DE L'ANTIQUE EGYPTE. :> 8 I
paiestre ; arts qui, dans leur origine, n'étoient jamais séparés de la musique, laquelle
devoit en diriger l'étude.
Toutefois l'éloquence, ia musique et la palestre précédèrent nécessairement
l'écriture; et quand cela ne seroit appuyé d'aucun témoignage, la réflexion seule
nous le feroit sentir. Les premières ont dû naître par l'impulsion naturelle de nos
besoins mêmes ; et la dernière suppose déjà des relations sociales trop étendues,
pour être entretenues immédiatement et avec le simple secours de la voix.
En vain nous objecteroit-on que Platon, dans son Timée, ou plutôt le prêtre Egyp-
tien que ce philosophe y fait parler dans un entretien avec Solon, assure qu'on avoit
coutume d'écrire et de conserver de temps immémorial, dans les temples, tout ce
qu'il y avoit de mémorable ; que les prêtres qui étoient chargés de ce soin, avoient
plusieurs sortes d'écritures (i), dont deux qu'ils mettoient le plus souvent en usage,
l'une appelée Xécriture sacrée ou les hiéroglyphes (2), et l'autre Xécriture vulgaire : tout
cela ne détruit point les preuves que nous avons données de l'antériorité de la
tradition orale et chantée sur la tradition écrite, et de la résistance qu'on opposa
long-temps à l'introduction de celle-ci en Egypte comme ailleurs.
Les hiéroglyphes ne peuvent être regardés comme étant de la plus haute anti-
quité, puisqu'on voit encore en Nubie des monumens très-anciens d'architecture
Égyptienne qui sont absolument dénués d'hiéroglyphes et de sculpture quelconque.
Les pyramides n'offrent non plus aucune trace d'hiéroglyphes ou de sculpture quel-
conque, soit à l'extérieur, soit dans l'intérieur; le sarcophage en pierre que renferme
la chambre nommée la chambre du Roi dans la grande pyramide, est aussi tout uni
et sans le moindre ornement. Si celui qu'on voit dans la mosquée dite de Saint-
Athanase à Alexandrie, est au contraire entièrement couvert d'hiéroglyphes par-
faitement bien exécutés, c'est qu'il est postérieur à l'époque de l'exécution de ces
premiers monumens dont nous venons de parler, époque où les hiéroglyphes
n'étoient point encore connus; à plus forte raison, l'écriture alphabétique, qui a dû
être la dernière inventée de toutes les écritures, ne dut pas être non plus connue
des premiers Égyptiens.
On a pu croire d'abord que cette discussion nous écartoit de notre principal
objet; et cependant c'est par elle-même que nous levons les plus grandes difficultés
qui auroient pu embarrasser notre marche, et que tous les doutes, à l'égard de la
nature et de l'objet de l'antique musique, sont dissipés. On doit sentir maintenant
que la première cause de la dépravation de cet art fut nécessairement celle qui le
sépara des autres arts qui sont du ressort de la voix, en l'éloignant des principes
qui l'unissoient à la parole ; celle qui le frustra du droit de propager la tradition,
cap. Phœnicum tlieologia, pag. 36 A, gr. et Iat. Paris,
1628, in-fol. : « Misor eut pour fils Taaut, l'inventeur
«des premiers élémens de l'écriture, que les Egyptiens
5) nomment Thoor, les Alexandrins Thoyth, et les Grecs
» Hermès. » v
Plus loin , le même auteur ajoute : « Le dieu Taaut
3> ayant déjà représenté Uranus, forma aussi des images
;» de Cronus, de Dagon et des autres dieux, et fit les ca-
« ractères sacrés des élémens, les hUroglyp^es.v
( 1 ) Nous avons remarqué des écritures cursives et
hiéroglyphiques de diverses espèces en différens endroits,
et particulièrement dans une des grottes de la. montagne
de Syout, dont l'entrée étoit petite et fort incommode,
et ou nous nous sommes introduits avec M. le baron
Fourier, notre collègue à la Commission des sciences
et arts d'Egypte.
