38 L'ART.
sont, du reste, également bien peints. Le costume noir dont ils sont vêtus fait valoir encore le
ton clair de leurs physionomies expressives; là aussi l'attitude est pleine de naturel et d'abandon,
ils ne posent pas, mais discutent entre eux ; il faut avouer qu'ils ne sont que cinq et que la
disposition de la scène a été d'autant plus facile.
Enfin, le musée de Harlem possède encore deux toiles inachevées de ce grand peintre. La
mort le surprit à l'âge de quatre-vingt-deux ans, en l'année 1664. Ses facultés s'étaient usées,
son tempérament n'était plus le même,, mais on retrouve encore les qualités qui avaient fait de
lui un praticien de premier ordre et une grande personnalité.
Plus simple que Velasquez, mais peut-être plus vigoureux observateur, Hais a su donner à ses
portraits un caractère de vérité qui ne se trouve chez aucun des artistes ses contemporains.
Les portraits de la famille de Berenstein, exécutés pour l'hospice fondé par un de ses
membres, sont des plus admirés.
Le portrait de Berenstein est peint avec toutes les qualités de la meilleure époque.
F. Hais, dont la manière énergique convenait aux portraits d'hommes., réussissait moins les
visages féminins; il n'avait ni la douceur ni le moelleux voulu; son procédé habituel ne pouvait
être employé avec autant de succès lorsqu'il s'agissait de reproduire une tête de femme, et
surtout de femme jeune, aussi le portrait de la dame de Berenstein est-il, malgré tout son
mérite, moins heureux que celui de son mari.
Le costume, les accessoires sont admirablement exécutés, le dessin même du visage est remar-
quable, mais on sent la gêne que le maître dut éprouver à ne pas employer sa manière ordinaire
de peindre par touches., et la contrainte qu'il s'imposa pour adoucir ce que son procédé avait de
trop énergique pour une pareille tâche.
Une page exquise en revanche est le portrait d'Emmerantine de Berenstein, petite fille de
treize ans environ. L'enfant est debout, vêtue d'une robe rouge et d'un manteau qui se rattache à
la coiffure, suivant la mode de l'époque. Le visage est gracieusement incliné vers l'épaule droite,
le regard et le sourire sont charmants de malice et de jeunesse, les cheveux, qui tombent sur les
épaules, encadrent cette jolie figure, que l'on ne peut assez regarder tant l'expression en est
vraie.
Cependant, et à cause de cette différence qui se remarque entre le portrait de la mère et
celui de l'enfant, aussi bien quant à ce qui concerne la tête que le vêtement, il est permis de se
demander si c'est bien là une œuvre du même maître, c'est bien plus le faire de l'école de
Rubens. La touche est étalée uniformément, et l'on ne sait trop si l'expression charmante qui
anime ce gracieux visage est du modèle ou du peintre.
Un grand tableau représentant Berenstein, sa femme, leurs enfants et la nourrice, complète
cette petite mais précieuse collection.
Il est difficile d'apprécier ce dernier, il a été tellement repeint que c'est avec peine que l'on
découvre quelques rares parties intactes.
La composition en est heureuse, et, chose extraordinaire, plus heureuse que toutes celles du
maître de Harlem.
A propos de ces quatre tableaux, il convient de signaler un fait étrange bien fait pour
éveiller l'attention du gouvernement néerlandais.
Les régents actuels de cet hospice ont, paraît-il, l'intention de vendre ces toiles, afin d'aug-
menter les ressources financières de la maison qu'ils dirigent.
On aurait déjà même offert une somme importante (100,000 florins, soit 210,000 fr. environ),
du seul portrait d'Emmerantine de Berenstein.
En vue de cette vente, et sur l'ordre de M. Van Bemmel, un des régents, qui m'a lui-même
communiqué le fait, un peintre résidant à Harlem copie l'œuvre de Hais.
Ces copies sont destinées à remplacer les originaux là où le fondateur de l'hospice les avait
lui-même placés.
