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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 2)

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Yriarte, Charles: Les restaurations de Saint-Marc de Venise, [1]
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LES RESTAURATIONS DE

SAINT-MARC DE VENISE

Une agitation qui est peut-être sans précédent dans l'histoire,
si on en considère la cause, s'est produite en Angleterre au sujet
de la restauration de Saint-Marc de Venise ; il y a eu positive-
ment intervention des Anglais dans les affaires de l'Italie au
sujet d'une question d'art, et c'est au nom des principes les plus
élevés que des hommes si jaloux de leurs droits, de leur indé-
pendance et de leur nationalité, ont cru pouvoir intervenir dans
les affaires d'un peuple étranger.

Nous avons constaté à notre retour d'Italie, où ce sujet
nous avait spécialement attiré, le peu d'écho que ce grave inci-
dent avait trouvé en France. Les journaux d'art l'ont à peine
signalé, les journaux politiques ont publié de rares entrefilets
annonçant les meetings tenus à ce sujet, et, alors qu'un mou-
vement considérable se produisait en Angleterre, que la polé-
mique était très vive entre les deux pays, que le parlement et
la diplomatie intervenaient comme s'il se fût agi de la ,question
d'Orient ou de celle de Grèce, la France a paru ne point
s'émouvoir.

On ne s'étonnera pas, après avoir consacré, il y a quelques
jours déjà, un article aux restaurations dans la Revue des Deux
Mondes, de nous voir reprendre ici le même sujet ; ce n'est point
un double emploi, car l'appui du dessin est nécessaire pour bien
comprendre la question au point de vue technique ; et chacun
sait que la Revue ne nous permettait pas de compléter nos dé-
monstrations par des figures. Il n'y a pas lieu de nous étendre
longuement, mais nous appuierons sur les points précis, et tout
d'abord, pour les personnes qui ne sauraient point au juste de
quoi il s'agit, nous ferons en quelques lignes l'historique de la
question.

En 1865, par conséquent sous le gouvernement de l'Au-
triche, on a commencé la restauration de la façade de Saint-
Marc qui s'élève sur la Piazzetta. Les travaux ont duré plus de
douze ans et, le jour où, débarrassé des échafaudages qui les
dérobaient depuis si longtemps aux yeux du public, on a pu
juger l'effet des travaux de restauration, il s'est formé un parti
à Venise même, qui a hautement condamné l'esprit qui avait
présidé à ce travail. Un honorable citoyen de Venise qui porte
un beau nom, Alvise Piero Zorzi, a protesté vivement dès 1877
dans un opuscule intitulé : Osservaponi intorno ai ristauri
interni ed esterni délia Basilica di San Marco, dédié à John
Ruskin et précédé d'une lettre-préface du flamboyant auteur des
Stones of Venice.

Pour tout dire, l'émotion n'a pas été très grande à Venise
en 1877 ; s'il y a eu polémique, elle est restée toute locale malgré
les graves accusations formulées par l'honorable écrivain. Ce
n'est qu'en 1879, vers le mois de novembre, qu'au bruit de la
restauration prochaine de la façade principale sur la place
Saint-Marc, l'émotion est devenue très vive, et a enfin dégénéré
en une agitation sérieuse. Un artiste distingué, M. Henry Wallis,
qui a souvent emprunté le sujet de ses tableaux à l'histoire de
Venise, a dénoncé dans le Times le fait de la restauration pro-
bable de la façade principale en condamnant les errements
suivis pour la façade latérale. La Société pour la protection des
anciens monuments s'est réunie à Londres ; elle a décidé la
rédaction et l'envoi d'un manifeste respectueux au gouverne-
ment italien, en se basant sur cette idée qu'un monument tel
que Saint-Marc de Venise appartenait au monde entier, et en
demandant de surseoir à un tel projet avant un examen appro-
fondi de ce qui avait été fait pour la façade sur la Piazzetta.

