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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 4.1878 (Teil 1)

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Véron, Eugène: Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.16908#0343

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300 L'ART.

volume de même format1, sans compter une foule de monographies, de brochures, un Diction-
naire raisonné du mobilier français, de l'époque carlovingienne à la Renaissance, en six volumes,
et enfin un grand volume sur l'art russe. Mais c'est le propre des esprits de la trempe de celui
de Viollet-le-Duc, que la multiplicité de leurs œuvres puisse se ramener facilement à une ou deux
idées dominantes, qui commandent et contiennent toute la série des développements successifs.
Les intelligences médiocres voient les choses par le détail, et marchent pour ainsi dire par une
série de recommencements. Les intelligences puissantes arrivent plus ou moins vite à une sorte de
synthèse, à une vue d'ensemble, à un principe général dont la fécondité semble inépuisable, et
dont elles n'ont plus qu'à déduire les conséquences.

C'est ce qu'a fait Viollet-le-Duc. C'est pour cela qu'il y a dans tout son œuvre une si' admi-
rable unité. Prenez un à un chacun de ses ouvrages, et vous verrez que tous procèdent de la
même pensée. Partout vous retrouvez la même conception de l'art ; c'est par elle qu'il explique
toute l'histoire de l'architecture française, qui progresse ou décroît selon qu'elle lui reste fidèle
ou qu'elle s'en écarte. C'est comme un phare qui illumine et guide sa marche au milieu de toutes
ses recherches et de la multiplicité de ses exemples, c'est par la même conception qu'il éclaire
d'une lumière toute nouvelle les rapports de la peinture et de la statuaire monumentales avec
l'architecture. Il y a sur ces deux questions, dans son Dictionnaire de l'architecture et dans ses
Entretiens, des articles et des chapitres d'une lucidité merveilleuse et d'une abondance de rensei-
gnements que lui seul pouvait fournir.

C'est la même idée qui domine dans son Dictionnaire du mobilier, et qui en relie les parties
en une unité bien supérieure à celle d'une foule d'autres livres, qui n'ont pourtant pas l'excuse de
l'ordre alphabétique.

Non content de défendre et de propager ses idées par des livres, par des brochures, par des
articles de journaux, il essaya à plusieurs reprises de mettre sous les yeux du public les démons-
trations matérielles des idées qu'il soutenait. Chaque fois il se heurta à l'hostilité vigilante des
partisans de la tradition officielle. Vers 1860, il offrit d'envoyer, sans frais de moulage, des
épreuves de nos plus belles statues des xnc et xin" siècles, pour en former à Paris un musée de
statuaire comparée. On ne lui a pas même répondu. Et cependant, à la même époque, les Anglais
faisaient prendre et expédier à Londres des moulages de ces mêmes statues.

« Si les musées en France, écrit-il dans son Dictionnaire d'architecture, étaient des établisse-
ments sérieusement affectés à l'étude et placés en dehors des systèmes exclusifs, n'aurait-on pas
dû déjà réunir, dans des salles spéciales, des moulages de la statuaire antique et du moyen âge
comparées ? Rien ne serait plus propre à ouvrir l'intelligence des artistes et à leur montrer com-
ment l'art, à toutes les époques, procède toujours d'après certains principes identiques. Cela ne
vaudrait-il pas mieux et ne serait-il pas plus libéral que de repaître notre jeunesse de banalités
et d'entretenir au milieu d'elle une ignorance qui, si les choses continuent ainsi, nous fera honte
en Europe ? Si dans des salles on plaçait parallèlement des figures grecques de l'époque éginé-
tique et des figures du xnc siècle de la statuaire française, on serait frappé des analogies de ces
deux arts , non-seulement quant à la forme, mais quant au faire. Si, plus loin, on mettait en
regard des figures de l'époque du développement grec et du xme siècle français, on verrait par
quels points nombreux se réunissent ces deux arts si différents dans leurs expressions. Mais cela
tendrait à émanciper l'esprit des artistes et à faire reconnaître qu'il y a un art français avant le
xvie siècle, deux choses qu'il faut empêcher à tout prix, parce que ce serait la mort du protec-
torat académique en matière d'art ; et que le protectorat est commode pour ceux qui l'exercent,
comme pour ceux qui s'y soumettent et en profitent par conséquent. »

Vers 1861, sollicité par des amis et des confrères, il s'était décidé à ouvrir un atelier et à
préparer un cours public d'architecture. Nous lui laissons la parole pour raconter lui-même' pour-
quoi cette tentative n'aboutit pas :

« La chose, dit-il, ne me paraissait importante que pour ceux qui voudraient bien entrer

1. Ces trois ouvrages peuvent être considérés comme un résumé de tout l'œuvre de Viollet-le-Duc, mis par lui-même à la portée des
enfants.
 
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