chacun
dont on ne devoit jamais s'écarter dans le discours ; dans de ces genres de discours. Ensuite , au troisième livre,
le second cas, cela vouloir dire que la voix procé- Socrate dit : «II me semble que nous avons traité à
doit par des intervalles désagréables à l'oreille et que » fond cette partie de la musique qui concerne les
font sentir qu'il est indispensable Je donner ici quelques nouons de la musique des
temps intermédiaires, avant de nous étendre (.{avantage sur l'état de cet art chez les
anciens Égyptiens : car on ne sauroit adoucir assez une disparate aussi choquante
que l'est celle qui s'offre dans le rapprochement de la musique moderne avec la
musique antique ; ce contraste, que nous avons peut-être déjà rendu trop sensible,
pourrait, s'il n'étoit pas ménagé, offusquer l'imagination de ceux que nos pré-
jugés ont séduits, et faire paraître peu vraisemblable ce qui nous reste a dire.
ARTICLE III.
Exposé succinct de la nature de lu Musique, et principalement du Chant, che^
les anciens. —-Principal objet de cet art cln- eux. — Usage exclusif de la
Tradition orale et chantée che~ tous les peuples de lu haute antiquité. —Ré-
flexions sur l'inventeur et l'invention de F1 .triture et des Hiéroglyphes. — Con-
séquences qui résultèrent de l'invention îles lettres, par rapport aux arts de
la musique et de la poésie, ainsi que relativement aux mœurs. —Première
cause de la dépravation de la Musique t et île l'aversion que les Egyptiens
conçurent pour cet art.
C'est un point sur lequel nous ne saurions trop insister pour \ attirer l'attention,
que plus on remonte vers les siècles de la haute antiquité, plus la musique prend
un caractère grave, sérieux et noble, et plus non-, voyons son domaine: s'agrandir:
plus, au contraire, nous nous rapprochons des siècles modernes, plus cet art perd
insensiblement de sa gravité et de sa sévérité, plus il devient frivole et plus il se
renferme et se tourmente dans des limites étroites. Jadis, intimement lie par ses
principes à la poésie, et même à la grammaire, l'art musical différoit peu de la
véritable éloquence (i).
Chanter, chez les anciens, c'étoit donner l'inflexion de voix la plus convenable
au sens que chaque mot doit avoir dans le discours (2); c'étoit faire entendre
l'accent du sentiment le plus propre à émouvoir le cœur et à produire la per-
suasion. Tout discours préparé, fait pour être prononce en public, etoit poétique
et chanté, et considéré comme partie intégrante de la musique (3). De là l'usage où
(1 ) Plat, de Legib. lib. H et lib. V ; de Republ. lib. U rejetoit la musique. Le même poëte se sert aussi du mot
et lib. iii ; et in Protagcra. clumter dans le sens d'annoncer, publier. C'est sur-tout
Demosth. Orat. de corona. dans les tragiques Grecs qu'on trouve le plus de notions
(2) Strab. Geogr. lib. i, p. 16 et 17, gr. et lat. Basileœ, excellentes et sûres de ce qu'etoit l'antique musique.
i$yi, in-fol, Toute espèce d'inflexion de voix étoit an- (3 ) C'est ce que dit positivement Platon au deuxième
ciennement appelée citant. Ainsi Euripide (Ipltig. in livre de sa République, où il fait parler Socrate en ces
Taur.\. 145 et 146 ) appelle des plaintes provoquées par le termes : « Sochatk. Les discours sont sans doute une
sentiment du malheur, des chants antilyriquesj de même » partie de la musique. Adimante. Oui. SoCR. H y
qu'il appelle (P/tœniss. v. 813 ) citant privé de musique, « en a de deux sortes, les uns vrais, les autres feints. »
des cris affreux arrachés par la douleur : ce qui, dans ■ II entend parles premiers les poèmes épiques, et par les
le premier cas, signifioit que le chant ne se renfermoit seconds les fables ou les poèmes allégoriques. Tout le
pas dans les limites prescrites par les sons de la lyre, reste de ce livre est consacré à l'examen de chacun
dont on ne devoit jamais s'écarter dans le discours ; dans de ces genres de discours. Ensuite , au troisième livre,
le second cas, cela vouloir dire que la voix procé- Socrate dit : «II me semble que nous avons traité à
doit par des intervalles désagréables à l'oreille et que » fond cette partie de la musique qui concerne les