Le manifeste a recueilli les signatures des hommes les plus
illustres; des meetings ont été tenus dans nombre de grandes
villes, après qu'Oxford en avait donné l'exemple. Il n'y a pas un
journal, pas une revue d'art, qui n'ait ouvert ses colonnes à la
Tome XXI.

discussion. Les Italiens naturellement ont répondu, le manifeste
est arrivé à destination, et enfin, par voie diplomatique, le gou-
vernement a donné satisfaction sur ce sujet à la nation anglaise
représentée dans le manifeste par les signatures de ses hommes
les plus éminents. Plus tard M. Antoni-Bon s'est chargé d'inter-
peller le gouvernement italien à ce sujet, et la commission de
protection des anciens monuments d'Angleterre a délégué un ar-
chitecte, M. Stevenson, pour faire un rapport sur le monument.

Voilà, dans ses grandes lignes, l'état de la question; je n'en-
trerai pas ici dans les circonstances accessoires, elles sont extrê-
mement curieuses cependant, et, si on pouvait communiquer au
public le dossier de la polémique qui a mis deux peuples aux
prises sur une question d'esthétique, on verrait qu'à un moment
donné, dans certaines villes, comme Rome, Milan, Venise et
Florence, le sens patriotique des Italiens a été vivement froissé,
alors que les Anglais, de la meilleure foi du monde, n'avaient
entendu soulever qu'une discussion d'art, et tout en affirmant
hautement leurs sentiments affectueux et respectueux à l'égard
des Italiens.

On nous permettra de rester ici dans les limites tracées
par le titre que porte ce recueil ; il s'agit de savoir quelles
sont les restaurations déjà exécutées à Saint-Marc de Venise
— dans quelle mesure elles justifient les récriminations expri-
mées — et si enfin, en admettant qu'on accepte le fait accompli
pour la façade de la Piazzetta, on doit, dans un avenir plus ou
moins rapproché, voir la façade principale sur la Piazza pro-
fondément altérée par une restauration.

I

La basilique de Saint-Marc présente trois façades au spec-
tateur: celle au midi, qui regarde la Piazzetta; celle au nord
vers San Basso ou vers l'horloge, et la façade principale à l'ouest,
sur la Piazza.

La façade au midi menaçait ruine et, dans son mouvement,
elle compromettait non-seulement la chapelle Zen, le baptistère
et le trésor, mais le monument tout entier qui n'était plus sou-
tenu à son angle méridional. Les travaux furent commencés
vers 1864,.c'est-à-dire sous le gouvernement autrichien; l'archi-
tecte n'avait pour tout contrôle que le conseil de fabrique,
administration alors en tutelle où se trouvait, parmi des ho-
norables ecclésiastiques, un seul homme spécial et compétent,
l'ingénieur Zaccardo.

Il y a tout lieu de croire que l'état du monument exigeait
une reprise des fondations elles-mêmes, car ce ne fut point une
restauration, mais une véritable reconstruction. Le flanc méri-
dional présente deux travées, chacune d'elles de deux arcs super-
posés séparés et butés par des colonnes qui portent un clocheton
ou pinacolo. Le premier arc inférieur à l'ouest porte la lumière
dans la chapelle Zen, le second à l'est donne accès au baptis-
tère. La partie supérieure est en retraite de toute la largeur de
la galerie qui permet de circuler autour du monument; et là
les deux arcs sont divisés au-dessous de leur naissance en arcs
plus petits qui éclairent un magasin au-dessus de la chapelle
Zen, et une chambre au-dessus du baptistère. Au-dessus de
leur naissance ces deux mêmes arcs, divisés en compartiments
horizontaux, sont décorés de panneaux de mosaïques, de marbres
précieux et de formelle. Tous deux enfin sont enfermés dans
un autre arc aigu sur lequel rampent de riches feuillages dé-
coupant, sur l'azur du ciel, les statues qui en sortent à mi-
corps comme des fleurs animées. Ajoutez à cela les deux fameux
piliers du vi° siècle arrachés au temple de San Saba et rap-

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