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Pantheon — 1.1928 = Jg 1.1928

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https://doi.org/10.11588/diglit.57094#0225

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LE LEVER DE FANCHON PAR LfiPICIE

PAR GEORGES WILDENSTEIN

Rien de plus uni que la vie de Lepicie. Fils d’un
graveur qui habitait le Louvre; depuis le jour de
sa naissance — le 26 juin 1735 — jusqu’ä celui de
sa mort, — le 15 septembre 1784, — il a une carriere
analogue ä celle de ses parents, sans bruit, sans se-
cousse. Ce calme, cette unite lui etaient necessaires:
sa faible sante — il avait la poitrine delicate et c’est
d’une affection pulmonaire qu’il mourut — sa vue
basse, autant que son caractere doux, timide, im-
pressionnable ä l’exces, le lui commandaient. Des
l’abord, on voit dans son ceuvre le reflet de son
existence.
Lepicie eut, ä ses debuts, l’ambition d’etre un
peintre d’histoire. En 1759, il avait concouru pour le
grand prix de l’Academie et son Miracle d’Elisee
en faveur d’une pauvre veuve lui avait valu un
deuxieme prix, mais, l’annee suivante, il echoua
completement avec le Sacrifice du pere de Samson.
Agree par l’Academie des 1764,. ce sont des
tableaux d’histoire qu’il exposera ä partir du Salon
suivant.
Si des lors, nous suivons son evolution, gräce ä ses
tableaux dates1), nous constatons qu’elle l’eloigne de
son premier but. Nous connaissons21 de ses tableaux
dates de 1765 ä 1772; nous trouvons parmi eux 17
tableaux d’histoire et 4 tableaux de genre — l’Histoire
l’emporte par plus de 4 ä I —. Dans la periode sui-
vante, de 1772 ä 1783, la proportion est exactement
inversee: 36 tableaux de genre contre 9 tableaux
d’histoire. C’est ce qu’il convient d’expliquer.
Jusqu’en 1769, Lepicie n’a donne que des oeuvres du
«grand genre»: scenes historiques, mythologiques,
religieuses; cette annee lä, nous voyons paraitre le
«genre» tout court avec L’Etude et, en meme temps,
une etude de la jeune fille qui sera le modele du
tableau que nous etudions aujourd’hui2).
Un seid tableau de genre, donc, en 1769; en 1771,
nous en trouvons 3: Le dejeuner frugal, la Re-
creation utile, la Jeune femme lisant; en meme
1) Dans cette etude, je neglige volontairement les portraits, qui peuvent etre
rattaches, tantöt aux scenes de genre (la famille Leroy, la vieille paysanne) et
tantöt aux tableaux d’histoire (portraits des Brancas en Amour et en Flore).
Au reste, parmi les toiles de Lepicie, les portraits sont les moins nombreux
(dans les tableaux dates 26 tableaux d’histoire, 40 de genre et 16 portraits
seulement).
2) Il s’agit de la tete qui faisait partie de la collection de Mme Noel Bardac.
C’est celle de la jeune fille du «Lever de Fanchon».

temps parait le dernier tableau mythologique de
notre peintre, son »Quos ego! . . .»; il ne traitera
jamais plus de pareils sujets.
En 1773, Lepicie donne sonLever de Fanchon et ce ta-
bleau marque l’orientation decisive de son ceuvre.
Que cette toile ait eu une grande importance pour
lui, il n’en faut pas douter. Nous avons signale dejä
l’apparition, trois ans avant que le grand tableau soit
expose, d’une etude de la tete du modele et nous
retrouverons ce modele dans la jeune mere de La
Bouillie (1774) et dans la jeune fille de 1’Atelier
du menuisier (1775). Mieux encore, comme il l’a
fait pour deux ou trois de ses oeuvres preferees, il
l’a deux £ois repetee. Nous presentons ici le premier
jet, la premiere esquisse, peinte avec largeur et
vivacite, en grand. La collection Chaix d’Est Ange,
au musee de Saint-Omer, conserve la reduction, plus
poussee, plus avancee que celle-ci.
On comprend davantage l’importance de cette toile
en etudiant sa technique. La palette de Lepicie avait,
jusqu’alors, ete assez sombre; or cette toile est d’une
clarte, d’une blondeur, d’un eclat que jamais plus il
ne retrouvera. Peintre d’histoire, on lui avait reproche
des tons secs, crus; les critiques iront jusqu’ä parier de
«pain d’epices »; peintre de genre, avant comme apres
Fanchon, il peindra dans un coloris proche de celui
de Chardin, oü, par consequent, les bruns domine-
ront. Or le Lever de Fanchon est d’une luminosite
toute fragonardienne.
Le sujet et la composition sont aussi ä examiner
attentivement. Il ne faut pas dissimuler que Le-
picie a mediocrement «compose» les tableaux
d’histoire de ses debuts; sa Descente de Guillaume
le Conquerant en Angleterre, son Bapteme de Jesus,
son Achille et Chiron ont ete l’objet de multiples
critiques contemporaines; comme aux gens de son
temps, elles nous paraissent un peu decousues. Avec
le gout de la peinture de genre lui viendra le sens
de la composition: de sujets aussi simples que
Fanchon il passe, par une gradation aisee, insensible,
aux scenes mouvementees de 1’Atelier, de la Fe-
rnande acceptee, et, enfin, ä ces surprenants tableaux
de moeurs, La Halle, la Douane oü des scenes
multiples et variees s’harmonisent dans une plaisante
diversite.

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