SALON DE 18 76
PORCELAINE ET FAÏENCE
n France où tout le monde se croit plus ou moins apte à juger les
œuvres d'art, plus ou moins amateur, pour employer le terme si com-
mode dont nous nous servons chaque jour ; en France où, justement à
cause de cette tendance générale des esprits, chacun est appelé à exer-
cer, en matière artistique, une certaine influence sur cette résultante
qui a nom l'opinion et, par conséquent, à ouvrir ou à fermer les portes
du temple de la gloire, pour les contemporains, — il est à souhaiter
que l'étude de la technique des Beaux-Arts soit universellement répan-
due et puisse former un public d'élite. Pas de grandes époques artistiques
sans ce public ; pas de connaisseurs possibles, à l'heure qu'il est, sans
connaissances techniques. Alfred de Musset, à qui cet état de choses
n'avait pas échappé, accepte systématiquement, dans son compte rendu
du Salon de 1836, deux régulateurs de ses jugements : la foule, d'un côté, et, de l'autre, la phalange
des artistes. Il va de la foule aux artistes et des artistes à la foule, modifiant les opinions de
celle-ci par celles de ceux-là et réciproquement, arrivant enfin à former la sienne par ce travail de
synthèse. Ce procédé, pour avoir quelque valeur, a malheureusement besoin d'être au service d'un
esprit de la trempe de Musset, ce qui en rend l'emploi peu commun. Dans tous les cas il n'est pas
à la portée de tout le monde et c'est de tout le monde qu'il s'agit ici. C'est donc à l'éducation, à
l'étude pratique que nous devons demander le public qui nous est nécessaire.
Ces réflexions nous sont inspirées par la vue des œuvres nombreuses exposées au Salon par de
simples amateurs, et surtout par celle des peintures sur porcelaine signées de noms de femmes du
monde, peintures dont la quantité s'accroît chaque année et aussi, nous sommes heureux de pouvoir
le constater, la qualité.
La peinture sur porcelaine, qui prend une importance de plus en plus grande dans nos expositions
annuelles, est cependant complètement dédaignée par la critique. Nos feuilletonistes d'art, parce que
cette "peinture est plus particulièrement traitée par la plus gracieuse moitié du genre humain, affectent de
ne la considérer que comme une variété de la broderie, une diversion au piano ou une élégante occupa-
tion de jeune fille. Tout en admettant avec eux que la peinture sur porcelaine est sans influence directe
sur l'avenir de notre école, nous croyons qu'il y aurait injustice à ne pas encourager ce genre vulgari-
sateur qui fait pénétrer dans le public le goût de la peinture avec la connaissance pratique de
cet art.
En parcourant les travées réservées à la peinture sur porcelaine on est frappé de voir combien
MM. Cabanel, Bouguereau, J. Lefebvre, Cot, etc., sont copiés et recopiés. Notre enseignement acadé-
mique en est là ; à force de faire du fade, l'école officielle en est arrivée à n'être plus bonne qu'à servir de
modèle au genre décoratif dont nous nous occupons. A côté de l'école académique, les artistes qui
fournissent le plus de modèles — mais ceux-là grâce à leurs qualités et non à leurs défauts, — aux
peintres sur porcelaine sont les représentants de notre gracieuse école du xvnf siècle et les néo-grecs
Hamon, Jean Aubert, etc. 5 ajoutons quelques pages de Prudhon, un ou deux portraits d'après des maîtres
flamands, et nous pourrons, à quelques exceptions près, fermer le cercle dans lequel se meuvent les
PORCELAINE ET FAÏENCE
n France où tout le monde se croit plus ou moins apte à juger les
œuvres d'art, plus ou moins amateur, pour employer le terme si com-
mode dont nous nous servons chaque jour ; en France où, justement à
cause de cette tendance générale des esprits, chacun est appelé à exer-
cer, en matière artistique, une certaine influence sur cette résultante
qui a nom l'opinion et, par conséquent, à ouvrir ou à fermer les portes
du temple de la gloire, pour les contemporains, — il est à souhaiter
que l'étude de la technique des Beaux-Arts soit universellement répan-
due et puisse former un public d'élite. Pas de grandes époques artistiques
sans ce public ; pas de connaisseurs possibles, à l'heure qu'il est, sans
connaissances techniques. Alfred de Musset, à qui cet état de choses
n'avait pas échappé, accepte systématiquement, dans son compte rendu
du Salon de 1836, deux régulateurs de ses jugements : la foule, d'un côté, et, de l'autre, la phalange
des artistes. Il va de la foule aux artistes et des artistes à la foule, modifiant les opinions de
celle-ci par celles de ceux-là et réciproquement, arrivant enfin à former la sienne par ce travail de
synthèse. Ce procédé, pour avoir quelque valeur, a malheureusement besoin d'être au service d'un
esprit de la trempe de Musset, ce qui en rend l'emploi peu commun. Dans tous les cas il n'est pas
à la portée de tout le monde et c'est de tout le monde qu'il s'agit ici. C'est donc à l'éducation, à
l'étude pratique que nous devons demander le public qui nous est nécessaire.
Ces réflexions nous sont inspirées par la vue des œuvres nombreuses exposées au Salon par de
simples amateurs, et surtout par celle des peintures sur porcelaine signées de noms de femmes du
monde, peintures dont la quantité s'accroît chaque année et aussi, nous sommes heureux de pouvoir
le constater, la qualité.
La peinture sur porcelaine, qui prend une importance de plus en plus grande dans nos expositions
annuelles, est cependant complètement dédaignée par la critique. Nos feuilletonistes d'art, parce que
cette "peinture est plus particulièrement traitée par la plus gracieuse moitié du genre humain, affectent de
ne la considérer que comme une variété de la broderie, une diversion au piano ou une élégante occupa-
tion de jeune fille. Tout en admettant avec eux que la peinture sur porcelaine est sans influence directe
sur l'avenir de notre école, nous croyons qu'il y aurait injustice à ne pas encourager ce genre vulgari-
sateur qui fait pénétrer dans le public le goût de la peinture avec la connaissance pratique de
cet art.
En parcourant les travées réservées à la peinture sur porcelaine on est frappé de voir combien
MM. Cabanel, Bouguereau, J. Lefebvre, Cot, etc., sont copiés et recopiés. Notre enseignement acadé-
mique en est là ; à force de faire du fade, l'école officielle en est arrivée à n'être plus bonne qu'à servir de
modèle au genre décoratif dont nous nous occupons. A côté de l'école académique, les artistes qui
fournissent le plus de modèles — mais ceux-là grâce à leurs qualités et non à leurs défauts, — aux
peintres sur porcelaine sont les représentants de notre gracieuse école du xvnf siècle et les néo-grecs
Hamon, Jean Aubert, etc. 5 ajoutons quelques pages de Prudhon, un ou deux portraits d'après des maîtres
flamands, et nous pourrons, à quelques exceptions près, fermer le cercle dans lequel se meuvent les