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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 3)

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Wedmore, Frederick: "Old crome": 1769-1821
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https://doi.org/10.11588/diglit.16691#0345

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290 L'ART.

s'il se doute que Wilson ait existé. Une ou deux fois seulement il côtoie Gainsborough. Hobbema est
son ancêtre, l'art des Pays-Bas son modèle et son inspirateur. Sa nature franche et robuste ne lui
permit pas de s'astreindre au simple rôle de copiste, de sorte que dans la voie étroite qu'il a prise son
art est essentiellement anglais, — anglais du Norfolk. Mais toute son admiration est pour l'art hollan-
dais. Il en avait, dans sa jeunesse, vu par-ci par-là et souvent des exemples dans les châteaux et les
maisons de campagne où il avait accès; et jamais il ne cessa de s'en inspirer. Dans la force de l'âge, il
réussit à voir Paris, alors que le Louvre regorgeait de trésors; et il est probable qu'à cette occasion,
passant par Londres, il a dit s'initier à un art anglais moins restreint dont les œuvres étaient acces-
sibles à tout visiteur de la métropole ; mais son idéal était depuis longtemps arrêté, sa méthode arrivée
à parfaite maturité, et elles n'eurent point d'autorité sur lui. En mourant il parlait encore d'Hobbema.

Ce maître lui enseigna la confiance dans la Nature, même en ses banalités. Il avait au plus haut
degré la passion de la fidélité. De tous nos réalistes il est le plus intransigeant. C'était chez lui un
parti pris de ne peindre que ce qu'il voyait, et pour nous c'est une bonne fortune qu'un réaliste aussi
impitoyable vît d'aussi belles choses. Parfois, il faut en convenir, il est ennuyeux et sec dans des
œuvres qui sont de lui incontestablement, sans parler de celles qu'on lui attribue sans vergogne préci-
sément à cause de leur ennuyeuse sécheresse. Mais ses créations les meilleures, bien que son art
n'impose pas une sensation immédiate, ont un inépuisable charme qu'il y a répandu à travers mille
subtilités d'observation. Son paysage est précisément le contre-pied du paysage d'impression rapide.
Il peint les choses telles qu'elles sont, sans songer un seul instant à les éviter pour brusquer l'effet.
Dans ses trois plus grands tableaux, et particulièrement dans celui de M. Steward, le Chêne à Porin-
gland, chaque feuille vit, mais, quel que soit le fini du détail, il ne compromet jamais la qualité de
l'ensemble. Sa précision minutieuse existe sans être apparente. L'ombre et le soleil, — l'ombre des
sites profonds et des retraites obscures et fraîches, le soleil de l'après-midi qui se joue gaiement sur le
feuillage du premier plan, — remplissent chacun son rôle et avec une vérité si serrée que l'œuvre tout
entière a l'intérêt de la vie elle-même. A l'avant-plan, dans le bas, un étang avec quelques figures de
baigneurs, œuvres d'un certain Michael Sharp, portraitiste de la localité — d'après une tradition de famille,
ces baigneurs ne seraient autres que les fils de Crome ; — à la gauche du tableau l'horizon s'élargit sou-
riant; un champ parsemé d'arbustes, qu'éclairent les rayons obliques et déjà moins brûlants du soleil;
les bâtiments éparpillés d'une ferme, et comme couronnement le ciel clair, transparent et profond.

Ce tableau est de 1818, — Crome avait alors quarante-neuf ans, — et il fut peint avec tout le
soin, avec tout le savoir accumulé qu'implique la pleine maturité du talent, avec un sentiment affiné
par l'expérience, et certainement sans aucune arrière-pensée pécuniaire. Un immense enthousiasme
soutenait Crome dans ses efforts pour atteindre à la perfection, et doublait son énergie personnelle. Il
mourut trois ans après l'exposition du Chêne de Poringland à Norwich et l'envoi du tableau à l'acqué-
reur ; il projetait un tableau représentant la rivière de Norwich sillonnée débarques; c'eût été, disait-il,
son chef-d'œuvre, et grâce à son esprit indomptable, à l'ingénuité de sa pensée constamment dirigée
vers le même but, la prédiction se fût sans nul doute accomplie.

Les circonstances de sa vie méritent d'être notées ; elles montrent à quel point il était attaché à
son art. Né de parents pauvres, ayant à peine quelque éducation, apprenti chez un peintre en bâti-
ments, il résolut de devenir un artiste. Dans une ville de province, l'idée d'être artiste impliquait alors
la nécessité de se faire maître de dessin, et Crome, à peine plus instruit que ses élèves, se mit brave-
ment à enseigner; c'est en enseignant qu'il apprit; c'est en montrant les principes de l'art qu'il les
découvrit. Il se maria de bonne heure et eut plusieurs fils. Il se fraya son chemin petit à petit et finit
par se faire une existence. Il trouva un ami fidèle en M. Harvey, de Catton, homme riche et peintre
amateur, dans l'atelier duquel il travaillait souvent. Les leçons de dessin en ville et dans les maisons
de campagne des environs lui fournirent l'occasion d'étudier les maîtres hollandais. Dès cette époque
il peignait des paysages et les vendait à bas prix. Même à la fin de sa vie, une de ses toiles capitales
ne lui fut payée que 50 livres. De 1805 date le grand acte de sa vie, l'établissement de la Société
d'Artistes de Norwich, à la tête de laquelle en 1810 nous trouvons Cotman et lui associés, Crome pré-
sident, Cotman vice-président de la Société. Les membres avaient un atelier commun dont ils usaient
à des heures déterminées. Ils avaient une exposition annuelle dans l'hôtel de Sir Benjamin Wrench.
 
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