i?6 L'ART.
scènes historiques. On n'a pas oublié les toiles qu'il avait envoyées en 1865 et en 1867, et dont la tenue
indiquait un ensemble d'études méthodiques laborieusement suivies, plutôt qu'une originalité bien
tranchée. M. Gisbert est élève de l'École des Beaux-Arts de Madrid, et l'éducation officielle d'un pays
diffère peu de celle d'un autre. Le tableau qu'il envoie cette année est fort agréablement composé.
C'est un vieillard en habit brodé, assis sur un grand fauteuil, et recevant un bouquet que lui apporte
une petite fille; la scène est bien agencée, l'exécution soignée, et avec un peu plus de liberté dans le
faire, ce serait un charmant tableau.
En somme l'École espagnole, qui compte aujourd'hui un groupe d'artistes assez considérable,
figure au Salon d'une manière fort incomplète. On pourrait en dire autant pour tous les pays que
nous avons passés en revue. La part des étrangers dans l'Exposition de 1876 est certainement impor-
tante, mais ils ne nous donnent pas une mesure exacte de la valeur artistique des pays qu'ils représen-
tent. La plupart des peintres qui ont envoyé leurs tableaux ont fait leurs études en France, et ne nous
apportent rien de précisément nouveau. Mais partout on travaille, il se forme de jeunes talents avides
d'entrer dans la lice, et nos artistes feront bien de redoubler d'efforts, s'ils veulent maintenir à notre
pays la supériorité que leurs devanciers ont su lui assurer.
René Ménard.
ESQUISSE
DUNE
HISTOIRE DE LA PEINTURE AUX ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE
(suite'.)
III.
e viens de lire la biographie de Jean Trumbull, fils de ce gouver-
neur du Connecticut, Jonathan Trumbull, dont le nom devint le
sobriquet « Brother Jonathan » de toute la nation « Yankee » ; de
ce Jean Trumbull qui fut capitaine dans l'armée de la Révolu-
tion, aide de camp de Washington, adjudant général, prisonnier
d'État à Londres, élève de West, secrétaire de légation, com-
missaire pour négocier le traité avec l'Angleterre, marchand d'eau-
de-vie et peintre d'histoire. Cette biographie a été écrite par un
ennemi. Elle diminue les mérites et elle exagère les fautes.
Cependant, quand je fermai le livre, je me dis : « Voilà un grand
artiste! » J'avais vu la Sortie de la garnison de Gibraltar à l'Athé-
^ iw» * cmg»^., née de Boston: la Bataille de Bunkers Hill et la Mort de Mont go-
par k frate Vespasiano Amphiareo, de Ferrare (xvi« siècle). '
merjr dans la galerie de Yale Collège et la Déclaration de l'Indé-
pendance à Washington. Si Trumbull put faire des tableaux comme ceux-là, malgré les imbroglios
les méprises et les interruptions que décrit M. Dunlap, il doit avoir été un génie admirable. Il ne
se dévoua pas à son art comme Smart; il se mêla de commerce, de politique et d'affaires diploma-
tiques, et souvent avec enthousiasme. Il était toujours prêt, l'épée à la main, jusqu'au dernier jour
de sa vie, à défendre son honneur ou ses opinions contre les attaques de qui que ce fût. Mais, une
fois revenu à son atelier, il secouait toute la poussière du combat et il s'asseyait tranquillement à
son chevalet, pour finir ses grandes compositions historiques, aussi soigneusement que s'il n'avait
jamais quitté son repos bien-aimé.
1. Voir l'Art, tome VI, page 97.
scènes historiques. On n'a pas oublié les toiles qu'il avait envoyées en 1865 et en 1867, et dont la tenue
indiquait un ensemble d'études méthodiques laborieusement suivies, plutôt qu'une originalité bien
tranchée. M. Gisbert est élève de l'École des Beaux-Arts de Madrid, et l'éducation officielle d'un pays
diffère peu de celle d'un autre. Le tableau qu'il envoie cette année est fort agréablement composé.
C'est un vieillard en habit brodé, assis sur un grand fauteuil, et recevant un bouquet que lui apporte
une petite fille; la scène est bien agencée, l'exécution soignée, et avec un peu plus de liberté dans le
faire, ce serait un charmant tableau.
En somme l'École espagnole, qui compte aujourd'hui un groupe d'artistes assez considérable,
figure au Salon d'une manière fort incomplète. On pourrait en dire autant pour tous les pays que
nous avons passés en revue. La part des étrangers dans l'Exposition de 1876 est certainement impor-
tante, mais ils ne nous donnent pas une mesure exacte de la valeur artistique des pays qu'ils représen-
tent. La plupart des peintres qui ont envoyé leurs tableaux ont fait leurs études en France, et ne nous
apportent rien de précisément nouveau. Mais partout on travaille, il se forme de jeunes talents avides
d'entrer dans la lice, et nos artistes feront bien de redoubler d'efforts, s'ils veulent maintenir à notre
pays la supériorité que leurs devanciers ont su lui assurer.
René Ménard.
ESQUISSE
DUNE
HISTOIRE DE LA PEINTURE AUX ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE
(suite'.)
III.
e viens de lire la biographie de Jean Trumbull, fils de ce gouver-
neur du Connecticut, Jonathan Trumbull, dont le nom devint le
sobriquet « Brother Jonathan » de toute la nation « Yankee » ; de
ce Jean Trumbull qui fut capitaine dans l'armée de la Révolu-
tion, aide de camp de Washington, adjudant général, prisonnier
d'État à Londres, élève de West, secrétaire de légation, com-
missaire pour négocier le traité avec l'Angleterre, marchand d'eau-
de-vie et peintre d'histoire. Cette biographie a été écrite par un
ennemi. Elle diminue les mérites et elle exagère les fautes.
Cependant, quand je fermai le livre, je me dis : « Voilà un grand
artiste! » J'avais vu la Sortie de la garnison de Gibraltar à l'Athé-
^ iw» * cmg»^., née de Boston: la Bataille de Bunkers Hill et la Mort de Mont go-
par k frate Vespasiano Amphiareo, de Ferrare (xvi« siècle). '
merjr dans la galerie de Yale Collège et la Déclaration de l'Indé-
pendance à Washington. Si Trumbull put faire des tableaux comme ceux-là, malgré les imbroglios
les méprises et les interruptions que décrit M. Dunlap, il doit avoir été un génie admirable. Il ne
se dévoua pas à son art comme Smart; il se mêla de commerce, de politique et d'affaires diploma-
tiques, et souvent avec enthousiasme. Il était toujours prêt, l'épée à la main, jusqu'au dernier jour
de sa vie, à défendre son honneur ou ses opinions contre les attaques de qui que ce fût. Mais, une
fois revenu à son atelier, il secouait toute la poussière du combat et il s'asseyait tranquillement à
son chevalet, pour finir ses grandes compositions historiques, aussi soigneusement que s'il n'avait
jamais quitté son repos bien-aimé.
1. Voir l'Art, tome VI, page 97.