GUSTAVE COURBET. 149
possède plus ; il n'a la patience ni de mesurer, ni de réfléchir, ni de combiner, d'interpréter en
homme ces spectacles variés de la nature. La série est purement objective. Quelques essais
tendent au paradoxe ; la proportion entre les deux éléments, terre et ciel, est parfois vicieuse,
la mise en cadre fausse. Les inconvénients de l'improvisation sont flagrants : voilà des notes
pleines, éclatantes, gaies, douces, terribles ; partout il manque quelque chose pour en faire un
air. Enfin, la crânerie de l'exécution est excessive, et cette peinture au couteau fatigue, à la fin,
comme les exercices d'un virtuose.
« Comme l'Hallali, le Combat de cerfs, le Ruisseau couvert résument des séries d'études de
paysages et d'animaux, la Femme au Perroquet résume la force totale de l'artiste appliquée à la
reproduction et à l'interprétation de l'homme. La ligne générale du corps est hardie comme dans
les personnages de l'Hallali. Pour la finesse, la richesse, la transparence ambiante, la tête et le
Le Cerf blessé, essai lithographique de Courbet.
Dessin de Mary Labbé, d'après l'épreuve unique appartenant à M. Ph. Burty.
bras gauche sont d'un maître peintre. On chercherait vainement aujourd'hui, dans toutes les
écoles européennes, un artiste capable de peindre ainsi la chair, mais les extrémités sont laides
et l'expression ne révèle pas autre chose que la nature animale.
« Il en est de même de l'un de ses meilleurs tableaux, les Baigneuses, dignes de venir
d'Anvers, et presque dignes de Van Dyck, de Van Dyck naturaliste, séparé des entraînements de
Rubens, des grâces et des noblesses cavalières de ses portraits.
« Combien ce goût de la grâce et de la noblesse manque lamentablement aux portraits de
M. Courbet ! Il résume et élève volontiers le type des animaux ; témoin ses cerfs, son cheval de
l'Hallali, son cheval du piqueur, sa Vache perdue, ses bœufs, les biches saisies au vol dans le
Change, etc.. Mais la nature humaine s'abaisse sous son pinceau. Il perd le plus souvent à la
reproduire, même ses qualités techniques Jamais ou presque jamais il n'a compris ni atteint
l'élégance, la hauteur de l'esprit, la délicatesse, le sentiment intime2. Si l'on adoptait la croyance
U « Excepter le portrait de M. Suisse pour la vigueur, et les portraits du peintre pour la finesse du coloris.
2- « Excepter les portraits de l'auteur, l'un pour l'Atelier, l'autre sous le titre de Joueur de contre-basse. Celui-ci a un air italien très-
accentué et de belles mains frémissantes. a
possède plus ; il n'a la patience ni de mesurer, ni de réfléchir, ni de combiner, d'interpréter en
homme ces spectacles variés de la nature. La série est purement objective. Quelques essais
tendent au paradoxe ; la proportion entre les deux éléments, terre et ciel, est parfois vicieuse,
la mise en cadre fausse. Les inconvénients de l'improvisation sont flagrants : voilà des notes
pleines, éclatantes, gaies, douces, terribles ; partout il manque quelque chose pour en faire un
air. Enfin, la crânerie de l'exécution est excessive, et cette peinture au couteau fatigue, à la fin,
comme les exercices d'un virtuose.
« Comme l'Hallali, le Combat de cerfs, le Ruisseau couvert résument des séries d'études de
paysages et d'animaux, la Femme au Perroquet résume la force totale de l'artiste appliquée à la
reproduction et à l'interprétation de l'homme. La ligne générale du corps est hardie comme dans
les personnages de l'Hallali. Pour la finesse, la richesse, la transparence ambiante, la tête et le
Le Cerf blessé, essai lithographique de Courbet.
Dessin de Mary Labbé, d'après l'épreuve unique appartenant à M. Ph. Burty.
bras gauche sont d'un maître peintre. On chercherait vainement aujourd'hui, dans toutes les
écoles européennes, un artiste capable de peindre ainsi la chair, mais les extrémités sont laides
et l'expression ne révèle pas autre chose que la nature animale.
« Il en est de même de l'un de ses meilleurs tableaux, les Baigneuses, dignes de venir
d'Anvers, et presque dignes de Van Dyck, de Van Dyck naturaliste, séparé des entraînements de
Rubens, des grâces et des noblesses cavalières de ses portraits.
« Combien ce goût de la grâce et de la noblesse manque lamentablement aux portraits de
M. Courbet ! Il résume et élève volontiers le type des animaux ; témoin ses cerfs, son cheval de
l'Hallali, son cheval du piqueur, sa Vache perdue, ses bœufs, les biches saisies au vol dans le
Change, etc.. Mais la nature humaine s'abaisse sous son pinceau. Il perd le plus souvent à la
reproduire, même ses qualités techniques Jamais ou presque jamais il n'a compris ni atteint
l'élégance, la hauteur de l'esprit, la délicatesse, le sentiment intime2. Si l'on adoptait la croyance
U « Excepter le portrait de M. Suisse pour la vigueur, et les portraits du peintre pour la finesse du coloris.
2- « Excepter les portraits de l'auteur, l'un pour l'Atelier, l'autre sous le titre de Joueur de contre-basse. Celui-ci a un air italien très-
accentué et de belles mains frémissantes. a