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CI
LES VIEILLES VILLES D'ITALIE, NOTES ET SOUVE-
NIRS. — Ouvrage illustré de 102 dessins à la plume, par
A. Robida, reproduits en fac-simiie. — 1 vol. grand-in-8
de 288 pages. Paris, Maurice Dreyfous, e'diteur, 10, rue de la
Bourse. — 1878.
« Au fur et à mesure que, la socie'té s'organisant de plus en
plus, nous laissons en route les coutumes, les manières, les ar-
tion moderne, amie de la lumière et du soleil. Il aime les coins
noirs et obscurs, les contrastes, les antithèses; sapoe'sie, quelque
peu exclusive et intolérante, demeure fidèle aux théories roman-
tiques, et ses peintures ressemblent étonnamment à celles
de 1830.
« Vieilles villes, je vous aime ! s'écrie-t-il tout d'abord.
Vieilles villes à tourelles pointues, à clochetons fièrement ar-
més, comme autant de chevaliers, de hautes lances à girouettes
grinçantes;
« Vieilles villes, à la fois tours et campaniles, rues à arca-
rangements, tous les pro- des, vieilles maisons à tou-
duits physiques et moraux y " s<ssç%ss>-r- relies effilées et à pignons
d'un âge qui s'en va, — à /^fii^llsfsl gigantesques, d'un sévère
mesure que Péloignemcnt i^WlS^Éiïllt! profil, maisons incommodes
s'accroît et que devient _^ / fli^^^^^^ peut-être pour l'habitation,
tranchée la différence entre ', , ^Jjwj^MKL^ . mais, — à cela près, — si
toutes ces choses d'autre- _ " C^^-i-. x^SSWtlH* V i n\. iT^ récréatives pour l'œil char-
fois et les choses analogues -7» „ ^i^^'=J^rf^M^^A>wmBh ^JUB Va n^mmJ Î&?V* mé du passant. »
qui nous sont familières;— ,„».•''"'" ~ '^Wi~â^rm^X^^ÊHBÊÊk ^^Tk^^J^'^ continue ainsi
à mesure aussi elles com- :„ï>\'i'.;i » s . ''^^^^^^fev pendant trois pages toutes
mencent à prendre un air ''f^^^^^^'^^^^nSOS^^Êl^^1' "^™^W'1 j^ljBLi pleines de tendresse pour
poétique et elles devien- ^^^1^^^^^^B^^~mP^'es ^ 'eux repaires de bri-
nent propres à un rôle ^fÊ^^^^^^y mT_<.-^t^-^IÉl' j^^Sfe^ % M|( ^ gands d'autrefois, et d'ana-
décoratif. Et de là une àtSfc^Afth.^.. °~W '^^ps^mz^^^^^^^^^^^^'j- - ^~> thèmes pour les vandales
conséquence : les choses et tv^B^arU11-— ^ j&J^^^Bafe^^^^^^^^^r^^" ^^*R>» ' modernes qui sont arrivés
les événements qui sont ^TP"^ " r-p3!^^^ . ___y à ce point de dépravation
tout proches de nous, et Dessin tiré des Vieilles Villes d'Italie. (Paris, Dreyfous.) artistique de croire que les
qui réveillent des idées peu villes et les maisons sont
différentes de nos idées ordinaires, sont, en comparaison, de
peu d'utilité pour l'artiste. »
C'est par ces lignes que se termine un chapitre de Herbert
Spencer, sur l'utile et le beau1. Pour lui, le beau d'aujourd'hui
c'est l'utile d'hier. On ne peut pas dire que ce soit faux ; mais
ce n'est pas vrai non plus. Ce n'est pas faux, car il y a une grande
part de vérité ; il est bien certain que beaucoup de choses qui
faites pour la commodité des gens qui les habitent plutôt que
pour la récréation des touristes qui les traversent.
« O voyageur! dit-il plus loin, par respect pour la majesté
de Venise, méconnue par ses propres enfants, prends une gondole
à l'heure, —• encore un terme prosaïque, — pour remonter le
Grand-Canal, et quand le gondolier approchera du chemin de fer
que les poétiques Italiens appellent Strada/errata en style noble
étaient autrefois utiles sont et ferro-via en langage
devenues poétiques en per- V^ÊÏÏkm. __________— ' j^BEte^,, vulgaire, fais-lui signe de
dant leur utilité, vieux jÊh,, jfjj l/mL -if^nf^'^^^^^'^f """"•TTTTTifr w if^^^^y s'élancer dans un des petits
monuments, vieux usages. IflPffl^fff plM^M ^f^jls I JfflM'|«wf||(:"; AHL ■ canaux de traverse, afin
vieilles religions, etc. Ce |l L ni | ! ^PjS fjf \ :i|î|||, p J^HkHI/ de ne Pas t'attrister l'âme
n'est pas vrai en ce sens il MW if jj \% Il '|IW| .J Mj^^jr par la vue affligeante de la
que ce ne l'est pas complé- IIP lL$s*',,'t """"H" il' *Ë=9 V^i^k^HBjlri^ gare, avant le fatal moment
tement et que la théorie &m\À/'r '• ^•/^•^"•'fiâ '.'jal H I - ■ î - Jfn/L&liïWtBÈ 1 S$ du départ. »
d'Herbert Spencer n'expli- - NS &^IBf ^ Mais à 1uoi bon do8-
que ni ne contient toutes lfifc^*|É«H^ ^> ™atiser à propos de bou-
les différences qui existent -4|||f||$l!r •^ËBiSffiwfesg* 1 I ^Trea^Sjl H»- jÉsU&T—tades sans prétentions?
