Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 3)

DOI Artikel:
Leroi, Paul: Les parias du salon, [1]
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.16691#0290

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
LES PARIAS DU SALON. 247

ments, ses recherches, son but et ses modifications successives aboutissant enfin avec éclat à
la maîtrise, en dégageant ses aspirations toujours élevées de l'incontestable excès de préciosité, de
raffinements trop savants qui les voilaient en partie. Hercule et l'Hydre de Lerne se rattache directe-
ment, si ce n'est complètement, au passé de l'auteur du Jeune Homme et la Mort ; la Salomé marque un
pas décisif en avant, car M. Moreau y fait bien plus œuvre de peintre ; on peut lui reprocher toutefois
d'en avoir plutôt fourni la preuve dans la partie architecturale qui est d'une merveilleuse virtuosité que
dans ses figures, dont les vêtements somptueux sont seuls traités, je ne dirai pas avec autant de soin
mais avec autant de passion, c'est le seul mot vrai.

Le Saint Sébastien semble un dernier regard jeté en arrière ; ce n'est qu'une réminiscence de
quelque missel et, pour tout dire, un pastiche malheureux qu'alourdit encore un encadrement du goût
le plus contestable. Reste VApparition. Je ne m'arrêterai pas à examiner si c'est bien de l'aquarelle
pure, si elle n'est pas plus ou moins gouachée; en présence d'une pareille création, la question de
procédé devient tout à fait secondaire, et je ne m'en inquiète qu'à un seul point de vue : quel qu'il soit,
le procédé est-il tellement en harmonie avec la pensée qu'on ne la comprend pas interprétée d'une
autre façon ou que l'on se figure que toute autre interprétation la dénaturerait? — Ici comme dans
toute œuvre vraiment inspirée, la tète s'est trouvée admirablement servie par la main qui a
fait preuve d'une liberté de faire, d'une largeur, d'une souplesse, d'un brio sans précédents dans la
manière de l'artiste ; celui-ci ne s'est pas un seul instant laissé éblouir par les splendeurs architectu-
rales ; aussi ses figures sont-elles bien dans le monument qui ne les domine pas un instant et se borne
à faire partie d'un ensemble excellent, tout en y gagnant lui-même en grandeur, en richesse, en
mystère. Ce palais oriental vous fait rêver à quelque coin ignoré de Saint-Marc dont il a. les chatoie-
ments prismatiques, les scintillements des mosaïques, les colorations de jaspe, de porphyre, d'albâtre
oriental, de vert antique et de lapis. Le roi est tout autant un despote blasé que dans la Salomé, mais
il n'existe pas en quelque sorte à l'état d'ombre, — il vit. Le bourreau est d'une impassibilité
superbe que ne distrait pas un seul instant l'apparition de la tête sanglante de saint Jean dont le
caractère ne saurait trop être admiré. Les formes tout orientales de la Salomé que dissimulent à peine
d'innombrables pierreries, leur unique vêtement, tiennent de la divination ; c'est à la fois vrai de la
vérité matérielle et de la vérité artistique. L'effroi de la danseuse à la vue du sang qui se répand à flots
sous ses pas et qui contraste si intelligemment avec les roses semées sur le sol, ne dépasse pas la
limite du genre d'émotion auquel peut être accessible cette organisation bestiale que domine triom-
phante la pâle tète du supplicié au regard fixe comme le remords.

La scène est profondément dramatique et appartient en tous points à l'art le plus élevé ; la
clarté d'une belle ordonnance, soutenue par une exécution non moins brillante, ajoute un mérite nou-
veau au talent de M. Gustave Moreau qui a su être fantastique avec mesure sans tomber dans le
bizarre, et qui vient par cette composition vraiment magistrale de se créer des devoirs nouveaux; il a
trouvé sa voie définitive, celle qui permet de créer des pages immortelles; il s'agit de ne plus s'en
écarter.

II

MM'M! de Rothschild et Lemaire, MM. Brunet-Debaines, John Lewis Brown, Ber-
chère, de Dartein, Gaucherel, Filosa, Pio Joris, Harpignies, Guiaud, Pierre
Gavarni, Le Bas, Le Villain, J. B. Millet, Vallée et Toussaint.

Regarder sans voir est une des qualités transcendantes de ces Aristarques nouveau-nés, et natu-
rellement ils se couvrent ensuite la tête de cendres pour nous servir une nouvelle édition des lamen-
tations de Jérémie à propos d'oeuvres qui sont pour eux lettre close, mais dont ils constatent d'autant
plus sérieusement le maigre intérêt, l'insignifiance fastidieuse, l'absence d'esprit, la faiblesse
inquiétante, la pauvreté, la misère, — que sais-je encore ! — tout le vocabulaire désespéré y
passe.
 
Annotationen