Le gouvernement des Pays-Bas s'opposera sans doute à cette vente, car les régents n'ont
légalement pas le droit d'enfreindre la volonté du fondateur qui a fait exécuter ces portraits pour
sont, du reste, également bien peints. Le costume noir dont ils sont vêtus fait valoir encore le
ton clair de leurs physionomies expressives; là aussi l'attitude est pleine de naturel et d'abandon,
ils ne posent pas, mais discutent entre eux ; il faut avouer qu'ils ne sont que cinq et que la
disposition de la scène a été d'autant plus facile.
Enfin, le musée de Harlem possède encore deux toiles inachevées de ce grand peintre. La
mort le surprit à l'âge de quatre-vingt-deux ans, en l'année 1664. Ses facultés s'étaient usées,
son tempérament n'était plus le même,, mais on retrouve encore les qualités qui avaient fait de
lui un praticien de premier ordre et une grande personnalité.
Plus simple que Velasquez, mais peut-être plus vigoureux observateur, Hais a su donner à ses
portraits un caractère de vérité qui ne se trouve chez aucun des artistes ses contemporains.
Les portraits de la famille de Berenstein, exécutés pour l'hospice fondé par un de ses
membres, sont des plus admirés.
Le portrait de Berenstein est peint avec toutes les qualités de la meilleure époque.
F. Hais, dont la manière énergique convenait aux portraits d'hommes., réussissait moins les
visages féminins; il n'avait ni la douceur ni le moelleux voulu; son procédé habituel ne pouvait
être employé avec autant de succès lorsqu'il s'agissait de reproduire une tête de femme, et
surtout de femme jeune, aussi le portrait de la dame de Berenstein est-il, malgré tout son
mérite, moins heureux que celui de son mari.
Le costume, les accessoires sont admirablement exécutés, le dessin même du visage est remar-
quable, mais on sent la gêne que le maître dut éprouver à ne pas employer sa manière ordinaire
de peindre par touches., et la contrainte qu'il s'imposa pour adoucir ce que son procédé avait de
trop énergique pour une pareille tâche.
Une page exquise en revanche est le portrait d'Emmerantine de Berenstein, petite fille de
treize ans environ. L'enfant est debout, vêtue d'une robe rouge et d'un manteau qui se rattache à
la coiffure, suivant la mode de l'époque. Le visage est gracieusement incliné vers l'épaule droite,
le regard et le sourire sont charmants de malice et de jeunesse, les cheveux, qui tombent sur les
épaules, encadrent cette jolie figure, que l'on ne peut assez regarder tant l'expression en est
vraie.
Cependant, et à cause de cette différence qui se remarque entre le portrait de la mère et
celui de l'enfant, aussi bien quant à ce qui concerne la tête que le vêtement, il est permis de se
demander si c'est bien là une œuvre du même maître, c'est bien plus le faire de l'école de
Rubens. La touche est étalée uniformément, et l'on ne sait trop si l'expression charmante qui
anime ce gracieux visage est du modèle ou du peintre.
Un grand tableau représentant Berenstein, sa femme, leurs enfants et la nourrice, complète
cette petite mais précieuse collection.
Il est difficile d'apprécier ce dernier, il a été tellement repeint que c'est avec peine que l'on
découvre quelques rares parties intactes.
La composition en est heureuse, et, chose extraordinaire, plus heureuse que toutes celles du
maître de Harlem.
A propos de ces quatre tableaux, il convient de signaler un fait étrange bien fait pour
éveiller l'attention du gouvernement néerlandais.
Les régents actuels de cet hospice ont, paraît-il, l'intention de vendre ces toiles, afin d'aug-
menter les ressources financières de la maison qu'ils dirigent.
On aurait déjà même offert une somme importante (100,000 florins, soit 210,000 fr. environ),
du seul portrait d'Emmerantine de Berenstein.
En vue de cette vente, et sur l'ordre de M. Van Bemmel, un des régents, qui m'a lui-même
communiqué le fait, un peintre résidant à Harlem copie l'œuvre de Hais.
Ces copies sont destinées à remplacer les originaux là où le fondateur de l'hospice les avait
lui-même placés.
Le gouvernement des Pays-Bas s'opposera sans doute à cette vente, car les régents n'ont
légalement pas le droit d'enfreindre la volonté du fondateur qui a fait exécuter ces portraits pour