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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 2)

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Énault, Louis: L' art algérien, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.18608#0319

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L'ART ALGÉRIEN

L'Algérie entre enfin dans le mouvement artistique qui,
depuis longtemps déjà, emporte toutes les grandes villes de
notre hémisphère. Ce n'a pas été l'œuvre d'un jour. Il y avait
près de quarante ans que le drapeau français flottait sur la
citadelle du dernier dey, Hussein-Ben-Hassen, et la première
Société des Beaux-Arts d'Alger n'était pas encore fondée.
La colonie avait alors des soucis plus pressants : il lui fallait
s'affermir sur un sol sanglant, et protéger sa conquête inces-
samment menacée.

Ce fut seulement en 1S68 que trois citoyens à l'âme géné-
reuse, aux inspirations élevées, vraiment dévoués à la chose
publique, MM. Luce, Roy et Lioger, se souvenant que l'homme
ne vit pas seulement de pain et que les Beaux-Arts occupent
le premier rang parmi les instructeurs des peuples, fondèrent
une Société modeste, la première de ce genre qui eût été
implantée dans Alger, « La Société de musique et de peinture ».
Ce n'était là qu'un rudiment, un germe jeté au hasard, sans
que personne pût savoir s'il allait éclore et se développer. Il
paraît que le terrain était bien préparé et l'heure propice, car.
au mois d'octobre de la même année, la Société de musique et
de peinture était établie sur des bases solides, et, prenant son
rôle au sérieux, entrait en fonction sans perdre une minute.
Ses commencements furent très humbles, et ses débuts fort
modestes. . Elle n'eut d'abord que deux sections : section de
Musique et section des Arts du dessin. Dans une ville où
pourtant les monuments publics ne manquent point, mais où,
chacun tirant à soi, les premiers occupants s'étaient fait des
parts delion, il ne se trouva de place nulle part pour la nouvelle
Société. Elle logea quelque temps à la belle étoile. C'est une
auberge illustrée par plus d'un grand artiste à ses premiers pas
dans la carrière, et n'ayant pour toute fortune que son espé-
rance et son génie. Cependant, l'administration supérieure,
touchée de ses efforts, et commençant à soupçonner qu'elle
pourrait un jour rendre des services, lui octroya, comme une
grâce spéciale et une faveur insigne, la permission de s'abriter
provisoirement dans les bâtiments de l'ancien lycée. Il est vrai
que le lycée était condamné d'avance à une démolition prochaine,
et que l'on était bien certain, dans le cas où les Beaux-Arts
ne voudraient pas déménager, qu'il serait inutile de leur donner
congé. C'est une besogne dont se chargeraient les démolis-
seurs.

Mais la nouvelle Société des Beaux-Arts voulut prouver à
tous qu'elle était née viable et qu'elle vivrait. Elle commença
par organiser un orchestre et des chœurs, recrutés parmi les
amateurs de la ville, et elle donna des concerts dans le foyer du
théâtre. On y alla et l'on en parla. Le premier élément de son
succès fut la curiosité : la sympathie vint ensuite.

A la fin de 1869, la Société des Beaux-Arts tenta un pre-
mier essai d'exposition dans l'infirmerie du lycée. On voit qu'elle
voulait vivre à tout prix. Elle n'avait point en propre beau-
coup d'objets d'art, mais elle emprunta à ceux qui en avaient.
Elle s'aida de tout le monde, de l'État, de la ville et des particu-
liers. Chacun, du reste, lui venait en aide avec bonne grâce.
On sentait qu'elle faisait œuvre utile et méritoire.

Pour rudimentaire qu'elle fût. cette exposition ne laissa
point que d'avoir une influence sérieuse sur l'avenir artistique
d'Alger, car elle fut le germe d'où sortit plus tard le musée de
la ville.

