LE MONT-SAINT-MICHEL. 279
symbolisaient à ses yeux le Dieu triple et un, le Père, le Fils et le Saint-Esprit de la Trinité
chrétienne. Cette nef est flanquée de deux collatéraux étroits, qui se terminent en fer à cheval.
Elle appartient au roman, et elle est décorée de trois zones d'arcades. La corniche méridionale
est soutenue par des modillons, et elle a pour ornement un élégant balustre du xvic siècle. Ses
chapiteaux ont pour décor des feuilles et des fleurs ; quelquefois aussi des étoiles rayonnantes, ou
des volutes légères, aux souples mouvements.
Le transept méridional est roman, en moyen appareil, percé au fond de deux baies à
voussures profondes, avec moulures, mêlées de coins romans, d'un travail délicat. On trouve, du
reste, dans cette nef, une foule de jolis détails d'architecture qui mériteraient une étude appro-
fondie, et qui offrent un véritable intérêt pour l'histoire de l'art de bâtir. Telle est, par exemple,
la grande fenêtre ogivale, à fronton triangulaire, semblable à un vaste porche, avec une niche de
chaque côté, œuvre authentique du xme siècle; ou bien encore la grande arcade romane, avec son
L'Abbaye du Mont-Saint-Michel. — Le Dortoir.
Dessin de Henry Scott, gravure de Smeeton et Tilly.
archivolte anguleuse ; tel est aussi le grand arc du bas-côté, avec l'écusson abbatial et la date
de 1638.
Le transept du nord est roman dans ses parties latérales, comme celui du midi ; à son
pignon, il incline déjà vers le gothique.
Le chœur de la basilique est sa partie la plus artistiquement belle. Elle appartient à ce style
contesté, et contestable en effet, où la noble architecture ogivale, amaigrissant tout à coup ses
nervures, compliquant et contournant ses lignes, s'abandonne à des caprices qu'un art pur et
sévère n'absout pas toujours, mais où elle atteint le dernier terme de son opulente et luxuriante
fantaisie.
C'est ce style que les Anglais appellent perpendiculaire, à cause de l'élancement prodigieux de
quelques-unes de ses parties qui semblent tendre vers le ciel; les Français, flamboyant, à cause de
l'ardente et brillante effusion de ses lignes, qui ont toutes les souplesses et toutes les sinuosités
de la flamme ; les Espagnols, orfèvrerie, à cause de la finesse et du fini d'un travail qui cisèle la
pierre, comme l'orfèvre, le métal précieux de ses bijoux.
Le chœur de la Basilique du Mont-Saint-Michel peut passer, et il passe, en effet, pour un
des spécimens les plus accomplis de ce style, qui, dans toute l'Europe occidentale, a dit le
dernier mot de l'art gothique. Mais tandis que, partout ailleurs, ce type si remarquable n'est en
quelque sorte que le jet mourant d'un art épuisé, et, pour ainsi parler, que la chute du beau dans
symbolisaient à ses yeux le Dieu triple et un, le Père, le Fils et le Saint-Esprit de la Trinité
chrétienne. Cette nef est flanquée de deux collatéraux étroits, qui se terminent en fer à cheval.
Elle appartient au roman, et elle est décorée de trois zones d'arcades. La corniche méridionale
est soutenue par des modillons, et elle a pour ornement un élégant balustre du xvic siècle. Ses
chapiteaux ont pour décor des feuilles et des fleurs ; quelquefois aussi des étoiles rayonnantes, ou
des volutes légères, aux souples mouvements.
Le transept méridional est roman, en moyen appareil, percé au fond de deux baies à
voussures profondes, avec moulures, mêlées de coins romans, d'un travail délicat. On trouve, du
reste, dans cette nef, une foule de jolis détails d'architecture qui mériteraient une étude appro-
fondie, et qui offrent un véritable intérêt pour l'histoire de l'art de bâtir. Telle est, par exemple,
la grande fenêtre ogivale, à fronton triangulaire, semblable à un vaste porche, avec une niche de
chaque côté, œuvre authentique du xme siècle; ou bien encore la grande arcade romane, avec son
L'Abbaye du Mont-Saint-Michel. — Le Dortoir.
Dessin de Henry Scott, gravure de Smeeton et Tilly.
archivolte anguleuse ; tel est aussi le grand arc du bas-côté, avec l'écusson abbatial et la date
de 1638.
Le transept du nord est roman dans ses parties latérales, comme celui du midi ; à son
pignon, il incline déjà vers le gothique.
Le chœur de la basilique est sa partie la plus artistiquement belle. Elle appartient à ce style
contesté, et contestable en effet, où la noble architecture ogivale, amaigrissant tout à coup ses
nervures, compliquant et contournant ses lignes, s'abandonne à des caprices qu'un art pur et
sévère n'absout pas toujours, mais où elle atteint le dernier terme de son opulente et luxuriante
fantaisie.
C'est ce style que les Anglais appellent perpendiculaire, à cause de l'élancement prodigieux de
quelques-unes de ses parties qui semblent tendre vers le ciel; les Français, flamboyant, à cause de
l'ardente et brillante effusion de ses lignes, qui ont toutes les souplesses et toutes les sinuosités
de la flamme ; les Espagnols, orfèvrerie, à cause de la finesse et du fini d'un travail qui cisèle la
pierre, comme l'orfèvre, le métal précieux de ses bijoux.
Le chœur de la Basilique du Mont-Saint-Michel peut passer, et il passe, en effet, pour un
des spécimens les plus accomplis de ce style, qui, dans toute l'Europe occidentale, a dit le
dernier mot de l'art gothique. Mais tandis que, partout ailleurs, ce type si remarquable n'est en
quelque sorte que le jet mourant d'un art épuisé, et, pour ainsi parler, que la chute du beau dans