L' art: revue hebdomadaire illustrée (2.1876 (Teil 3))

NOTRE BIBLIOTHÈQUE.

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ment de l'esprit des choses qu'on prétend ressusciter, et d'en
pénétrer le sens complet, est de les éclairer sur toutes leurs faces
par l'accumulation de documents, qui, pour être indirects, n'en

Dessin de Brueghel. Les Vices (Invidia).

composition du livre lui-même. Nous tenons seulement à rap-
peler que M. Champfleury démolit en passant, et très-compléte-
ment, les théories de ces abstracteurs de quintessence qui s'ob-

Dessiu des Songes drolatiques.

sont pas moins parfois les plus intéressants et les plus essentiels.

Au point de vue de l'exécution matérielle du volume, nous
pouvons dire qu'il est semé de gravures plus réjouissantes
les unes que les autres. Il ne serait pas facile sans doute d'y

Dessin des Songes drolatiques.

découvrir des spécimens de l'art classique et; académique; ce
sont pour la plupart des fantaisies plus ou moins spirituelles, où
il faut chercher la pensée plus que la forme. Les amateurs de la
beauté pure et de l'esthétique universitaire n'y trouveront pas
leur compte. Aussi feront-ils bien de ne pas l'y aller chercher.

Mais pour ceux qui dans l'art poursuivent avant tout les
manifestations du génie humain et les marques des diverses
préoccupations qui l'ont saisi tour à tour, il y a dans cette suc-
cession de bonshommes et d'animaux fantastiques ample ma-
tière à réflexions et à considérations, même esthétiques. Cet art
rudimentaire n'en est pas moins de l'art, et sa franchise souvent
brutale n'empêche pas qu'on y puisse entrevoir le germe des
qualités et des défauts que feront épanouir une culture et.un
développement plus complets.

Mais nous n'avons pas à nous arrêter à ces détails qui sont
connus des lecteurs de la première édition, non plus que sur la

stinent à retrouver des pensées profondes ou du moins pieuses,
sous chacune des fantaisies des vieux « tailleurs d'ymaiges •> qui
ont décoré nos églises du moyen âge. Pour un peu, ils compo-
seraient un vocabulaire spécial de cette langue nouvelle, rivale
des antiques hiéroglyphes. Il leur déplaît d'avoir à reconnaître
la franchise quelque peu ordurière de la sculpture religieuse de
ces âges de foi et, depuis quelque cinquante ans, ils ont presque
réussi à tisser sur le tout une toile d'interprétations bienséantes,
qui aurait fini par faire disparaître les réalités vraies.

Dessin de Brueghel. Les Vices (Avaritià.)

M. Champfleury a rétabli ces textes de pierre dans leur cru-
dité native et originale, et il se trouve que en somme cette
grossièreté naïve et bonne enfant est infiniment plus saine que
cet amas d'affadissantes sentimentalités et de fantaisies niaises,
dont un symbolisme trop collet-monté avait prétendu les cou-
vrir.

Du symbolisme religieuse il rapproche le symbolisme révolu-
tionnaire, et il n'a pas de peine à démontrer que le secondji'a
pas plus de réalité que le premier. Si les sculptures des églises
sont remplies de figures plus ou moins grossières et obscènes, ce
n'est pas plus pour dénoncer à la postérité les turpitudes mona-
cales et servir les rancunes du clergé séculier contre le clergé
régulier que pour dissimuler des analogies théologiques. C'est tout
simplement parce que, au moyen âge, l'imagination des hommes
était tout naturellement ordurière. On ignorait encore toutes les
délicatesses de langage, tous les déguisements d'expression,
toutes les finesses de sous-entendus qui font la meilleure part de
l'esprit moderne. On disait et on représentait les choses crûment
comme on les pensait. M. Champfleury en cite de curieux
exemples. Un Livre d'Heures, spécialement exécuté pour la dame
de Saluées, était enrichi d'enluminures obscènes, qui, à ce qu'il
paraît, ne troublaient en rien les méditations pieuses de la noble
lectrice (page 207). Les Rosiers et [Nouvelles de ce temps que