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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 3)

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Desnoiresterres, Gustave: Essai d'iconographie Voltairienne, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.16691#0277

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236 L'ART.

D'Argental, voyant l'Académie solliciter de l'auteur de la Henriade son portrait, jugea qu'il avait
autant et plus de droits à une telle faveur, et pressa son ami de ne pas le traiter moins bienveillamment
qu'elle. D'Argental, par son dévouement, les incessants services qu'il rendait, n'était pas indiscret en
requérant cette petite preuve d'affection qui ne devait pas, du reste, lui être refusée. « Le portrait que
vous daignez demander, mon cher ange, lui répondait Voltaire du ton le plus affectueux, est celui d'un
homme qui vous est bien tendrement uni, et qui ne regrette que vous et votre société dans tout Paris.
L'Académie aura la copie du portrait peint par De Latour; il faut que je vous aime autant que je fais,
pour songer à me faire peindre à présent » (19 novembre 1757). Le tableau est fait, et envoyé, et reçu.
D'Argental, tout en remerciant son vieil ami du cadeau, avoue qu'il a de la peine à croire le portrait
ressemblant et ne lui cache point qu'il n'est pas de nature à flatter l'amour-propre de l'original. « Je n'en ai
point sur mon portrait, réplique le poëte (à la date du 24 mai 1758), c'est d'amour-propre dont je parle.
Vous'dites que le portrait ne me ressemble pas; vous êtes la belle Javotte, et moi le beau Cléon. Vous
croyez donc qu'après huit ans, la charpente de mon visage n'a point changé. Je vous jure en toute
humilité que le portrait ressemble. Je le trouve encore bien honnête à mon âge de soixante-quatre ans ;
et si vous vouliez vous entendre avec mon patron d'Olivet, pour en faire tirer une copie et la nicher
dans l'Académie, au-dessous de la grosse et rubiconde face de l'abbé de Bernis, vous empêcheriez nos
amis les dévots de dire qu'on n'a pas osé mettre la mine d'un profane comme moi au-dessous du plus
gras des abbés. » Voltaire se trompe dans cet intervalle de huit années qu'il assigne à leur séparation. Il
avait quitté, il est vrai, la France en 1750; mais il avait revu un instant ses anges aux eaux de Plombières,
en 17^4. H semble avoir renoncé à cette copie de De Latour, dont il avait chargé sa nièce. Dans une nou-
velle lettre du 16 juin, revenant sur son portrait que d'Argental s'obstinait à trouver affreux : « Je vous
jure, reprenait-il, que je suis aussi laid que mon portrait, croyez-moi. Le peintre n'est pas bon, je
l'avoue; mais il n'est pas flatteur. Faites-en faire, mon cher ange, une copie pour l'Académie. Qu'im-
porte après tout que l'image d'un pauvre diable qui sera bientôt poussière soit ressemblante ou non?
Les portraits sont une chimère comme tout le reste. » Les choses en ces heureux temps n'allaient pas à
toute vapeur, par la meilleure des raisons ; l'on en agissait un peu comme si Ton eût été immortel. A
ce titre au moins Voltaire avait quelque excuse. Il est pourtant plus pressé que tous ceux qui
l'entourent. Et il écrivait encore, le 25 novembre 1760, à l'ange gardien : « A propos d'Académie, ne
voudriez-vous pas avoir la bonté de lui donner mon portrait? Qu'importe qu'il soit mal ou bien? Je
n'irai pas me faire peindre à soixante et sept ans. Il s'agit seulement que Fréron ne soit pas en droit
de dire qu'on n'a pas voulu de moi à l'Académie, même en peinture. » Mais ce portrait, quel est-il?
a-t-il été gravé? la trace s'en est-elle retrouvée? Voilà encore un problème à résoudre.

Gustave Desnoiresterres.

(La suite prochainement.)

Fac-similé d'un marteau de porte, composé et grave
par Lepautre.
 
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