Quelques jours à peine après la clôture, on commença la
démolition du lycée. Le pic et la pioche chassaient la palette et
le pinceau. La Société, en quête d'un nouveau gîte, mais déjà
rassurée sur son avenir, et disposant de quelques ressources,

alla s'établir dans un ancien magasin, trop éloigné sans doute
du centre du mouvement intellectuel et de la vie riche et mon-
daine, au sein de laquelle les arts se développent plus faci-
lement, mais où, du moins, la place ne lui manquait point.

On profita de cette translation dans un nouveau local pour
ajouter aux deux sections déjà existantes de la Musique et de la
Peinture, une section nouvelle, la section des Lettres et des
Sciences.

C'était, on le voit, comme une sorte d'université au petit
pied. Des conférences et des leçons, d'après un programme large
et compréhensif, furent instituées tout aussitôt, et ainsi se trouva
fortement constitué dans la capitale de notre France africaine un
véritable enseignement libre et complet, littéraire, scientifique
et musical, conjointement à celui qui a pour but tout ce qui a
rapport aux Arts du dessin.

Le musée, ce musée incomplet dont nous parlerons tout à
l'heure, fut reconnu et classé, et il obtint des subventions de
l'État, du département et de la ville d'Alger. Ce n'est pas la moins
importante des créations que nous devons à la Société des Beaux-
Arts. Ce local comprend une vaste salle, avec estrades pour placer
l'orchestre et les chœurs, les jours de concert : c'est là que se
trouvent les principaux tableaux de la Société; puis quatre autres
salles plus petites, renfermant la bibliothèque, des aquarelles,
des dessins, des gravures, des photographies, et une collection
assez complète de plâtres classiques, d'après les bronzes et
les marbres des plus célèbres galeries du monde.

Parmi les toiles les plus remarquables du Musée de la Société
des Beaux-Arts, je citerai une vaste composition très mouve-
mentée, d'HoraceVernet, représentant leprince Louis-Napoléon,
alors président de la République, au moment où il passe la revue
des troupes dans la plaine de Satory. On y voit le général
Changarnier au milieu de l'escorte d'honneur qui accompagne le
prince. Que l'on nous permette à ce sujet de rappeler un trait
qui fait honneur au caractère de l'artiste. On sait qu'après le
coup d'État, le général se sépara du prince par une retraite écla-
tante, et ne reparut plus ni à l'Elysée ni aux Tuileries. Des
courtisans, nés pour toutes les bassesses de l'adulation, deman-
dèrent au peintre d'effacer la tête de Changarnier et de la rem-
placer par un personnage plus agréable au maître.

« Vous pouvez détruire le tableau, s'il vous déplaît, répondit
fièrement l'artiste; quant à moi, je ne mutilerai pas mon œuvre,
en me déshonorant par une lâcheté. »

Les Algériens se souvinrent de cette réponse en 1870, et
lorsque tant d'autres souvenirs de l'idole renversée furent
détruits, le mot courageux de Vernet, rappelé à propos, sauva
son tableau.

La plus grande toile du musée, et elle occupe une paroi
presque tout entière de la grande salle, est une sorte de compo-
sition panoramique, dans le genre de la fameuse Prise de la
Smalah d'Abd-el-Kader, qui représente la soumission du chérif
Mohammed-ben-Abdallah, capturé près d'Ouargla, le iS septem-
bre i 861. Couverchel pinxit.

Nous citerons encore, sans les décrire, en nous bornant à
une simple mention : Priant aux genoux d'Achille, par Vien, le
peintre de Louis XV, et le même Priant allant supplier le même
Achille de lui rendre les restes d'Hector, par Doyen ;

Saint Louis, débarquant à Damiette, par Ch. Lefebvre;

Un Membre du Conseil des dix, par Paris Bordone;

Une Vue de Bône, par A. de Pujol ;

Psyché à la cour des Dieux, copie de Raphaël , par un
maître ancien;

Saint-Marc de Venise, par Van Elven ;
 
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