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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 2)

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Yriarte, Charles: Les restaurations de Saint-Marc de Venise, [2]
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Hugonnet, Leon: Aїda au Caire et à Paris
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https://doi.org/10.11588/diglit.18608#0171

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AIDA AU CAIRE ET A PARIS.

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vivant, Dieu merci ; on y officie, on y loue le Seigneur, les voûtes
de ce reliquaire d'or, contemporaines de Partecipazio, re'son-
nent chaque jour du chant des hymnes, et la fumée de l'encens
et de la myrrhe, en montant jusqu'aux mosaïques, les enveloppe
d'une atmosphère chaude et parfumée qui en adoucit encore
l'éclat. Il y a toujours une moyenne à prendre dans les choses
humaines, et on ne peut pas espérer qu'un monument traver-
sera les siècles sans être atteint par la main du temps, rarement
plus cruelle d'ailleurs que la main des hommes. Il est donc cer-
tain que, sous peine de voir une partie de la façade gravement
atteinte, il faudra procéder à des reprises, mais à des reprises
locales.

Quant à cette grave question de la patine, dont le manifeste
dit, avec autant de poésie que d'éloquence : « It has softened
whatever was crude, withoud hiding anything that was délicate;
it has -\ve may say, restored those rare and laboured stones to na-
ture without taking them from art », Dieu merci, en art, nous par-
lons la même langue queles signataires du manifeste, et nous nous
comprenons. C'est dans le procédé même de restauration qu'il
faut trouver la garantie de cette conservation et, nous le répétons
encore, c'est une question de respect, de soin, d'intelligence. 11
faut à côté du maçon qui est la main, un artiste (qui est toujours
un poète) et qui comprend ce qu'on perd à substituer une pierre
inerte et pour ainsi dire sans illustration, à de vénérables témoins
des siècles passés, qu'on ne bannit qu'à la dernière heure.

Quant à l'opportunité des meetings et de l'agitation qui s'est
produite en Angleterre, et à sa raison d'être, il est bien cer-
tain que le gouvernement italien, au mois de mai dernier, avait
donné l'ordre de suspendre toute espèce de travail,;! la suite d'un
rapport d'un inspecteur général, M. Buongiovanni (rapport de-
mandé sans doute à la suite de la publication de la brochure du
comte Zorzi et de quelques articles de journaux de la localité).
Mais il existait un projet de restauration générale de la façade
principale, le devis s'élevait à un peu plus de deux millions de
francs: il lui manquait l'approbation de la commission des mo-
numents historiques et de l'académie, comme celle aussi du mi-
nistre compétent; et enfin, pour l'exécuter, il fallait encore le
concours de la Chambre des députés qui devait voter le
j budget.

Le mal est conjuré désormais, et le principe même de l'agita-
tion prouve tout l'enthousiasme qu'on professe hors d'Italie pour
les monuments superbes qui attestent aux générations futures
la gloire des siècles passés. Personne n'a pu croire qu'il y ait
eu dans cette manifestation d'autre mobile qu'un vit amour de
l'art qui honore ceux qui ont prijj l'initiative du mouvement. C'est
le merveilleux privilège des choses de l'esprit de rapprocher les
peuples dans un même sentiment et d'unir tous ceux qui sont
faits pour en éprouver les jouissances, dans une même religion.

Charles Yriarte.

AIDA AU CAIRE ET A PARIS

Le drame lyrique étant un art essentiellement conven-
tionnel, il serait chimérique d'en attendre une grande exactitude
archéologique. Pourtant on ne peut nier que, grâce aux progrès
de l'instruction, les exigences des spectateurs parisiens n'aillent
sans cesse en augmentant. Quand l'esprit est contrarié par des
anachronismes ou des invraisemblances, il subit moins complè-
tement le charme de la musique. Dans les civilisations raffinées
et sceptiques les émotions deviennent moins naïves; on exige
que la vue et l'intelligence soient satisfaites en même temps que
l'oreille. A certaines époques même, notamment chez les Romains
et les Byzantins, le côté plastique occupait la première place
dans les spectacles.