(2) Voici ce qu'on lit dans le fragment de Sanchoniaton
cité par Eusèbe dans sa Préparation évangélique, Hb. 1,
paiestre ; arts qui, dans leur origine, n'étoient jamais séparés de la musique, laquelle
devoit en diriger l'étude.
Toutefois l'éloquence, ia musique et la palestre précédèrent nécessairement
l'écriture; et quand cela ne seroit appuyé d'aucun témoignage, la réflexion seule
nous le feroit sentir. Les premières ont dû naître par l'impulsion naturelle de nos
besoins mêmes ; et la dernière suppose déjà des relations sociales trop étendues,
pour être entretenues immédiatement et avec le simple secours de la voix.
En vain nous objecteroit-on que Platon, dans son Timée, ou plutôt le prêtre Egyp-
tien que ce philosophe y fait parler dans un entretien avec Solon, assure qu'on avoit
coutume d'écrire et de conserver de temps immémorial, dans les temples, tout ce
qu'il y avoit de mémorable ; que les prêtres qui étoient chargés de ce soin, avoient
plusieurs sortes d'écritures (i), dont deux qu'ils mettoient le plus souvent en usage,
l'une appelée Xécriture sacrée ou les hiéroglyphes (2), et l'autre Xécriture vulgaire : tout
cela ne détruit point les preuves que nous avons données de l'antériorité de la
tradition orale et chantée sur la tradition écrite, et de la résistance qu'on opposa
long-temps à l'introduction de celle-ci en Egypte comme ailleurs.
Les hiéroglyphes ne peuvent être regardés comme étant de la plus haute anti-
quité, puisqu'on voit encore en Nubie des monumens très-anciens d'architecture
Égyptienne qui sont absolument dénués d'hiéroglyphes et de sculpture quelconque.
Les pyramides n'offrent non plus aucune trace d'hiéroglyphes ou de sculpture quel-
conque, soit à l'extérieur, soit dans l'intérieur; le sarcophage en pierre que renferme
la chambre nommée la chambre du Roi dans la grande pyramide, est aussi tout uni
et sans le moindre ornement. Si celui qu'on voit dans la mosquée dite de Saint-
Athanase à Alexandrie, est au contraire entièrement couvert d'hiéroglyphes par-
faitement bien exécutés, c'est qu'il est postérieur à l'époque de l'exécution de ces
premiers monumens dont nous venons de parler, époque où les hiéroglyphes
n'étoient point encore connus; à plus forte raison, l'écriture alphabétique, qui a dû
être la dernière inventée de toutes les écritures, ne dut pas être non plus connue
des premiers Égyptiens.
On a pu croire d'abord que cette discussion nous écartoit de notre principal
objet; et cependant c'est par elle-même que nous levons les plus grandes difficultés
qui auroient pu embarrasser notre marche, et que tous les doutes, à l'égard de la
nature et de l'objet de l'antique musique, sont dissipés. On doit sentir maintenant
que la première cause de la dépravation de cet art fut nécessairement celle qui le
sépara des autres arts qui sont du ressort de la voix, en l'éloignant des principes
qui l'unissoient à la parole ; celle qui le frustra du droit de propager la tradition,
cap. Phœnicum tlieologia, pag. 36 A, gr. et Iat. Paris,
1628, in-fol. : « Misor eut pour fils Taaut, l'inventeur
«des premiers élémens de l'écriture, que les Egyptiens
5) nomment Thoor, les Alexandrins Thoyth, et les Grecs
» Hermès. » v
Plus loin , le même auteur ajoute : « Le dieu Taaut
3> ayant déjà représenté Uranus, forma aussi des images
;» de Cronus, de Dagon et des autres dieux, et fit les ca-
« ractères sacrés des élémens, les hUroglyp^es.v
( 1 ) Nous avons remarqué des écritures cursives et
hiéroglyphiques de diverses espèces en différens endroits,
et particulièrement dans une des grottes de la. montagne
de Syout, dont l'entrée étoit petite et fort incommode,
et ou nous nous sommes introduits avec M. le baron
Fourier, notre collègue à la Commission des sciences
et arts d'Egypte.
(2) Voici ce qu'on lit dans le fragment de Sanchoniaton
cité par Eusèbe dans sa Préparation évangélique, Hb. 1,