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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 2)

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Soldi, Émile: L' art persan, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.18608#0054

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L'ART.

sur les murs des édifices, et dans les pièces les plus importantes
telles que le mirab, — le panneau le plus richement orné des
mosque'es, et qui indique aux musulmans en prières la direction
de la Mecque.

Dans toutes les compositions, les tiges et les fleurs les plus
varie'es de la contrée couvrent toute la surface, partent d'un
vase ou d'une tige mère, et s'espacent en suivant toujours des
courbes très allongées et très délicates, caractéristiques de la
grâce de l'art persan.

L'ornemaniste iranien suit partout les mêmes règles de pro-
portions, d'ordre géométrique et de symétrie présentées par
l'art arabe, règles qu'il a créées et que les Arabes n'ont fait que
développer. Celles-ci ont été trop bien définies par deux de
nos plus célèbres artistes pour qu'il soit nécessaire d'y revenir.
M. Parvillé, dans un beau livre dont le titre est le seul défaut ',
a donné leurs principes pour le tracé des dessins, principes qu'il a
étudiés sur les émaux des édifices de Brousse, construits par
des Persans vers le x° siècle ; mais h compter du ix'- siècle,
les deux arts se séparent d'une façon plus absolue. Quant à l'ar-
tiste persan, il cherche toujours, — surtout aux plus belles et
plus anciennes époques —■ à éviter les angles droits; le détail
est sobre, les masses larges; le sentiment de la forme architec-
turale ne l'empêche pas de suivre toujours les sinuosités des
tiges végétales, d'exprimer la grâce de la fleur; enfin, aux
époques modernes, il copie plus servilement la nature sans
l'interpréter.

Ce qu'il semble gagner ainsi en souplesse et en vérité, il le
perd en caractère, en compréhension de l'effet, surtout au point
de vue de la décoration monumentale.

Prenons l'art persan aux bonnes époques, par exemple dans
les faïences de Rhodes qui sont si appréciées aujourd'hui. Jamais
l'artiste n'omet les grands principes d'observation vraie et d'effet
qui créent le style. Si du bord de ce plat il fait partir plusieurs
tiges portant de belles fleurs à leurs extrémités, celles-ci, tout en
s'entremèlant dans leur route comme une gerbe d'artifice, iront
s'épanouir à toutes les extrémités de la circonférence du plat
avec un ensemble voulu et coordonné. Plus la tige est fine et
délicate, plus sa courbe est longue et gracieuse, plus la fleur
qu'elle porte est puissante et belle. Celle-ci apparaît comme une
masse pleine d'une couleur intense et soutenue.

D'autres fois la tige lance des boutons à toutes les extré-
mités de la pièce, et le centre est occupé par une seule fleur,
dont toutes les corolles sont largement épanouies.

Les mêmes principes sont appliqués à la décoration des
édifices. L'artiste persan distribue avec symétrie les tiges, les
boutons et les feuilles de chaque côté du portique, et au milieu,
dans la partie la plus large de la décoration se développe une
immense fleur, au contour architectural, à la note colorée et
éclatante.

Les autres parties du monument sont couvertes de figures
géométriques variées de formes et de proportions suivant la
place à décorer ; le long des corniches courent les inscriptions
monumentales, et souvent il semble que l'artiste ait jeté sur les
dômes un immense filet chargé de contenir ou de fixer une
certaine quantité de fleurs, lesquelles s'épanouissent au milieu
des mailles et viennent s'y encadrer.

Un des principaux caractères de l'art persan consiste à ne
pas se borner à la représentation de l'ornement floral ; les ani-
maux et les figures humaines y prennent souvent une part
importante.

La religion musulmane défend, il est vrai, la reproduction

| par l'art des êtres parfaits, mais cette défense a toujours été
éludée, grâce à l'esprit et aux traditions antiques de la Perse,
traditions qui n'ont jamais été complètement anéanties. C'est
ainsi que l'art ingénieux des Persans s'est complu à créer des
représentations humaines imparfaites, en combinant ensemble
les formes d'animaux différents, en créant des monstres, ou en
les imitant comme les Grecs et les Étrusques d'après l'ancienne
symbolique assyro-égyptienne : hommes-poissons, femmes-
oiseaux, êtres privés d'un ou de plusieurs membres, ou de propor-
tions fantastiques

