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Quatremère de Quincy, Antoine Chrysostôme
Le Jupiter olympien ou l'art de la sculpture antique — Paris, 1815 [Cicognara, 285; 2499]

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https://doi.org/10.11588/diglit.6109#0039

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1

AVANT-PROPOS. xxiij
cette connaissance importe au complément de la théorie de l'art, comme elle
avait manqué jusqu'à présent à son histoire.

Il y aurait lieu de s'étonner que ce point de vue de la sculpture polychrome,
qui se présente si fréquemment dans les récits des écrivains, n'ait été aperçu
que fugitivement, n'ait obtenu que la plus légère attention, et ait comme
échappé à l'analyse moderne, si les préventions dont j'ai parlé n'expliquaient
cette négligence. Les antiquaires, dociles aux impressions qu'ils recevaient
des artistes, avaient, jusqu'à ces derniers temps, presque toujours détourné
les yeux de la statuaire en ivoire et des grands ouvrages de la sculpture poly-
chrome , dont quelques procédés, il est vrai, appartiennent à l'enfance de
l'imitation-, et dont quelques pratiques tributaires de la superstition, se
rangent évidemment parmi les erreurs de l'imitation.

Pour bien apprécier et sans prévention l'art de la sculpture chez les
anciens, il ne faut pas oublier qu'il fut l'art favori de la religion et le ministre
le plus docile de ses volontés. Promoteur, fauteur et propagateur de toutes
les opinions sur lesquelles reposait l'existence des dieux , il ne se bornait pas
à en faire de simples représentations. C'est par la propriété qu'ont les signes
de prendre la place des choses signifiées, que l'art de la sculpture servit très-
activement la superstition, en employant les moyens les plus capables de
faire prendre le change aux speclateurs ignorants. Associé ainsi à la puissance
théogonique, l'art ne reproduisait pas seulement, mais il créait des dieux.
Agent principal de cette puissance si prodigue d'emplois, il dut à la diversité
même de ses emplois la multiplicité de formes, de goûts et de caractères qui
modifièrent ses ouvrages au gré de plus d'une sorte de convenances inconnues
aux arts modernes.

Il faut considérer que c'est à l'importance de ses destinations, et à l'action
puissante du ressort religieux dont on a parlé, que l'imitation dut en Grèce
sa perfection. La distinction que Lessing a voulu faire entre les ouvrages
exécutés en vue de la religion, et ceux qui le furent en vue de l'art, devient
chimérique, lorsqu'on réfléchit que, si la religion d'un côté put détourner l'art
de sa perfection, la plus grande perfection de l'art fut d'un autre côté néces-
saire à la religion, en sorte que, appuis l'un de l'autre, ils se durent réci-
proquement leurs succès. L'histoire des monuments est encore ici d'accord
avec celle des causes qui les produisirent. Si à la tête des ouvrages exécutés
en vue de la religion, se placent sans contredit les statues et les colosses des
divinités en or et en ivoire, nous voyons pourtant que ces morceaux furent
mis sur la première ligne des chefs-d'œuvre de l'art.

La distinction entre les statues, selon qu'on les considère comme produits
de la religion ou comme productions de l'art, me paraît donc être le résultat
des préventions accréditées depuis long-temps dans cette matière, et je pense
 
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