entre l'utile et le beau. ' fl|||nfc±sssl^^ /ÉMP „ Rien évidemment n'a été
expression et la peinture 'IfflMk^A^^ j'iji - plus loin de la pensée de
des passions, des sentiments MAM,, m\ ft Ml M l'auteur que de tenter une
n'ont pas besoin d'être * "* " --t==^#-^*b^E?b8|.."''I»Wp réaction contre les chemins
vieillies pour être poéti- Dessin tire des Vieilles Villes d'Italie. (Paris, Dreyfous.) de fer et l'industrie mo-
ques. Les merveilles même derne. C'est simplement un
artiste en quête de sensations nouvelles, et qui naturellement
les cherche là où elles se trouvent, c'est-à-dire dans les spec-
tacles qu'il n'a pas l'habitude de voir. Ce qu'il aime surtout
dans les vieilles villes, c'est qu'elles ne ressemblent pas à celles
qu'il voit tous les jours.
Aussi les aime-t-il d'autant plus qu'elles sont plus étranges,
plus noires, plus horribles. Il faut lire par exemple le tableau
qu'il trace de Sienne avec ses « rues féroces et ses palais rébarba-
de l'industrie humaine, la forge, la locomotive, l'électricité, pour
qui sait regarder et comprendre, ne manquent pas de poésie,
quoique modernes et quoique utiles. Les embellissements
mêmes des villes modernes, malgré le mauvais goût qu'on peut
leur reprocher, ont leur poésie, par l'air et la lumière qu'ils
font pénétrer et circuler dans les vieilles cités noires et
boueuses.
M. Robida ne paraît pas croire à cette poésie de la civilisa-
1. Essais de morale, de science et d'esthétique, par Herbert Spencer. — I. Essais sur le Progrès; traduit de l'anglais par M. A. Burdeau. Paris, Germer
Baillière.
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LES VIEILLES VILLES D'ITALIE, NOTES ET SOUVE-
NIRS. — Ouvrage illustré de 102 dessins à la plume, par
A. Robida, reproduits en fac-simiie. — 1 vol. grand-in-8
de 288 pages. Paris, Maurice Dreyfous, e'diteur, 10, rue de la
Bourse. — 1878.
« Au fur et à mesure que, la socie'té s'organisant de plus en
plus, nous laissons en route les coutumes, les manières, les ar-
tion moderne, amie de la lumière et du soleil. Il aime les coins
noirs et obscurs, les contrastes, les antithèses; sapoe'sie, quelque
peu exclusive et intolérante, demeure fidèle aux théories roman-
tiques, et ses peintures ressemblent étonnamment à celles
de 1830.
« Vieilles villes, je vous aime ! s'écrie-t-il tout d'abord.
Vieilles villes à tourelles pointues, à clochetons fièrement ar-
més, comme autant de chevaliers, de hautes lances à girouettes
grinçantes;
« Vieilles villes, à la fois tours et campaniles, rues à arca-
rangements, tous les pro- des, vieilles maisons à tou-
duits physiques et moraux y " s<ssç%ss>-r- relies effilées et à pignons
d'un âge qui s'en va, — à /^fii^llsfsl gigantesques, d'un sévère
mesure que Péloignemcnt i^WlS^Éiïllt! profil, maisons incommodes
s'accroît et que devient _^ / fli^^^^^^ peut-être pour l'habitation,
tranchée la différence entre ', , ^Jjwj^MKL^ . mais, — à cela près, — si
toutes ces choses d'autre- _ " C^^-i-. x^SSWtlH* V i n\. iT^ récréatives pour l'œil char-
fois et les choses analogues -7» „ ^i^^'=J^rf^M^^A>wmBh ^JUB Va n^mmJ Î&?V* mé du passant. »
qui nous sont familières;— ,„».•''"'" ~ '^Wi~â^rm^X^^ÊHBÊÊk ^^Tk^^J^'^ continue ainsi
à mesure aussi elles com- :„ï>\'i'.;i » s . ''^^^^^^fev pendant trois pages toutes
mencent à prendre un air ''f^^^^^^'^^^^nSOS^^Êl^^1' "^™^W'1 j^ljBLi pleines de tendresse pour
poétique et elles devien- ^^^1^^^^^^B^^~mP^'es ^ 'eux repaires de bri-
nent propres à un rôle ^fÊ^^^^^^y mT_<.-^t^-^IÉl' j^^Sfe^ % M|( ^ gands d'autrefois, et d'ana-
décoratif. Et de là une àtSfc^Afth.^.. °~W '^^ps^mz^^^^^^^^^^^^'j- - ^~> thèmes pour les vandales
conséquence : les choses et tv^B^arU11-— ^ j&J^^^Bafe^^^^^^^^^r^^" ^^*R>» ' modernes qui sont arrivés
les événements qui sont ^TP"^ " r-p3!^^^ . ___y à ce point de dépravation
tout proches de nous, et Dessin tiré des Vieilles Villes d'Italie. (Paris, Dreyfous.) artistique de croire que les
qui réveillent des idées peu villes et les maisons sont
différentes de nos idées ordinaires, sont, en comparaison, de
peu d'utilité pour l'artiste. »
C'est par ces lignes que se termine un chapitre de Herbert
Spencer, sur l'utile et le beau1. Pour lui, le beau d'aujourd'hui
c'est l'utile d'hier. On ne peut pas dire que ce soit faux ; mais
ce n'est pas vrai non plus. Ce n'est pas faux, car il y a une grande
part de vérité ; il est bien certain que beaucoup de choses qui
faites pour la commodité des gens qui les habitent plutôt que
pour la récréation des touristes qui les traversent.
