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L'ART.
d'autre exception que deux portraits d'une nullité absolue
pour le Palais de Justice, deux bustes — de la sculpture offi-
cielle — qui ont la même destination, et la Poésie et la Musique,
autres bustes qu'attend le Théâtre-Lyrique, et qui n'ajouteront
rien à la réputation de leurs auteurs. Il me semble que Paris
offre, dans l'ordre civil, toute une pléiade de gloires incontes-
tées qui mériteraient d'être moins oubliées et qui offriraient en
tout cas aux artistes des sujets d'inspiration peut-être moins
épuisés.
Jules Raymond.
EXPOSITION
de la
SOCIETE DES AMIS DES ARTS DE BORDEAUX
[Correspondance particulière de l'Art.)
Plus on visite cette Exposition, plus on en constate la fai-
blesse, la monotonie, les dispositions déplorables. Le local est
insuffisant; mais que de toiles sans valeur qu'on eût bien fait
de n'y pis mettre. Avec quel sans-façon, on devrait dire peu de
goût, tout cela a été installé! De grands tableaux à la cimaise au
milieu de ces longues salles étroites, sans reculée pour les
voir ; la statuaire placée sur des tables comme chez un mar-
chand au détail; bustes, groupes, plâtres, bronzes, terres cuites,
porcelaines, tout cela pêle-mêle sans le moindre souci de faire
valoir l'un ou de nuire à l'autre.
Et les envois de l'État! Qui s'est préoccupé de ce qu'il enver-
rait et a fait la moindre objection afin d'avoir mieux? _ Nos
confrères de la presse locale constatent tristement cet état de
choses et cela durera ainsi tant que durera cette pauvre Société à
laquelle il serait si facile de rendre la vie qui s'en va.
Parmi les œuvres d'artistes bordelais, les plus remarquées sont
celles de M. Salzédo. Nous retrouvons là sa Partie de dominos
du Salon de 1874, œuvre sérieuse, très-étudiée, expressive, affir-
mant des convictions, un tempérament et un talent plein d'origi-
nalité.
Le Déjeuner.
Fac-similé d'un dessin de P. E. Salzédo, d'après son table
Le Déjeuner est tout à fait dans les mêmes idées, peint de la
même façon, d'une touche grasse et ferme avec la même attention
patiente toute préoccupée de la vérité ; c'estj selon l'expression
vulgaire, « pris sur le vif. »
M. Salzédo est un vrai peintre, son dessin est juste; il ne
recherche ni l'élégance ni l'agréable ; il veut faire vrai, sa couleur
n'a pas de charme par elle-même ; mais elle est très-soutenue et
en parfaite harmonie avec le sujet. Ce sont là des qualités peu
communes.
Comme contraste au réalisme de bon aloi de M. Salzédo,
dont les sujets sont toujours de notre temps et de notre pays,
des scènes de la vie de chaque jour, voici deux toiles de M. Ac-
card, un homme de talent aussi, mais beaucoup moins original.
1. Voir l'Art, 2e année, tome V, pages us.
M. Accard s'est adonné au tableau de genre et peint spécialement
des scènes du temps de Louis XV et de Louis XVI, au milieu des
meubles, des draperies, des bronzes gracieux, mouvementés, char-
mants de cette époque frivole où l'on se hâtait de jouir du présent
sans s'inquiéter du lendemain plein de menaces.
La Robe de Madame et la Perruche n'ont pas l'attrait de la
nouveauté, mais sont bien rendues. Ces costumes, ces intérieurs
élégants et joyeux, ces minois chifîonnés, tout cela est très-fami-
lier à M. Accard, qui semble avoir toujours vécu en leur com-
pagnie. Us sont bien à leur place, bien exacts, peints d'un ton
agréable. Pourquoi M. Accard s'y est-il tant attardé et n'a-t-il
pas franchement abordé les sujets contemporains? C'est que
l'originalité est la qualité qui fait le plus défaut à M. Accard.