Les Italiens ont parfois le sentiment de l'art plus ardent que
nous; ils sont plus vivement impressionnés, mais ils ne compren-
nent pas aussi complètement, et ils jugent avec moins de finesse.
Souvent ils affectent pour la vérité le plus grand dédain. Ainsi,
dans les théâtres d'Italie, où l'on chante d'ailleurs admirablement,
le spectateur n'est nullement scandalisé de voir des costumes
d'époques différentes, confondus sur la scène pendant l'inter-
prétation de la même pièce. Je me souviens d'avoir entendu
chanter Aida par une artiste incomparable, la Pozzoni, qui
avait refusé de mettre des gants de même nuance que le maillot
dont ses bras étaient recouverts, de sorte qu'elle ressemblait à
une statue de bronze à laquelle on aurait adapté des mains de
marbre blanc.

Le public parisien a le goût plus délicat, et il ne souffrirait
plus la représentation de tragédies grecques avec des acteurs
costumés en marquis du xvuc siècle. Le désir de la direction et
des artistes de l'Opéra étant évidemment d'atteindre la plus
grande somme possible de vérité, il est juste de rechercher dans
quelle proportion ils ont réussi. Tout en rendant hommage à de
consciencieux efforts, il n'est pas interdit de constater des imper-
fections que l'on pourra toujours corriger plus tard, puisque
l'œuvre de Verdi restera au répertoire. Les critiques impartiales
ne sauraient mécontenter l'artiste consciencieux qui, semblable
au jeune voyageur dont parle le poète anglais, gravit, lui aussi,

les purs sommets, en portant une bannière sur laquelle on lit :
Excelsior !

Relativement à la partition commandée à Verdi, pour
l'inauguration de l'Opéra du Caire, en septembre 1871, je me
contenterai de dire que le maître n'a pas pu songer à exhumer
les antiques mélodies égyptiennes. Une telle entreprise serait,
dans l'état actuel de la science, au-dessus du génie humain. Il
faudrait posséder les instruments de cette époque ; or nous ne
les connaissons que par les peintures des hypogées. Puis, en
supposant que l'on retrouve la langue musicale des Égyptiens,
on aurait besoin, pour la noter, d'un système graphique spécial.
Ce qui le prouve, c'est qu'il n'a jamais été possible de transcrire
exactement les chants populaires espagnols ou arabes, parce que
notre écriture musicale, purement conventionnelle, ne comporte
pas les mêmes nuances. Pour s'en convaincre, il suffit d'aller
écouter les chanteurs espagnols de la rue Taitbout. Certaines de
leurs mélodies vraiment nationales, et pures de toute imitation
italienne, ne ressemblent nullement aux airs d'opéra-comique
que nous sommes habitués à entendre. Mais de même qu'on
peut expliquer l'ancienne Egypte à l'aide des idiomes modernes,
on peut très bien la faire revivre dans notre imagination, en
employant la langue musicale contemporaine, surtout lorsque
l'interprète est un génie aussi puissant et aussi complet que Verdi.
Le chantre mélodieux et inspiré d'Aïda n'a pas dédaigné de
mettre à profit ce qu'il y avait de fondé dans les critiques des
novateurs allemands, et il est arrivé à écrire la langue musicale
la plus correcte en même temps que la plus passionnée, ni
tudesque, ni latine, mais cosmopolite. C'est celle-là seulement
qui est digne de Paris, capitale de la civilisation universelle.

Je n'ai donc rien à critiquer dans la partition, non plus
que dans le livret inspiré par Mariette, le prince des égyptologues.
Mais je dois dire que les accessoires, les costumes et les décors
ne sont pas absolument irréprochables. Tout d'abord il serait
nécessaire de bien déterminer l'époque à laquelle le drame
s'accomplit. L'empire des Pharaons a duré plus de cinquante
siècles, mais il ne fut pas toujours immuable, et la confusion est
 
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