« O voyageur! dit-il plus loin, par respect pour la majesté
de Venise, méconnue par ses propres enfants, prends une gondole
à l'heure, —• encore un terme prosaïque, — pour remonter le
Grand-Canal, et quand le gondolier approchera du chemin de fer
que les poétiques Italiens appellent Strada/errata en style noble
étaient autrefois utiles sont et ferro-via en langage
devenues poétiques en per- V^ÊÏÏkm. __________— ' j^BEte^,, vulgaire, fais-lui signe de
dant leur utilité, vieux jÊh,, jfjj l/mL -if^nf^'^^^^^'^f """"•TTTTTifr w if^^^^y s'élancer dans un des petits
monuments, vieux usages. IflPffl^fff plM^M ^f^jls I JfflM'|«wf||(:"; AHL ■ canaux de traverse, afin
vieilles religions, etc. Ce |l L ni | ! ^PjS fjf \ :i|î|||, p J^HkHI/ de ne Pas t'attrister l'âme
n'est pas vrai en ce sens il MW if jj \% Il '|IW| .J Mj^^jr par la vue affligeante de la
que ce ne l'est pas complé- IIP lL$s*',,'t """"H" il' *Ë=9 V^i^k^HBjlri^ gare, avant le fatal moment
tement et que la théorie &m\À/'r '• ^•/^•^"•'fiâ '.'jal H I - ■ î - Jfn/L&liïWtBÈ 1 S$ du départ. »
d'Herbert Spencer n'expli- - NS &^IBf ^ Mais à 1uoi bon do8-
que ni ne contient toutes lfifc^*|É«H^ ^> ™atiser à propos de bou-
les différences qui existent -4|||f||$l!r •^ËBiSffiwfesg* 1 I ^Trea^Sjl H»- jÉsU&T—tades sans prétentions?
entre l'utile et le beau. ' fl|||nfc±sssl^^ /ÉMP „ Rien évidemment n'a été
expression et la peinture 'IfflMk^A^^ j'iji - plus loin de la pensée de
des passions, des sentiments MAM,, m\ ft Ml M l'auteur que de tenter une
n'ont pas besoin d'être * "* " --t==^#-^*b^E?b8|.."''I»Wp réaction contre les chemins
vieillies pour être poéti- Dessin tire des Vieilles Villes d'Italie. (Paris, Dreyfous.) de fer et l'industrie mo-
ques. Les merveilles même derne. C'est simplement un
artiste en quête de sensations nouvelles, et qui naturellement
les cherche là où elles se trouvent, c'est-à-dire dans les spec-
tacles qu'il n'a pas l'habitude de voir. Ce qu'il aime surtout
dans les vieilles villes, c'est qu'elles ne ressemblent pas à celles
qu'il voit tous les jours.
Aussi les aime-t-il d'autant plus qu'elles sont plus étranges,
plus noires, plus horribles. Il faut lire par exemple le tableau
qu'il trace de Sienne avec ses « rues féroces et ses palais rébarba-
de l'industrie humaine, la forge, la locomotive, l'électricité, pour
qui sait regarder et comprendre, ne manquent pas de poésie,
quoique modernes et quoique utiles. Les embellissements
mêmes des villes modernes, malgré le mauvais goût qu'on peut
leur reprocher, ont leur poésie, par l'air et la lumière qu'ils
font pénétrer et circuler dans les vieilles cités noires et
boueuses.
M. Robida ne paraît pas croire à cette poésie de la civilisa-
1. Essais de morale, de science et d'esthétique, par Herbert Spencer. — I. Essais sur le Progrès; traduit de l'anglais par M. A. Burdeau. Paris, Germer
Baillière.