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LES DANAIDES LVII.
BEIR à Tes parents pour commettre quelque
horrible mesehanceté, n'ést pas une exeuse légi-
time , après l'avoir commise, pour en éviter le
supplice qui Iuy en; deu. Les filles de Danaiis
ayant fait le commandement de leur pere, pour
Iuy conserverla couronne d'Argos, ont montré
qu'elles estoient inhumaines : & quand elles ont
égorgé leurs maris, elles n'ont pas jsâissé lieu de douter à la Posterité ,
qu'elles ne fuiïent beaucoup moins pieuses qu'elles n'ont eslé cruel-
les. Danaiis Roy d'Argos & fils de Belus, frère d'Agenor, eut cin-
quante filles de diverses mères, îesquelks estant devenues en âge de
Iuy donner de petits enfans , il ne les voulut point marier, parce qu'on
Iuy avoit prédit qu'il seroit depossedé de son Royaume par l'un de ses
gendres ; mais ^Egiptus Ton srère qui avoit autant de garçons que Iuy
de silles, le contraignit par sorce d'y consentirj si bien que ne s'en
pouvant exeufer, quoy qu'il en eust ledelTein, il s'avisa d'une ef-
sroyable méchanceté, qui fut de persuader à ses filles de les égorger
îous, la première nuit de leurs rîopces, ce qu'elles exécutèrent par
une obeïiTance cruelle, excepté Hypermnestre, qui n'ayant pu con-
sentir à l'horreur d'un si grand crime, ne voulut point tremper ses
mains dans le sangdeLyncée son mary. Elle eut mesmes soin de le
conserver, & mentit glorieusement contre la tesire parjure de son
pere, ayant mérité par une action si noble, que son nom ne mourust
jamais. Leve-toy , dit-elle, à son jeune efpôus5 léve-toy, de peur
d'eshe surpris par un long sommeiî, dont tu ne sçaurois te désier.
Trompe ton bcaupere & mes seeurs abominables qui maisacrent leurs
maris, helas ! comme des lvonnes cruelles qui déchirent des agneau??.
Pour moy qui ay plus de tendresse que ces inhumaines, je neveux ny
te tuer, ny te retenir en prison. Apres cecy, que mon pere me charge
de chaînes, s'il veut, pour avoir esté touchée de pitié pour mon
mary que je n'ay pas voulu égorger,-ou qu'il me jette dans quelque
vaisseau pour me bannir au bout du monde. Va,où tes pieds Biles vents
te pourront porter, tandis que la nuit & l'astre de Venus tesont savo-
rables. Va-t-en avec un bon presage? & grave ma plainte sur mon
LU £om-
LES DANAIDES LVII.
BEIR à Tes parents pour commettre quelque
horrible mesehanceté, n'ést pas une exeuse légi-
time , après l'avoir commise, pour en éviter le
supplice qui Iuy en; deu. Les filles de Danaiis
ayant fait le commandement de leur pere, pour
Iuy conserverla couronne d'Argos, ont montré
qu'elles estoient inhumaines : & quand elles ont
égorgé leurs maris, elles n'ont pas jsâissé lieu de douter à la Posterité ,
qu'elles ne fuiïent beaucoup moins pieuses qu'elles n'ont eslé cruel-
les. Danaiis Roy d'Argos & fils de Belus, frère d'Agenor, eut cin-
quante filles de diverses mères, îesquelks estant devenues en âge de
Iuy donner de petits enfans , il ne les voulut point marier, parce qu'on
Iuy avoit prédit qu'il seroit depossedé de son Royaume par l'un de ses
gendres ; mais ^Egiptus Ton srère qui avoit autant de garçons que Iuy
de silles, le contraignit par sorce d'y consentirj si bien que ne s'en
pouvant exeufer, quoy qu'il en eust ledelTein, il s'avisa d'une ef-
sroyable méchanceté, qui fut de persuader à ses filles de les égorger
îous, la première nuit de leurs rîopces, ce qu'elles exécutèrent par
une obeïiTance cruelle, excepté Hypermnestre, qui n'ayant pu con-
sentir à l'horreur d'un si grand crime, ne voulut point tremper ses
mains dans le sangdeLyncée son mary. Elle eut mesmes soin de le
conserver, & mentit glorieusement contre la tesire parjure de son
pere, ayant mérité par une action si noble, que son nom ne mourust
jamais. Leve-toy , dit-elle, à son jeune efpôus5 léve-toy, de peur
d'eshe surpris par un long sommeiî, dont tu ne sçaurois te désier.
Trompe ton bcaupere & mes seeurs abominables qui maisacrent leurs
maris, helas ! comme des lvonnes cruelles qui déchirent des agneau??.
Pour moy qui ay plus de tendresse que ces inhumaines, je neveux ny
te tuer, ny te retenir en prison. Apres cecy, que mon pere me charge
de chaînes, s'il veut, pour avoir esté touchée de pitié pour mon
mary que je n'ay pas voulu égorger,-ou qu'il me jette dans quelque
vaisseau pour me bannir au bout du monde. Va,où tes pieds Biles vents
te pourront porter, tandis que la nuit & l'astre de Venus tesont savo-
rables. Va-t-en avec un bon presage? & grave ma plainte sur mon
LU £om-