L'ART.
d'autre exception que deux portraits d'une nullité absolue
pour le Palais de Justice, deux bustes — de la sculpture offi-
cielle — qui ont la même destination, et la Poésie et la Musique,
autres bustes qu'attend le Théâtre-Lyrique, et qui n'ajouteront
rien à la réputation de leurs auteurs. Il me semble que Paris
offre, dans l'ordre civil, toute une pléiade de gloires incontes-
tées qui mériteraient d'être moins oubliées et qui offriraient en
tout cas aux artistes des sujets d'inspiration peut-être moins
épuisés.
Jules Raymond.
EXPOSITION
de la
SOCIETE DES AMIS DES ARTS DE BORDEAUX
[Correspondance particulière de l'Art.)
Plus on visite cette Exposition, plus on en constate la fai-
blesse, la monotonie, les dispositions déplorables. Le local est
insuffisant; mais que de toiles sans valeur qu'on eût bien fait
de n'y pis mettre. Avec quel sans-façon, on devrait dire peu de
goût, tout cela a été installé! De grands tableaux à la cimaise au
milieu de ces longues salles étroites, sans reculée pour les
voir ; la statuaire placée sur des tables comme chez un mar-
chand au détail; bustes, groupes, plâtres, bronzes, terres cuites,
porcelaines, tout cela pêle-mêle sans le moindre souci de faire
valoir l'un ou de nuire à l'autre.
Et les envois de l'État! Qui s'est préoccupé de ce qu'il enver-
rait et a fait la moindre objection afin d'avoir mieux? _ Nos
confrères de la presse locale constatent tristement cet état de
choses et cela durera ainsi tant que durera cette pauvre Société à
laquelle il serait si facile de rendre la vie qui s'en va.
Parmi les œuvres d'artistes bordelais, les plus remarquées sont
celles de M. Salzédo. Nous retrouvons là sa Partie de dominos
du Salon de 1874, œuvre sérieuse, très-étudiée, expressive, affir-
mant des convictions, un tempérament et un talent plein d'origi-
nalité.
Le Déjeuner.
Fac-similé d'un dessin de P. E. Salzédo, d'après son table
Le Déjeuner est tout à fait dans les mêmes idées, peint de la
même façon, d'une touche grasse et ferme avec la même attention
patiente toute préoccupée de la vérité ; c'estj selon l'expression
vulgaire, « pris sur le vif. »
M. Salzédo est un vrai peintre, son dessin est juste; il ne
recherche ni l'élégance ni l'agréable ; il veut faire vrai, sa couleur
n'a pas de charme par elle-même ; mais elle est très-soutenue et
en parfaite harmonie avec le sujet. Ce sont là des qualités peu
communes.
Comme contraste au réalisme de bon aloi de M. Salzédo,
dont les sujets sont toujours de notre temps et de notre pays,
des scènes de la vie de chaque jour, voici deux toiles de M. Ac-
card, un homme de talent aussi, mais beaucoup moins original.
1. Voir l'Art, 2e année, tome V, pages us.
M. Accard s'est adonné au tableau de genre et peint spécialement
des scènes du temps de Louis XV et de Louis XVI, au milieu des
meubles, des draperies, des bronzes gracieux, mouvementés, char-
mants de cette époque frivole où l'on se hâtait de jouir du présent
sans s'inquiéter du lendemain plein de menaces.
La Robe de Madame et la Perruche n'ont pas l'attrait de la
nouveauté, mais sont bien rendues. Ces costumes, ces intérieurs
élégants et joyeux, ces minois chifîonnés, tout cela est très-fami-
lier à M. Accard, qui semble avoir toujours vécu en leur com-
pagnie. Us sont bien à leur place, bien exacts, peints d'un ton
agréable. Pourquoi M. Accard s'y est-il tant attardé et n'a-t-il
pas franchement abordé les sujets contemporains? C'est que
l'originalité est la qualité qui fait le plus défaut à M. Accard.