De là les compositions si étranges que nous présentent les
faïences persanes, les interprétations, les arrangements les plus
curieux rendus encore plus grotesques par l'inhabileté de l'exécu-
tant. A notre avis, jamais la Perse musulmane n'a dû posséder
une école de figure. Les artistes étudient la nature animée, et
parviennent à l'interpréter avec la justesse et même l'esprit des
maîtres païens des anciennes civilisations de l'Asie, depuis les
origines des empires chaldéens, jusque et même y compris
l'empire perse des Sassanides. 11 est probable que chez les
Persans le même artiste qui peignait ces délicieux bouquets de
fleurs, ces rinceaux souples et déliés, dut également, pour satis-
faire au goût national, reproduire sans étude préalable, sans
guide ni critique, par commande ou caprice, une figure, un
oiseau, un navire, un chasseur au faucon ; mais l'ornemaniste
habile et facile trahit toujours son inexpérience. L'habitude
qu'il a dans la main ou dans l'œil des formes -géométriques
rondes, souples, limitées généralement de la sphère à l'accent
circonflexe, se retrouve dans toutes les figurations ; telle figure
de femme a la tète imperceptible, l'œil de face, la robe longue
en forme de cloche ; si elle est retournée, elle pourra représenter
une tulipe ; chaque partie du corps est attachée à l'autre par des
jointures imperceptibles, qui s'augmentent, s'amplifient, se bal-
lonnent comme dans les végétaux ; les mains et les doigts sont à
peine rcconnaissables. Si on les isole de la figure, on croit voir
une marguerite en bouton dont les pétales sont encore . réunis
et à peine visibles. Ce cheval avec ses formes rondes et souples,
trois fois trop petit pour son cavalier, n'aurait jamais pu exister;
ce lion avec ses grands yeux tout ronds, son immense museau, ses
dents fantastiques, est certainement destiné à effrayer les enfants
qui n'ont pas été bien sages 2 ; cette flotte qui couvre la mer,
toutes voiles déployées, comme formes et comme proportions,
doit être certainement la proche parente de celle que l'infante
espagnole avait fait naître, d'après le poète, en effeuillant une
rose.

Il existe dans les collections de M. le baron Davillier et du
colonel Duhousset, à Kensington et à Sèvres, une certaine
quantité de petits carreaux émaillés, représentant un cavalier
longtemps désigné comme étant le Schah AbbasII (?), tenant un
faucon sur le poing ; ils sont généralement mieux dessinés, plus
finement traités que les autres sujets similaires de la Perse.

Dans l'exemplaire de M. Davillier, les fleurs sont dorées et
finement exécutées. Cette habitude persane de couvrir de fleurs
toute la surface disponible nous rappelle une mode toute
gracieuse qui existe encore aujourd'hui en Italie ; elle consiste
à couvrir la table les jours de grande fête d'une quantité de
feuilles de roses et de fleurs de tous genres; tout le service,
plats et couverts, émerge au milieu de cette nappe multicolore.
De même, les sujets, figures et inscriptions, représentés par
l'artiste iranien, ne laissent pas un interstice de libre, sans que
l'émailleur en ait profité pour y jeter suivant la place disponible
un arbuste, une tige, une fleur, ou simplement une feuille.

1. «Chaque dessin, dit M. Parvillé, page 13 de VArchitecture et décoration turque, avait son tracé établi par une suite de lignes déterminant un nombre de
filets, de rinceaux, de fleurs ou d'ornements; ces lignes formant l'armature de la composition étaient obtenues par des triangles enchevêtrés ou par un assemblage de
polygones réguliers. Dans la généralité, lorsque l'artiste a affaire au marbre, au bronze ou au bois, lesquels n'accusent d'autres tons que leur couleur naturelle, le
dessin n'est tracé que sur une seule ligne d'armature sur laquelle est adapté un rinceau d'ornement ou de fleur; si dans quelques cas il se trouve deux lignes, la
seconde n'est jamais qu'un filet servant d'encadrement et indiquant les points principaux et les centres. »

2. Voyez le n° 656J à Sèvres. Il n'y a pas de règle sans exception, ainsi on peut voir dans la collection de M. Sclieffer deux carreaux de la fabrique de Damas,
avec perruches, exécutées dans la perfection.
 
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