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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 3)

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Desnoiresterres, Gustave: Essai d'iconographie Voltairienne
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Burty, Philippe: Japonisme: yébis et daï-kokou
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https://doi.org/10.11588/diglit.16691#0182

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ESSAI D'ICONOGRAPHIE VOLTAIRIENNE. 149

M"'c du Châtelet mourait à la suite découches, le 10 septembre 1749. Après le premier moment de
trouble, de désespoir, Voltaire pense à l'anneau, à son portrait qui ne devait point tomber dans les
mains du mari. Il s'inquiète de ce qu'il est devenu, voulant à tout prix faire disparaître ce témoignage
d'une affection trop intime. Longchamp le rassure, et lui dit qu'il avait lui-môme ôté la bague du
doigt de la marquise et l'avait remise à Mme de Bouffi ers qui s'était empressée d'extraire la miniature du
chaton. Voltaire respire; mais il apprenait en même temps que le portrait extrait était celui de Saint-
Lambert. « O ciel! s'écrie alors l'ami sacrifié en joignant les mains, voilà bien les femmes! J'en avais
ôté Richelieu, Saint-Lambert m'en a expulsé... ainsi vont les choses de ce monde. » Disons que Long-
champ a voulu nous donner la comédie, et que la vérité vraie ne pousse pas aussi brutalement à l'effet.
D'abord, s'il est vrai que Voltaire remplaça l'Alcibiade français, comme il l'appelait, dans le cœur de
la marquise, le portrait du duc ne pouvait se trouver, en tout état de cause, dans la bague donnée par
le poète à la docte Uranie, et il n'avait pas eu à l'en faire disparaître. En racontant de la sorte cette
petite historiette dans ses curieux mémoires, le valet de chambre perdait de vue qu'il avait présenté les
faits d'une façon notablement différente. « Il me prie (Saint-Lambert) de lui avoir son portrait qui était
dans une bague que madame portait au doigt, et me donna le secret pour l'ouvrir. Je détachai le por-
trait que je lui remis chez Mmc de Boufflers, et donnai en même temps la bague à M. le marquis du
Châtelet. Voilà tout ce que je sais, et c'est la plus exacte vérité. » Donc il faut rayer ce petit dialogue
entre Voltaire et Longchamp ; mais le côté shakespearien de l'aventure n'en subsiste pas moins, et il
résulte de tout cela que la bague de cornaline, à la mort de la marquise, ne recélait plus le portrait
de Voltaire, qui avait fait place à celui d'un rival plus jeune. Que Saint-Lambert se fût préoccupé de ce
que deviendrait son portrait, nous le comprenons. Mais M. du Châtelet eût-il été si fort étonné de
rencontrer la miniature de leur hôte? La marquise avait un portrait du poëte gravé sur pierre dure,
avec lequel elle cachetait ostensiblement ses lettres, ce qui, soit dit en passant, n'était pas d'une
médiocre inconvenance, quoique rarement, dans les ventes d'autographes, il se trouve de ses épîtres
avec l'effigie en cire rouge de son illustre ami1. Cela étant, l'on se demande ce qui eût motivé la sur-
prise et le chagrin d'un mari d'ailleurs si débonnaire ou si obstinément aveugle4.

C'est encore le lieu de mentionner un autre portrait de Voltaire approximativement de ce temps,
et qui figurait à la vente Marcille 3. Cette miniature n'est intéressante qu'au point de vue iconogra-
phique, car l'œuvre est médiocre et non signée. On la trouve déjà dans le Catalogue de La Mésan-
gère (1831), en compagnie d'autres portraits qu'on nous affirme être ceux des père, mère, grand'mère
de l'auteur (¥Œdipe, ce qui nous semble tout à fait inacceptable à la seule inspection de l'ajustement et
de la coiffure. Quant à Voltaire, c'est bien lui, et c'est là l'important pour ce qui nous occupe4.

1. Etienne Charavay, Catalogue des lettres autographes et documents manuscrits et imprimés, du 7 juin 1870, p. 19.

2. Puisqu'il est question d'émaux, citons un portrait en émail de Voltaire par Pasquier, un Voltaire de soixante-dix-huit ans. « Mon-
sieur Pasquier aime à peindre les aveugles et les mourants, écrit-il à M. de la Verpilière, à la date du 27 avril 1771 ; il destine
apparemment mon portrait aux Quinze-Vingts... Je l'ai laissé enjoliver la charpente de mon visage. Son pinceau délicat n'était pas fait
pour moi. »

3. Catalogue de tableaux et de dessins provenant de la collection de feu M. Camille Marcille (Paris, 1876), p. 51, n° 155.

4. Catalogue du cabinet de feu M. de La Mésangère [Paris, Dezanche, 1831), p. 14, 11° 46. Nous trouvons, au même catalogue,
p. 20, n» 92, l'indication d'un Voltaire jeune, sans autres détails.

Gustave Desnoiresterres.

(La suite prochainement.)

Cul-de-lampc pur J. C. Philipi.
 
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