Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 3)

DOI article:
Desnoiresterres, Gustave: Essai d'iconographie Voltairienne
DOI article:
Burty, Philippe: Japonisme: yébis et daï-kokou
DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.16691#0181

DWork-Logo
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
148 L'ART.

n'est ni cette vivacité, ni cet œil pétillant de la toile de Largillière ; cela donne l'idée d'un esprit plus
rassis, plus calme, plus longanime que ne le fut ce salpêtre fait homme \

Arrivons au pastel de De Latour, qui est de 1736. C'est M1"" du Châtelet qui le souhaita, c'est pour
elle qu'il fut fait. Le poëte était alors à Cirey, et ce sera l'objet de toute une correspondance entre
lui et l'abbé Moussinot qui se chargera de voir le peintre, de lui communiquer les observations et les
désirs de son modèle. Le portrait de De Latour est le plus connu des portraits de Voltaire ; c'est celui
qui est reproduit dans la plupart des éditions de ses œuvres. Voltaire a quarante-deux ans ; son visage
n'a plus cet air ouvert du tableau de Largillière. Le nez s'est allongé, la narine s'est élargie, la bouche
en revanche s'est pincée et semble promettre plus d'épigrammes que de madrigaux. Il est debout et
tient un livre à la main. Naturellement les amis le tourmenteront pour avoir des copies, et il priera son
officier factotum d'ajouter aux autres peines qu'il voulait bien se donner celle de répondre à cet
empressement obligeant. « Faites faire d'abord deux bonnes copies, après quoi nous en ferons d'autres;
mais voici ce que je voudrais : que la première copie se fasse avec tout le savoir faire et toute l'habileté
de la copiste, afin qu'elle puisse servir d'original aux autres. Dès que cette première copie sera faite,
je vous prierais de la faire examiner et retoucher par Latour. Cependant vous m'enverriez mon
original bien encadré, bien empaqueté, et sur cette première copie, vous me feriez faire une miniature
pour porter en bague. Le plus tôt, mon cher abbé, en cette affaire comme en tout, sera le mieux
(12 avril 1736). » Ainsi c'est une femme à qui est échue cette besogne de reproduction. Le portrait de
De Latour et ces copies sont une de ses préoccupations du moment, et trouvent leur place obligée dans
ces étourdissantes épîtres où il est simultanément question de finances, d'achats de livres, de généro-
sités, de théâtre, de chimie, de tout enfin. Voltaire est homme d'ordre principalement, d'une économie
bien entendue et réglée. Il témoigne à son ami le chanoine le regret un peu tardif de n'avoir pas pris
ses sûretés avec l'artiste, en faisant son prix à l'avance. Il a manqué de prévoyance en cette circon-
stance ; mais c'est là une faute qui ne se répétera point. « Je suis très-fâché qu'on n'ait pas fait marché
avec le peintre. Dorénavant, je ferai des marchés pour tout, fut-ce pour des allumettes, caries hommes
abusent toujours du peu de précaution qu'on a pris avec eux (30 juillet 1736). » C'est voir l'espèce
humaine sans trop d'illusions. Mais Voltaire avait déjà été dupé plus d'une fois, il avait été plus d'une
fois victime de friponneries supportées d'ailleurs assez philosophiquement. Il faisait la part du feu ;
mais, en esprit positif, il la faisait la plus mince possible. Le portrait attendu arrive enfin, il ne lui
plaît qu'à moitié. « Je voudrais qu'il fût plus empâté et plus vif de couleur. Pourriez-vous en faire
exécuter quelque copie un peu plus animée? (17 novembre 1736.) » Il ne s'agit ici, comme on le voit,
que d'une copie. Quant au tableau de De Latour, il était resté à Paris chez le peintre.

Cette miniature pour porter en bague, dont il est parlé plus haut, on devine à qui elle est destinée
Mais quel artiste en chargera-t-on ? « On dit qu'il y a à Paris un homme qui fait les portraits en bague
d'une manière parfaite. J'ai vu un portrait de Louis XV de sa façon, très-ressemblant, vous trouverez
très-impertinent que la même main peigne le roi et moi chétif ; mais on le veut et j'obéis. Ayez la
bonté de déterrer cet homme. Envoyez de ma part savoir où il demeure à M. le chevalier de Villefort,
chez M. le comte de Clermont (17 novembre 1736). »

Cet artiste, dont on a admiré un portrait très-ressemblant de Louis XV, était François Julien
Barier, graveur distingué en pierre fines, dont la carrière touchait à son terme, car il mourait en 1746,
dans un âge peu avancé. Voltaire du reste le nomme dans le madrigal à Mmc du Châtelet, qui accom-
pagnait l'envoi du bijou :

Barier grava ces traits destinés pour vos yeux;
Avec quelque plaisir daignez les reconnaître :
Les vôtres dans mon cœur furent gravés bien mieux,
Mais ce fut par un plus grand maître.

La bague était en cornaline, entourée de petits diamants dont le chaton recouvrait le portrait. S'il
fallait en croire Longchamp, il était dans les destinées de cette bague d'abriter plus d'une effigie.

1. Ce tableau appartient à M. Léonce Leroux, auquel nous en devons la communication gracieuse ; il le tient de M. Petit, marchand
de bric-à-brac, rue des Petits-Champs.
 
Annotationen