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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 4.1878 (Teil 1)

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Perrier, Henri: Trois cercles: Paris et Londres
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https://doi.org/10.11588/diglit.16908#0263

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228 L'ART.

complète de dessins anciens, la plus remarquable que l'on ait vue jusqu'ici ? Et qu'il serait aisé
dans une ville où abondent les collections, de rivaliser avec l'œuvre de tant de goût si
admirablement accomplie par l'intelligent baronet anglais, un Mécène sans phrases, espèce rare,
rarissime et dont on serait assez embarrassé de faire le dénombrement ! Mais on me répondrait
trop aisément que nous ne sommes pas en Angleterre, mais en France et qu'il faut y être plus
modeste. A mon tour je pourrais fort justement répliquer que c'est là un vieux cliché à l'usage
de la seule routine, mais comme je ne convaincrais pas les pusillanimes qui en matière d'initiative
privée sont les trois quarts du temps en majorité, je me contenterai de choisir mon exemple à
imiter dans un cercle fort humble comparé aux deux riches et luxueuses sociétés parisiennes. Le
Burlington Fine Arts Club de Londres est installé dans une maison convenable — rien de plus
— de Savile R<m>, à deux pas de Regent Street ; il fait fort peu parler de lui par ses fêtes, mais
beaucoup par ses manifestations intellectuelles ; en 1874, il conviait les amateurs à une exposition
de manuscrits enrichis des plus précieuses miniatures; en 1875" il réunissait l'œuvre de Thomas
Girtin et un choix des plus belles pièces de Wenceslas Hollar ; l'année suivante c'était le tour de
la collection de verres églomisés du marquis d'Azeglio, lequel a depuis fait don de cette belle
série qui part du xive siècle pour ne s'arrêter qu'au nôtre ; la même année le Club offrait pour la
première fois aux curieux l'occasion d'étudier l'œuvre étrange de William Blake, et l'an dernier la
plupart des dévots de Rembrandt ont fait le voyage pour admirer au Burlington Fine Arts Club
les splendides épreuves de choix qui représentaient les créations du roi des aquafortistes classées
chronologiquement. Les catalogues de toutes ces intéressantes et fécondes initiatives ne sont pas
mis en vente, mais, imprimés pour les seuls membres de la Société, ils sont en général de
véritables modèles du genre et l'objet des convoitises passionnées des amateurs.

En dehors de ses diverses et fréquentes solennités annuelles, le Club consacre ses salles pri-
vées à des expositions permanentes d'œuvres d'art, prêtées pour un certain temps par ses membres
qui introduisent les étrangers avec l'empressement le plus courtois. C'est ainsi que j'ai pu y étudier
tout récemment un portrait d'homme par Lorenzo Lotto, appartenant à Sir William Drake, et un
profil de femme de Sandro Botticelli à M. Alfred Seymour, œuvres maîtresses toutes deux, puis
le portrait d'une horribilissime duchesse de Carinthie, attribué par erreur à Quentin Massys ; on
ne rêve pas plus hideuse créature, mais c'est fièrement peint et bien vivant.

Rien de ce qui touche à l'art n'est étranger au Burlington Fine Arts Club et ce n'est certes
pas lui, dont la bibliothèque et les collections s'enrichissent sans cesse, qui eût laissé échapper
l'occasion de mettre en lumière, par exemple, la dernière planche de M. Paul Rajon. Voilà
un artiste français qui publie à Londres, qui y fait à bon droit sensation et son pays ne paraît
pas même s'en douter. Les deux Cercles artistiques de Paris n'eussent-ils pas fait chose plus
neuve, plus utile, en appelant l'attention sur ce superbe Portrait de Danvin qui révèle une trans-
formation radicale du talent du jeune aquafortiste, qu'en nous montrant routinièrement une foule
d'à-peu-près, d'où ne ressort aucun enseignement, et à peine quelques véritables œuvres d'art ? Je
crois qu'il est d'autant plus de notre devoir de signaler hautement la planche de Rajon, qu'on ne
s'est pas, depuis quelque temps, montré ici même d'une tendresse extrême à son endroit, et ce
n'était que justice, car ses eaux-fortes d'après M. Alma-Tadéma principalement, étaient de la plus
décevante mollesse et bien peu dignes de la pointe qui a gravé, pour le premier numéro de l'Art,
l'un des Pieter de Hooghe de la National Gallery Cette fois, il n'y a qu'à applaudir sans
réserve à la plus heureuse des évolutions. L'estampe de M. Paul Rajon se recommande par la
sûreté du dessin, par la puissance du" modelé qui rend à merveille la tête pensive et si énergique-
ment caractérisée de l'illustre naturaliste, par l'heureux choix des travaux et enfin par la magie de la
couleur. A ce point de vue, cette œuvre si complète réalise, et au delà, toutes les espérances
qu'avaient fait concevoir les premières productions de l'artiste, et il y a lieu de l'en féliciter d'autant
plus que ses nombreuses publications plus récentes avaient quelque peu découragé les admirateurs
de son talent.

Henri Perrier.

j. Voir l'Art, i" année, tome ier, page 24.
 
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